Cela ne fait que deux semaines que Donald Trump est de retour à la Maison Blanche, et tout va déjà extrêmement vite.

Dès les primaires républicaines, il avait annoncé qu’en cas de victoire, il serait «dictateur le premier jour». Il avait promis de «supprimer» des pans entiers de la Constitution américaine et de mener la guerre aux «ennemis de l’intérieur», ou encore de «déporter entre 15 et 20 millions» d’exilés sans-papiers. Il déroule son plan de bataille comme un bulldozer, sans rencontrer de résistance. Aperçu du néofascisme qui s’installe dans la première puissance mondiale.
Grand ménage sur internet
La stratégie de l’extrême droite au XXIème siècle est de revendiquer le «free speech» pour faire passer ses idées : tout se vaut, il faudrait laisser parler tout le monde, même les nazis, et s’y opposer serait une attaque à la liberté d’expression. Mais ça, c’est quand l’extrême droite n’est pas au pouvoir. Une fois que les prétendus défenseurs de la libre parole sont aux commandes, ils censurent implacablement tout les idées divergentes.
Depuis l’investiture de Trump, plus de 8.000 pages Internet publiques ont été supprimées par les agences fédérales américaines. Des ressources ont été censurées sur une douzaine de sites du gouvernement américain en quelques jours, selon le New York Times. Donald Trump a ordonné de faire disparaître les propos sur la diversité, l’équité et l’inclusion, mais aussi des informations sur les vaccins ou les crimes de haine de tous les sites publics.
Les agences fédérales obéissent. Parmi les informations effacées de la toile, les centres de contrôle et de prévention des maladies et d’autres agences de santé ont retiré celles sur sur le VIH. Un millier d’articles sur la «prévention des maladies chroniques», à la maladie d’Alzheimer, ou sur les vaccins destinés aux femmes enceintes ont aussi disparu.
180 pages du ministère de la Justice ont également été censurées, notamment toutes celles parlant des crimes de haine, c’est-à-dire les actes racistes et anti-LGBT. D’ailleurs les sites fédéraux parlent désormais de LGB, la transidentité a simplement disparu.
Guantánamo
La base militaire de Guantánamo, à Cuba, est un symbole de torture et de barbarie. Au nom de «l’anti-terrorisme», les USA y ont enfermé des suspects en-dehors de tout cadre légal et loin des regards, dans des conditions inhumaines, parfois pendant des années. Des méthodes pour briser les détenus physiquement et mentalement y ont été expérimentées.
Trump a annoncé qu’il voulait faire de ce camp très symbolique un centre de détention pour les étrangers. Il va utiliser la base militaire comme un immense lieu d’enfermement pour 30.000 migrant-es, dans le cadre de ce qu’il nomme «la plus grande opération d’expulsions» de l’histoire des États-Unis.
Ce mardi 4 février, pour la première fois, une douzaine de migrant-es ont été transférés vers Guantánamo.
Offensives transphobes et racistes
Trump l’a annoncé dès son investiture : «La politique officielle du gouvernement des États-Unis est qu’il y a désormais deux genres seulement : homme et femme». Les passeports avec le genre «X» pour les personnes s’identifiant comme non-binaires ne sont plus délivrés. Certaines personnes ont découvert que leur genre avait été modifié sur leurs papiers nouvellement délivrés.
Donald Trump a aussi signé un décret pour interdire les personnes transgenres dans l’armée des USA, soit environ 15.000 militaires. Il oblige les prisonnières femmes trans à être transférées dans des prisons pour hommes, les exposant à des agressions.
Le 29 janvier, Trump signait un décret pour définancer les écoles publiques qui enseignent la «théorie critique de la race» – un terme utilisé par les conservateurs pour parler d’antiracisme – ou sensibilisent aux questions de genre. Dans la foulée, le milliardaire Jeff Bezos, qui était présent à l’investiture du président, a fait supprimer dans son entreprise Amazon les protections pour les employé-es noir-es et LGBTQ+ dans ses politiques.
L’Agence américaine pour le développement international démantelée brutalement
L’USAID, ou Agence américaine pour le développement international, est une institution qui gère des milliards de dollars d’aide à travers le monde afin d’organiser des programmes humanitaires dans 120 pays. Sur ordre d’Elon Musk, cette agence gouvernementale a été fermée de façon soudaine et arbitraire. Ses employés ont reçu l’ordre par courrier électronique de ne pas se rendre à leur bureau à Washington, lundi 3 février.
