Décryptage

France Info, à 13h ce samedi 25 janvier. Le service public consacre une émission spéciale à la libération des quatre «otages israéliennes» en échange de «terroristes» palestiniens. Oui, ce sont les mots employés par la chaine.
Le sujet commence par une interview complaisante du colonel israélien Olivier Rafowicz, qui a relayé un nombre incalculable de mensonges et d’éléments de langage génocidaires dans les médias depuis quinze mois, mais qui continue à être invité sans contradiction. Il déplore la libération de « terroristes ».
Puis Maryline Baranes, présentée comme psychologue, qui n’a donc aucune compétence sur le sujet, intervient pour dire qu’il faut que «les journalistes du monde entier arrêtent de dire que des prisonniers palestiniens sortent de prison car ce sont tous des terroristes». Ça tombe bien, il n’y a aucun journaliste sur le plateau de France Info.
Cette propagande mensongère est répétée à l’identique sur toutes les grandes chaines de télévision françaises depuis l’accord de cessez-le-feu.
Sur RMC par exemple, on n’y va pas avec le dos de la cuillère. On entend carrément parler de la libération de «90 cadres du Hamas». Le titre de l’émission du 20 janvier s’intitule : «Gaza/Israël : otages libérées contre 90 terroristes. Le prix à payer ?». Le présentateur Olivier Truchot commence : «Contrairement à ce que j’ai pu entendre, ce ne sont pas des prisonniers politiques, ce sont pour la plupart des gens qui ont été condamnés pour des faits de terrorisme, pour des attentats suicides». Des morts-vivants, donc.
Un chroniqueur d’extrême droite, Antoine Diers, assure : «On est en train de recréer le prochain 7 octobre en libérant des terroristes».
Jérôme Guedj, député socialiste et fanatique pro-Israël déclarait déjà le 19 janvier dernière à propos des palestiniens que des «terroristes ayant du sang sur les mains» allaient être libérés.
Mais qu’en est-il réellement ?
Sur les 90 palestiniens libérés des geôles israéliennes, on compte 69 femmes et 21 enfants. Tous «terroristes» ? La plupart étaient enfermés sous le régime de détention administrative, donc sans procès ni droit à la défense. C’est un emprisonnement arbitraire sur décision de l’armée israélienne, en violation de toutes les règles de droit. En bon français, on pourrait qualifier ces palestiniens d’otages.
À l’inverse, tout est fait pour humaniser les israéliennes relâchées. Les médias montrent les images des captives libérées, souriantes. Alors que les palestiniens n’ont pas de noms, pas de visages, pas de vie, le Figaro nomme et décrit les quatre israélienne en termes élogieux. L’une d’elle est «une musicienne passionnée qui étudiait le piano et le chant». France Info précise même que «son petit ami aurait demandé sa main». Passionnant. S’il fallait détailler par le menu les hobbys et les relations sentimentales des dizaines de milliers de personnes tuées à Gaza, il n’y aurait pas assez de temps d’antenne en toute une vie.
Le Figaro, toujours, explique qu’une israélienne libérée «était au téléphone avec ses parents, alors que les roquettes pleuvaient». Que dire de toute un peuple subissant le déluge de bombes sur Gaza depuis des années ? France Info explique qu’elle «aime la cuisine, le chant, la danse et la poésie».
La troisième, explique Le Figaro, aurait «été forcée à faire à manger, à faire le ménage et à garder des enfants pour ses geôliers», quand France Info relate que «les otages nettoyaient leur jardin, faisaient la vaisselle». Des détails insoutenables. En comparaison, les milliers d’enfants palestiniens démembrés et brulés vifs, les dizaines de milliers d’autres affamés, les familles anéanties sont dérisoires. Quant aux prisonniers palestiniens, beaucoup sont morts en détention ou ont été violés. Mais le comble de l’horreur pour France Info est de «nettoyer le jardin».
La quatrième israélienne, précise le même média, «a participé dans son enfance au programme Hands of Peace, qui promeut le dialogue entre jeunes Israéliens et Palestiniens» et «pratique le triathlon». À les entendre, quatre jeunes femmes attachantes, pacifiques et douces, enlevées du jour au lendemain, sans raison ni objectif par des fous.
Un traitement inhumain, mais pour qui ?
À la vue des images, on voit les quatre captives souriantes, manifestement bien nourries depuis octobre 2023, ce qui n’est pas le cas de la plupart des gazaouis. Et c’est assez logique : les factions palestiniennes avaient intérêt à les garder en bonne santé puisqu’elles devaient être échangées avec des détenus palestiniens. Tant mieux pour elle.
Les palestiniens enfermés n’ont pas eu cette chance. Khalida Jarrar, ex-députée palestinienne féministe et marxiste, fait partie des 90 personnes qui viennent d’être relâchées suite aux accords. Elle avait été arrêtée sans motif ni procès il y a plus d’un an. Visage pâle, cheveux entièrement blancs – ils étaient noirs avant son arrestation – et voix brisée, elle n’a pas réussi à parler le jour de sa sortie.
