#HelloQuitteX : un réseau social peut-il tomber ?


Le 20 janvier prochain Elon Musk, patron de X, sera ministre de Donald Trump. Contre Attaque quittera X avec de nombreux autres comptes ce jour là, on vous explique pourquoi.


Une Tesla en flammes devant un hôtel de Donald Trump : Contre Attaque va quitter X le 20 janvier prochain

Que ce soit clair dès maintenant, X (anciennement Twitter) n’a jamais été qu’un outil capitaliste parmi d’autres. Il n’était jusqu’à récemment ni pire, ni meilleur que les autres réseaux marchands sur lesquels Contre Attaque est présent en tant que média, comme Facebook ou Instagram. Mais si une vague de départ collective s’annonce pour le 20 janvier, regroupée en France sous le nom de #HelloQuitteX, c’est parce que X est devenu le symbole d’autre chose.

Les réseaux sociaux capitalistes sont des ennemis. Mais dans le cadre d’une bataille culturelle et médiatique foncièrement inégale, notre objectif est d’utiliser les armes de l’ennemi contre lui. Les médias alternatifs et autonomes comme le notre ont besoin de visibilité afin de sortir de l’entre-soi militant. Parce que nous ne cherchons pas à convaincre des convaincu·es, mais à bouleverser le débat public et à renverser le rapport de force dans la bataille culturelle que la bourgeoisie nous mène, et qu’elle ne cesse de gagner. Un média qui n’est pas sur les réseaux sociaux ne parle qu’à lui-même, et nous cherchons précisément à parler à tout le monde.

C’était en tout cas la raison de la présence de Contre Attaque sur X jusqu’à aujourd’hui, avec un compte fort de 80.000 abonné·es. Depuis l’élection de Donald Trump, le 5 novembre dernier, le compteur s’est mis à chuter brutalement. De nombreux comptes politiquement situés à gauche avaient déjà été fermés depuis le rachat du réseau par Elon Musk, en 2022. Et c’est sans compter les personnes qui nous suivent encore en étant inactives, ou celles qui attendent le 20 janvier pour partir. Sur notre site, l’audience provenant de X est minimale, moins de 4% du trafic vers nos articles : nos publications sur X ne sont plus ni lues, ni partagées. Nos derniers tweets ayant obtenu un peu de visibilité sont ceux contenant du clash et pas des informations, encore moins des analyses politiques poussées.

Se pose alors la question de partir : à quel prix les médias alternatifs doivent-ils satisfaire leur besoin de visibilité ? Les algorithmes capitalistes nous desservent, c’est factuel. Mais pourquoi quitter X et rester sur Facebook ou Instagram ? Parce que X est devenu un symbole de ce qui se fait de pire, et que nous avons aujourd’hui l’occasion de couper le robinet de l’accumulation de contenus sur cette plate-forme.

Pour une personne atteinte sur X, combien de fake news ou contenus d’extrême droite l’atteindront aussi ? Nos informations, nos analyses, nos créations sont noyées dans un flot de contenus réactionnaires, obscènes et ouvertement mensongers. En quittant X, c’est l’occasion de cesser d’alimenter la machine à fake news. Et ainsi, un maximum de personne en partira lorsque plus aucun contenu ne leur correspondra. Il ne restera plus que des bots et des fachos qui nous trollent, pompent notre énergie et que nous ne convaincrons jamais. Continuer à diffuser des contenus intelligents sur X ne servirait alors plus qu’à leur donner de la crédibilité.

On peut aussi accuser X d’être l’un des pires réseaux concernant l’encouragement à des conduites addictives. Loin d’être un véritable « réseau social », où des individus peuvent entrer en contact les uns les autres et nouer des relations enrichissantes, X va au contraire les désocialiser en organisant une consommation de masse de la punchline agressive et mal digérée. En effet, des algorithmes à l’interface de X, tout est fait pour maximiser les tensions : le réseau n’est pas un espace de débat mais de confrontation.

En conséquence, X favorise un appauvrissement de l’argumentation : plus le message est court et cash, plus il a de chances d’être vu et partagé. S’y développent également des pratiques de doxxing, c’est-à-dire des informations personnelles (réelles ou supposées) qui sont divulguées et partagées afin de salir une personne ciblée, souvent dans le cadre de campagnes de harcèlement de la part de l’extrême droite. Ces phénomènes conduisent à un affaiblissement de la santé mentale des utilisateur·ices, qui doivent anticiper le risque de « shitstorm », y compris vis-à-vis des réseaux gauchistes, à chacun de leurs messages.

