À l’occasion des débats sur le budget 2025, imposé par 49.3 par un gouvernement illégitime, les médias ont beaucoup parlé des dépenses de l’État, mais beaucoup moins de ses recettes. On vous explique ce qu’est la TVA, et pourquoi il faut dégager cet impôt injuste.

Un impôt indolore ?
En France, la TVA – Taxe sur la Valeur Ajoutée – est la principale ressource de l’État : elle constitue plus du quart des recettes fiscales. On n’en parle jamais dans les débats médiatiques, contrairement aux cotisations patronales ou à l’impôt sur le revenu, alors que la TVA représente une somme colossale. C’est parce qu’elle est souvent considérée comme « indolore » par le pouvoir. Indolore, cela veut dire qu’elle ne déclenche pas de grandes révoltes antifiscales et qu’elle peut donc servir de variable d’ajustement pour boucler un budget tendu.
Si la TVA est indolore, c’est d’abord parce qu’il s’agit d’un impôt sur la consommation qui se constitue d’un tas de micro-paiements. À chaque fois que vous achetez un croissant ou une baguette, une partie de la somme est reversée à l’État. Au pays du pain et des croissants, multipliez vos centimes par quelques millions et les chiffres deviennent vertigineux.
La TVA est aussi un impôt invisible, car il est inclus dans le prix de tous les biens de consommation. Ce sont les entreprises qui devront reverser un part de leur chiffre d’affaire, les gens qui consomment n’ont donc pas forcément conscience de payer cette taxe lors de leurs achats. De plus, cet impôt dispose d’une « assiette large », c’est-à-dire que tout le monde paie la taxe sur l’ensemble de ses consommations, même si c’est avec quelques variations puisqu’il existe des taux réduits pour les produits jugés nécessaires.
La TVA, un impôt injuste
Mais si la TVA est un scandale, ça n’est pas pour son assiette large : c’est pour sa proportionnalité. Cela signifie que, quels que soient vos revenus, vous payez la même proportion de TVA que Bernard Arnault. Quand on parle de fiscalité, on pense immédiatement à l’impôt sur le revenu, à un impôt redistributif où les plus riches contribuent davantage pour l’ensemble de la collectivité. En ce qui concerne la TVA, principale recette fiscale de l’État, il n’en est rien.
Pire : cette taxe est même considérée comme un impôt régressif, c’est-à-dire que les pauvres paient plus que les riches. Comment est-ce possible ? Parce que le système capitaliste profite à ceux qui capitalisent : plus on est riche, plus on épargne car on a les moyens de mettre de côté, on investit dans un capital (qui rapportera des profits). En revanche, de l’autre côté de la barricade, on n’a pas les moyens d’épargner : on possède sa seule force de travail, et l’on consomme la totalité (ou presque) de son revenu. La tendance à épargner augmente avec le revenu.
Imaginons un cas pratique : une autoentrepreneuse précaire gagne 1.000 € par mois, et consomme la totalité de son maigre revenu. En imaginant qu’elle n’achète que des biens nécessaires, une sorte de sobriété subie. Rien que quand elle mange, l’État capte entre 5,5% – pour les produits alimentaires non immédiats – et 10% et au delà – pour une boisson, un kebab… – de son revenu.
Face à elle, un commercial qui vend des solutions innovantes à des multinationales gagne un salaire net de 5000 euros par mois pour effectuer un bullshit job nocif. Il en consomme 2.000 € et garde 3.000 € pour investir dans des start-up aussi nocives que lui. En imaginant que la moitié de ses consommations ne sont pas nécessaires, il aura payé 255 € de TVA… soit 5,1% de son budget total. Dit autrement, la part de TVA que cet étron capitaliste a payé est inférieure à celle d’une précaire qui se démène pour survivre, alors qu’il consomme deux fois plus.
En plus de cette arnaque mathématique, il faut aussi compter sur les entreprises pour contribuer au hold-up libéral. Puisque la TVA est prélevée sur le chiffre d’affaire des entreprises, celles-ci sont tentées de minimiser ce qu’elles doivent afin de s’accaparer une partie de l’impôt. On appelle ça de la fraude, mais généralement le flicage concerne davantage les bénéficiaires du RSA, qu’on met au travail forcé, plutôt que le groupe Canal+, qui fait actuellement face à un redressement fiscal potentiel de 655,6 millions d’euros pour avoir minimisé sa TVA entre 2016 et 2021.
