Élections agricoles : les agro-industriels de la FNSEA perdent du terrain, l’extrême droite progresse


Un résultat à l’image de la société : les logiques ultra-libérales et productivistes de la FNSEA restent majoritaires et la Coordination Rurale, néofasciste, gagne du terrain


Un tracteur épand des pesticides dans un champ : une logique industrielle mortifère qui va perdurer avec la victoire de la FNSEA aux élections agricoles.

C’est une élection qui a lieu tous les 6 ans : 403.908 agriculteurs en activité, inscrits sur les listes, votaient jusqu’au 31 janvier pour élire leurs représentants. Ceux-ci siègent dans chaque département dans des chambres d’agriculture, chargées de représenter les exploitants et d’orienter les politiques agricoles. Dans un contexte de colère paysanne, de crise écologique et d’empoisonnement massif aux pesticides, ces élections représentent un vrai enjeu.

Jeudi 6 février, les résultats sont tombés, département par département. La nouvelle carte de France du monde agricole voit reculer la FNSEA, le gros syndicat ultra-majoritaire, lié au pouvoir en place, et véritable lobby agro-industriel. On voit hélas progresser la couleur jaune de la Coordination rurale, syndicat remuant et réactionnaire, lié au Rassemblement National, qui prend 14 départements. Même si elle gagne globalement des voix, la Confédération Paysanne, de gauche, ne l’emporte que dans un seul département, l’Ardèche, et de justesse. En Corse, la liste Via Campagnola, proche de la Confédération Paysanne, est également arrivée en tête, mettant fin au règne du lobby productiviste.

La Coordination Rurale, que l’on peut comparer à une organisation trumpiste version agricole, prospère sur la misère et l’isolement des exploitants. Sa connivence avec l’extrême droite et ses actions coup de poings – ses membres, reconnaissables à leurs bonnets jaunes, ont attaqué des préfectures, bloqué des autoroutes et tenu des propos racistes – séduisent de plus en plus et traduisent une volonté croissante d’impunité et de protectionnisme dans le domaine agricole.

Le projet de ce syndicat est d’abolir toute forme de contrôle et de normes environnementales, ouvrant la porte à l’usage irraisonné des pesticides. Cela devrait inquiéter la population : les résultats des élections des chambres d’agricultures plaçant la FNSEA et la CR en tête, et donc les décisions qu’ils imposeront sur le terrain durant les 6 prochaines années, vont aller vers une amplification de la crise environnementale et sanitaire agricole. Au grand dam de la Confédération Paysanne, qui est la seule organisation à se soucier de la santé et du bien-être de la population, en prônant une agriculture équilibrée et adaptée au vivant.

Du fait d’un mode de répartition des sièges non-proportionnel, la FNSEA faisait front commun avec les JA – Jeunes Agriculteurs – bien qu’ils représentent deux syndicats soit-disant «différents». Leur victoire ne laisse que très peu de sièges à l’opposition. En Loire-Atlantique par exemple, la FNSEA-JA remporte 1.558 suffrages contre 1.355 pour la Confédération Paysanne : une différence de 203 voix seulement. Malgré cet écart très faible, la Confédération Paysanne ne disposera que de 3 sièges tandis que 13 sont attribués à la FNSEA-JA. Ce mode de scrutin donne les pleins pouvoirs au premier, en niant totalement les autres syndicats. La Loire-Atlantique, département agricole qui a longtemps été un fief de la Conf’, reste ainsi contrôlé par l’agro-industrie.

Malgré les difficultés économiques rencontrées dans le monde agricole français, comme en témoignent les fortes mobilisations de 2024, la FNSEA reste au pouvoir, même si elle se retrouve fragilisée. Le syndicat majoritaire continuera d’utiliser sa base pour faire prospérer le libéralisme agricole, au détriment des paysan-nes qui œuvrent au maintien de systèmes de production sains et durables ainsi qu’à l’installation des jeunes pour assurer le renouvellement des petites exploitations. C’est la FNSEA que l’on retrouvait ces dernières années derrière tous les projets nuisibles : mégabassines, ré-autorisation de pesticides interdits…

En souhaitant l’abolition des politiques environnementales, la FNSEA et la CR oublient les répercussions d’une telle stratégie et du coût que cela représente à moyen et long terme pour la société. Regardons la situation en Bretagne, où le productivisme imposé dans les années 60 par la FNSEA a provoqué quelques années plus tard l’apparition des algues vertes, la pollution de nombreux cours d’eau, l’augmentation des cancers… Ce ne sont que des exemples de dommages collatéraux qui finissent par coûter très cher à la collectivité, économiquement et socialement.

Les élevages hors sols, l’arasement des haies, l’assèchement de zones humides sont autant de pratiques qui seront encouragées au détriment de tous les efforts menés pour la préservation de la biodiversité et des ressources, notamment en eau. Dans le même temps, le gouvernement baisse le budget des agences chargées de protéger l’environnement.

Malgré la poussée de la CR, qui rafle quatorze chambres à la FNSEA, cette dernière conserve donc son hégémonie et maintiendra sa politique basée sur l’agrandissement des fermes ou structures agricoles au détriment de l’installation de jeunes paysan-nes. Alors que seul-es ces dernier-es font valoir une multiplicité des formes de productions nécessaires au maintien de la diversité agricole. La spéculation sur les denrées agricoles qui profitent aux grands patrons de l’agro-alimentaire, dont le président de la FNSEA Arnaud Rousseau fait partie, prend un peu de plomb dans l’aile, mais s’assure encore de belles années devant elle.

C’est sûrement là aussi une des limites de ce type d’élections, qui ne permettent pas aux salariés agricoles et citoyen-nes de pouvoir s’exprimer sur l’agriculture qu’ils et elles souhaiteraient pour leur pays. Les consommateurs au bout de la chaîne n’ont pas leur mot à dire. La malbouffe va donc perdurer et s’accroître, avec son lot de maladies et de dégâts environnementaux. Il importe donc de soutenir les paysan-nes qui luttent pour la préservation de notre territoire et sa diversité, indispensables au maintien des futures générations qui occuperont, espérons plus intelligemment, les terres que nous leur laisserons.


La fascisation et la radicalisation capitaliste qui touchent tous les secteurs n’épargnent pas l’agriculture. La catastrophe écologique se joue jusque dans la cour de nos fermes.


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