Le lendemain, elle a raconté ses conditions de détention : «Attaques fréquentes, gaz, rations insuffisantes». Elle a été détenue six mois en isolement total dans une cellule de 3 m² sans fenêtre, se couchant sur le sol pour respirer le peu d’air passant sous la porte. Il s’agit de torture. Mais rappelez-vous, faire la vaisselle et ranger le jardin est très grave selon France Info.
Des prisonnières de guerre
Le meilleur pour la fin : ces «otages israéliennes» sont des militaires, ce que les médias français se gardent bien de mentionner dans leurs gros titres. Elles ont été capturées dans le cadre de combats, ce sont donc des prisonnières de guerre. Et s’il faut utiliser l’expression de «sang sur les mains », alors cela peut s’appliquer à leur sujet.
En effet, Karina Ariev, Daniella Gilboa, Naama Levy et Liri Albag ont été enlevées le 7 octobre 2023 sur une base militaire, celle de Nahal Oz. Elle est située en bordure de Gaza, et occupée par l’unité 414 de l’armée israélienne, chargé de surveiller la frontière militarisée qui enferme Gaza depuis 2007.
Cette unité doit utiliser les tourelles d’artillerie télécommandées installées sur le mur de séparation, contre les palestiniens. En clair : tirer sur quiconque s’approche trop près du mur de démarcation.
Ces militaires sont chargées de contrôler les caméras de surveillance le long de cette frontière et d’envoyer des forces en cas d’incidents potentiels.
L’unité 414 dispose aussi de tireurs d’élite. En 2018, de grandes marches pacifiques de palestiniens ont essayé de s’approcher du mur, pour dénoncer l’apartheid israélien. L’armée coloniale a ouvert le feu sur ces civils désarmés, causant plus de 200 morts et 29.000 blessés, dont plus de 7.000 par des tirs à balles réelles.
En plus de tirer sur des civils, les soldat-es qui gardent ce mur violent le droit international. Depuis 2014, le mur est déclaré illégal par la Cour Internationale de Justice, et des associations de défense des droits de l’Homme comme Amnesty International le considèrent comme un rouage essentiel du système d’Apartheid mis en place par Israël à l’encontre des palestiniens.
Autant d’éléments que les médias français se gardent bien de divulguer au grand public. Cela pourrait briser le narratif outrageusement mensonger des gentilles otages israéliennes, échangées contre d’horribles terroristes palestiniens assoiffés de sang.
Bonus : notre dernier article sur le refus du Parlement israélien d’enquêter sur le 7 octobre 2023. Qu’est-ce que l’État israélien pourrait bien avoir à cacher ?
AIDEZ CONTRE ATTAQUE
Depuis 2012, nous vous offrons une information de qualité, libre et gratuite. Pour continuer ce travail essentiel nous avons besoin de votre aide.
Faites un don à Contre Attaque, chaque euro compte.
5 réflexions au sujet de « « Otages » israéliennes et « terroristes » palestiniens : encore une grosse manipulation des médias français »
Cela fait longtemps que Rance Info participe à l’inversion de la réalité. il n’y a rien de surprenant ici.
Malheureusement, le basculement se fait de plus en plus chez France Culture:
– le 20 janvier, dans le journal de 7h, la journaliste a bien fait attention de ne pas préciser qui étaient les 90 « prisonniers » libérés dans cette 1ère phase, mais le nom des 3 « otages » a bien été cité, et dans le journal de 8h, séquence « émotion » sur les 3 « otages » israéliennes, et diffusion d’une interview de quelqu’un qui rappelle qu’en échange des 3 « otages », « les terroristes sont en train de rentrer chez eux ce soir ».
– le 22 janvier, dans le journal de 12h30, il est rappelé que l’une des otages, une soldate, est une violoniste confirmée et adore se maquiller… Rien pour les palestiniens…
Humaniser les uns, déshumaniser les autres.
Heureusement que l’émission Cultures Monde rétablit l’équilibre (pour le moment)
Edit: hier, sur France Info canal 27, un bandeau a été affiché avec le titre: « 200 otages palestiniens retrouvent la liberté ».
La député fasciste C.Yadan, qui ne vaut guère mieux que l’ordure qui était à sa place avant (et qui a, accessoirement, vu ses comptes de campagnes invalidées), a obtenu de la part de France Info des excuses et la suspension du responsable du bandeau…
La police politique est parfaitement en œuvre. Le délire continue…
Oui, ça c’était notre article suivant 😉
https://contre-attaque.net/2025/01/26/cancel-culture-sur-france-info/
Je viens juste de le voir 😇. Un excellent article qui rappelle bien l’historique du basculement des médias.
France-Infaux a dit vrai 200 otages palestiniens (mais aurait pu ajouter) contre 4 prisonnières de guerre de l’état Terroriste/Colonial/Génocidaire