«L’USAID était un nid de vipères de marxistes radicaux de gauche qui détestent l’Amérique», ou encore une «organisation criminelle», «diabolique», une «escroquerie». Ce sont les mots d’Elon Musk, qui a été nommé à la tête d’un «département de l’efficacité gouvernementale» – DOGE – par Trump, sans aucun mandat et en-dehors de toute légalité. Le DOGE n’a pas de statut fédéral, ce qui exigerait l’approbation du Congrès, Musk n’est pas élu, n’a pas été désigné légalement, mais il dispose d’un pouvoir étendu et d’un accès aux données gouvernementales sur les citoyens, alors qu’il gère de grandes entreprises privées. C’est un conflit d’intérêt majeur.
Un manager sociopathe dispose du droit de fermer des administrations d’État de la même manière qu’il a licencié chez Twitter. Le compte X de l’USAID a été suspendu et son site internet est désormais hors service.
Nettoyage ethnique en Palestine
Samedi 24 janvier 2025, le nouveau président des États-Unis proposait un plan visant à «nettoyer» la bande de Gaza et à envoyer les palestinien-nes survivant-es vers l’Égypte et la Jordanie. «On parle d’environ 1,5 million de personnes, et on fait tout simplement le ménage là-dedans». Envoyer de force toute une population dans des régions d’où elle ne vient pas, c’est ce qu’on appelle une déportation de masse ou un nettoyage ethnique.
Par décret, Trump a aussi levé les sanctions contre les colons israéliens qui commettent des crimes en Cisjordanie, violant ainsi le droit international. Le ministre israélien Bezalel Smotrich a salué le «soutien inébranlable» de Donald Trump. Il a également nommé comme ambassadrice auprès des Nations Unies Elise Stefanik, sioniste féroce et critique de l’ONU, qu’elle qualifie de «corrompue, défunte et paralysée» et même d’antisémite.
Expulsion d’étudiant-es étranger-es pour des manifestations
Le président a signé un décret autorisant l’expulsion d’étudiant-es étranger-es disposant d’un visa, donc en règle sur le territoire des USA, s’ils ont participé à des manifestations pour la Palestine. Des actes que Trump qualifie «d’antisémites» et de «violents». Il vise en particulier les grandes manifestations propalestiniennes qui ont eu lieu sur de nombreux campus au printemps 2024.
Il a donné instruction au Secrétaire d’État, au Secrétaire à l’éducation et au Secrétaire à la sécurité intérieure de se concerter pour «surveiller et signaler les activités des étudiants et du personnel étrangers» en terme de manifestations, et de «veiller à ce que ces rapports sur les étrangers conduisent, le cas échéant et conformément à la législation applicable, à des enquêtes et, si cela se justifie, à des mesures d’expulsion de ces étrangers».
Une étudiante chinoise à l’université de Los Angeles, Lijun, a vu son visa révoqué après avoir organisé des rassemblements pro-palestiniens. Arrêtée lors de manifestations en mai 2024, c’est l’une des premières personnes concernées par cette mesure.
Amnistie de nazis
Trump a aussi gracié plus de 1.500 individus ayant participé à l’assaut du Capitole en 2021, qu’il qualifiait «d’otages». Parmi les centaines d’émeutiers d’extrême droite graciés, on trouve de nombreux militants néo-nazis. Par exemple un certain Keith Packer, qui a été photographié portant un t-shirt «CAMP AUSCHWITZ» lors de l’assaut, accompagné de la mention en anglais «le travail rend libre», la formule nazie inscrite à l’entrée du camp de la mort.
Le 23 janvier, il a aussi gracié 23 personnes poursuivies pour avoir participé à des manifestations anti-avortement. Ces personnes «n’auraient pas dû être poursuivies», a déclaré Trump, pour qui c’était «un grand honneur de signer ceci». Cette grâce avait lieu à la veille d’une grande manifestation anti-avortement à Washington, et alors que le droit à l’IVG a été supprimé dans plusieurs États, et menacé dans les autres.
Trump a aussi gracié Ross Ulbricht, un libertarien à l’origine d’un site de marché noir, Silk Road. Ce site était devenu la plus grande plateforme de vente de drogue et de produits illicites en ligne, où les paiements se faisaient en cryptomonnaies. Ross Ulbricht est aussi accusé d’avoir commandité plusieurs assassinats. Emprisonné, il est très populaire dans les milieux libertariens, pour qui tout est un produit à vendre, y compris la drogue, les armes, les organes… Le président des USA avait promis de le libérer lors d’un discours de campagne en mai devant le parti libertarien, c’est fait.