Le fonctionnement de X, enfin, tend à renforcer les bulles de conformation et le campisme : on suit les comptes avec lesquels on est en accord total, on se désabonne dès qu’une posture déplaît. Ces constats ne sont pas liés qu’à l’extrême droite et sont tout aussi valables pour la gauche : il suffit d’un tweet de notre part émettant une critique sur François Ruffin ou le Pass sanitaire, entre autres exemples, pour s’en rendre compte.

Notre compte avait déjà été mis en pause il y a quelques années, alors qu’il s’appelait encore Nantes Révoltée : plus personne au sein de notre média ne voulait s’occuper de modérer des contenus agressifs ou diffamatoires de la fachosphère et d’une certaine gauche, risquant la « shitstorm » au moindre tweet de 160 caractères qui ne développerait pas suffisamment LA position des petits égos de militants virtuels. Après quelques semaines de présence sur Bluesky et plusieurs années sur Mastodon, nous en faisons le constat : la modération est moins nuisible sur ces réseaux dont les algorithmes sont pensés pour ne pas alimenter la haine de l’autre.

Au-delà du fonctionnement toxique du réseau X, c’est la forme même de l’entreprise qui doit nous interroger. En devenant l’actionnaire majoritaire de Twitter, Elon Musk en a fait sa chose, au point d’en transformer complètement l’identité. X possède désormais un fonctionnement extrêmement vertical, les décisions prises par son chef valant une parole quasi-divine.

Virer 80% des employé·es de l’entreprise du jour au lendemain ? Musk peut le faire. Faire fermer des comptes antifascistes ou celui d’un adolescent qui suivait les trajets en jet du patron ? Musk peut le faire. Débloquer le compte de Donald Trump qui avait été fermé pour cause d’incitation au coup d’État sur le réseau, mais aussi celui de milliers de néo-nazis, révisionnistes et suprémacistes ? Encore une fois, Musk peut le faire, car il a tout pouvoir sur X. Rester sur ce réseau, c’est en partie valider ce pouvoir qu’un libertarien fanatisé et autoritaire exerce sur l’information et sur nos vies.

Bien sûr, Elon Musk n’est pas le seul milliardaire inquiétant de la tech. Mark Zuckerberg est loin d’être un allié, on se souvient de sa collaboration avec le gouvernement de Macron pour censurer des médias autonomes, dont Nantes Révoltée, en 2019. Et les dernières déclarations du patron de Meta devraient nous alerter sur l’évolution de la modération sur Facebook et Instagram, qui ressemble à un serment d’allégeance au trumpisme. La question de quitter ces plate-formes se posera en temps voulu, lorsque des réseaux indépendants auront su se développer au point de pouvoir se passer de nos ennemis.

Il n’empêche que Zuckerberg n’est pas Musk : ce dernier est d’abord l’homme le plus riche du monde, mais il s’apprête aussi à être intronisé « ministre de l’efficacité gouvernementale ». C’est-à-dire qu’il sera chargé de purger les services publics, déjà pas très vaillants aux USA, et d’imposer la logique marchande face à toute forme de solidarité. Musk est un monstre libertarien qui accède au pouvoir, ne lui en donnons pas plus en acceptant d’être sur son réseau.

Car imaginez un peu les conséquences : et si on cassait le jouet préféré d’Elon Musk ? Et si X perdait suffisamment de contenus pour que cette entreprise propagandiste s’en trouvait désarmée ? Le mouvement #HelloQuitteX, s’il parvient à être massif et mondial, pourrait peut-être y parvenir. Et s’il n’y parvient pas, nous aurons au moins gagné une (légère) désintoxication.

Dans tous les cas, même si cette action symbolique n’avait pas d’effets concrets, elle vaut la peine d’essayer. Il n’empêche que pour diffuser des informations indépendantes des pouvoirs, partager des analyses à contre-courant de la doxa libérale, quitter X ne suffira pas.

Dans un monde idéal, notre audience se ferait majoritairement sur notre site et nos revues, qui ne dépendent d’aucun support privé. Mais dans une écosystème numérique capturé par les grands réseaux capitalistes, le chemin est encore long. Il faudra ainsi donner de la force aux médias indépendants, les lire et les partager sur les autres canaux. Soutenez Contre Attaque !


Pour quitter X et retrouver un maximum de vos abonnements, vous pouvez utiliser l’application proposée sur le site https://helloquittex.com/

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3 réflexions au sujet de « #HelloQuitteX : un réseau social peut-il tomber ? »

  1. La bourgeoisie utilise la technologie pour gagner la battaille culturelle et en faire son cheval moisi.

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