Saigner les plus précaires
Toutefois, toutes les entreprises ne sont pas grandes : avec l’ubérisation de l’économie, on assiste à un éclatement du salariat qui se constitue en micro-entreprises. Des individus précaires qui n’ont souvent pas d’autre choix que d’adopter un statut d’indépendant pour exercer leur métier, alors qu’ils sont souvent subordonnés à des clients organisés (plate-formes, multinationales qui sous-traitent, administrations…).
Souvenez vous : c’est Macron qui avait massivement encouragé à devenir «auto-entrepreneur» dans sa stratégie de «start-up nation». Alors qu’il était encore ministre de l’Économie, Macron avait donné un sacré coup de pouce à ses potes de l’entreprise Uber. C’était aussi une façon de brouiller les repères de classes. Un livreur ou un chauffeur sont des prolétaires sur le plan matériel, ils usent leur force de travail pour survivre, mais il sont administrativement des «auto-entrepreneurs», donc des patrons. Machiavélique.
C’est aussi le cas de nombreux-ses vacataires à l’université. En effet, la fac ne crée plus de postes d’enseignement depuis des années et les cours reposent pour plus d’un tiers sur des vacataires précaires, mal payé-es et corvéables.
Les micro-entreprises sont plus de 4 millions aujourd’hui en France, dont près de 2,7 millions d’auto-entrepreneurs qui ne pèsent pas grand chose face à la machine étatique. Pourquoi l’État se gênerait-il ? L’URSSAF, l’organisme complexe et opaque qui s’occupe du recouvrement de l’impôt, s’accapare ainsi près d’un quart du chiffre d’affaire des « patrons précaires ». Mais ce n’est jamais assez pour le gouvernement libéral, qui n’aime les patrons que lorsque ce sont de vrais winners comme Bernard Arnault.
Jusqu’ici, les microentreprises ne devaient payer la TVA que lorsque leur chiffre d’affaire (et donc le seul revenu des autoentrepreneurs) dépassait 41.000 euros par an. De quoi vivre à peu près décemment. Mais le projet de budget 2025 prévoit de saigner toujours plus fort les micro-entreprises, en abaissant brutalement ce seuil à 25.000 euros. C’est-à-dire que si un auto-entrepreneur dépasse ce seuil, 20% de ses revenus seront prélevés l’année suivante sous forme de TVA, soit une perte sèche de 5000 euros ! Près de 350.000 personnes et organisations seraient directement concernées, dès cette année. Voilà encore une perversité du macronisme : après avoir encouragé les auto-entrepreneurs, il les écrase.
Au-delà de la perte de revenu, l’effet à long terme de la mesure serait un gigantesque effet de seuil : maintenir des centaines de milliers de personnes sous la barre des 25.000 euros par an, avant même de payer l’URSSAF. On connaissait le salaire minimum, le gouvernement Bayrou fait l’inverse : un revenu plafond pour maintenir dans la précarité. Si vous dépassez ce plafond, vous raquez et retombez dans la pauvreté. Pile Macron gagne, face le peuple perd.
Une nouvelle étape de la guerre sociale
La mesure est clairement idéologique. D’ailleurs le gain serait minime pour l’État, et le gouvernement s’est même montré incapable de le chiffrer. Imposée sans aucune concertation, cette décision du gouvernement Bayrou a provoqué un tollé. La FNAM (Fédération Nationale des Autoentrepreneurs et Microentrepreneurs) avait lancé une pétition au mois de janvier pour alerter sur la situation. Le texte a été très largement relayé et la ministre a admis des impacts négatifs à cette décision, qui est suspendue pour deux semaines.
Mais suspendue n’est pas abandonnée : faisons confiance aux ordures qui nous gouvernent pour toujours chercher à précariser les plus faibles. Le retrait ne s’obtiendra qu’avec une mobilisation réelle et organisée qui soutienne les indépendant-es isolé-es. Et si la situation n’empire pas, elle n’était déjà pas satisfaisante : des richesses, il y en a, mais pour une plus juste répartition des ressources il faudra aller le chercher dans les poches de Bernard Arnault, pas dans les poches percées des plus précaires.
Mise à jour au 25/02/2025 : Une pétition a été déposée devant le Sénat. Cela ne remplacera jamais une mobilisation réelle, mais elle a le mérite d’exister.
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