Cryptomonnaie
Conflit d’intérêt sans précédent et provocation totale. Trump a mis en vente une cryptomonnaie à son nom juste avant son investiture : le $trump. Il s’agit d’un meme coin, un produit financier spéculatif, qui à la différence du bitcoin ne repose sur aucun travail informatique garantissant sa rareté. Des jetons, ou tokens, sont vendus sans contrepartie autre que son image. Son équipe a créé 1 milliard de jetons et n’en a vendu que 200 millions, gardant les autres pour le clan Trump. Le cours a immédiatement explosé, passant de 6 dollars à plus de 70 dollars l’unité. Trois jours seulement après le lancement du $trump, Forbes estimait les gains à environ 6,2 milliards de dollars. Un sacré coup financier.
L’épouse du président a lancé sa propre monnaie dans la foulée : le $melania. «Donald Trump signifie à l’industrie de la crypto qui est le nouveau patron» explique Jean-François Goux, économiste dans Le Monde. «Il s’agit de déréguler et de libérer le dollar des contraintes du système monétaire international actuel en utilisant des cryptoréserves en complément des devises classique» ajoute-t-il.
Sortie de l’OMS et menaces sur la santé
Dès son investiture, Trump a fait sortir les États-Unis de l’Organisation mondiale de la santé, ce qui implique aussi l’arrêt du financement de cette institution mondiale qui lutte contre les épidémies, qui a quasiment éradiqué la variole ou le paludisme, et met en place des mesures pour endiguer le SIDA ou mène des interventions humanitaires, entre autres. «Avec le départ du plus grand contributeur financier, le budget ne peut pas se dérouler comme d’habitude», a déclaré Jérôme Walcott, président du conseil exécutif.
Il a aussi nommé Robert F. Kennedy junior comme ministre de la santé, à la tête d’un ministère employant plus de 80.000 personnes. Celui-ci avait déclaré très sérieusement que «le Covid-19 affecte certaines races de manière disproportionnée. Il nuit davantage aux Blancs et aux Noirs. Les plus immunisés sont les Ashkénazes et les Chinois» ou encore que «Anne Frank jouissait de plus de liberté que les personnes non vaccinées».
Le nouveau responsable de la santé États-unien a aussi estimé que le SIDA «n’est pas causé par un virus. Ces gens meurent à cause du poppers… c’étaient des gens qui avaient un mode de vie gay» ou encore «ce n’est pas une maladie virale, mais c’est une maladie environnementale».
Agressions internationales
On pensait qu’il s’agissait d’une boutade, il n’en est rien. Trump menace de conflits économiques et militaires plusieurs États souverains, y compris des alliés historiques des USA.
C’est le cas du Danemark : Trump annonce vouloir annexer le Groenland, territoire aux sous-sols riches, que les USA veulent s’approprier. Le Danemark est un membre de l’OTAN, Trump ouvre donc un conflit contre un pays de sa propre coalition. Il s’est entretenu avec la Première ministre du Danemark et a fait savoir qu’il était très sérieux. Selon la presse, il «se serait montré agressif et conflictuel». Les autorités du Groenland ont répété qu’elles ne voulaient pas être annexés par les USA. La France a proposé un déploiement militaire contre une éventuelle offensive US. Ambiance.
D’autres mesures agressives visent le Canada, que Trump a aussi annoncé vouloir annexer, et contre qui il a enclenché une guerre économique, ou contre la Colombie ou le Panama.
Mont Rushmore
L’élue républicaine Anna Paulina Luna, membre de la Chambre des représentants des USA, veut voir un visage géant de Trump sur le mont Rushmore. Cette montagne, située dans le Dakota du Sud, a été taillée entre 1927 et 1941 pour y figurer les quatre présidents les plus importants de l’histoire des USA : George Washington, Thomas Jefferson, Theodore Roosevelt et Abraham Lincoln.
La proposition d’Anna Paulina Luna vise à y ajouter le visage de Trump : «Ses réalisations remarquables pour notre pays et le succès qu’il continuera à apporter méritent la plus haute reconnaissance et les plus grands honneurs sur ce monument national emblématique. Commençons à sculpter», réclame-t-elle. Aux USA, le culte de la personnalité autour de Trump s’amplifie de façon exponentielle.
Les quatre prochaines années vont être longues !
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