Reportage dans les rues nantaises
Samedi 12 avril, le temps est gris mais les banderoles et les fumigènes contrastent avec leurs couleurs vives dans les rues de Nantes. On aperçoit des drapeaux antifascistes ou palestiniens, des pancartes créatives et drôles contre la police, contre l’austérité et pour la culture, portées par une foule bigarrée. Il y a près de 2.000 personnes et pas moins de quatorze camions équipés de sound system devant le château des Ducs, où les basses crachent déjà du son.
Plus de 20 défilés musicaux ont lieu dans tout le pays au même moment, pour la «liberté fondamentale de festoyer» et contre la répression, de plus en plus dure, qui frappe le mouvement Free Party. Non seulement les violences policières sont de plus en plus systématiques contre les teufeurs, mais des députés macronistes ont déposé une proposition de loi le 18 mars 2025 visant «à renforcer la pénalisation de l’organisation de rave-party» en durcissant les amendes pour les teufeurs, mais aussi en punissant jusqu’à six mois de prison pour toute personne «participant à l’organisation» d’une free party et en généralisant la confiscation du matériel saisi. Les dirigeants sont en guerre contre l’autogestion et la fête et le confirment chaque jour davantage.
Comme le rappelle un organisateur, «elle ne date pas d’hier notre culture, mais après plus de 30 ans existence, de répression, de stigmatisation et d’ignorance totale de la part du gouvernement, les relations avec l’État n’ont jamais été aussi catastrophiques».
En effet, depuis 2019, avec la mort de Steve à Nantes lors de la fête de la musique, les violences policières sont de plus en plus brutales contre les Free Party. «Il y a quelques semaines, une fête en hangar dans la région de Lyon a été attaquée par une centaine de CRS, gazant tout sur leur passage, même l’intérieur du bâtiment. Plusieurs vidéos et témoignages montrent une extrême violence de la part de la police envers des jeunes femmes et des jeunes hommes : plusieurs coups de matraques sur des personnes au sol ou sans défense et des tirs tendus de grenades lacrymogènes et désencerclantes… Et comme dans 80% du temps, cela s’est terminé en saisie de matériel pour les organisateurs» déplore notre interlocuteur.
«Au début de l’été dernier une énorme rave, rassemblant plusieurs milliers de personne, dévoilait le savoir faire des sound systems et collectifs en termes d’organisation et d’autogestion. En fin de dimanche après-midi, alors que le son était coupé et que les participants commençaient à partir tranquillement, une centaine de CRS encore une fois chargeaient la foule dans le but d’intercepter du matériel qui était en train d’être démonté». Parmi les nombreux exemples énumérés, les fêtes de Lieuron le soir du nouvel an 2021 et de Redon 6 mois plus tard, qui s’étaient elles aussi soldées par une féroce répression, avec des milliers de grenades tirées, des mutilations et des arrestations.
Il y a une évidente corrélation entre la montée des idées d’extrême droite et la répression des mouvements alternatifs. D’ailleurs, c’est le Front National qui, dès les années 1990, réclamait des lois pénalisant les Rave Party. 30 ans plus tard, leur programme est appliqué et même dépassé par le gouvernement actuel. De même, les médias mainstream ont énormément participé à la stigmatisation des teufeurs, rendant acceptable leur répression.
«C’est pour cela qu’aujourd’hui, nous avons quitté nos champs et nos hangars pour investir le centre-ville. Car si apparemment ils aiment nous faire chier à la campagne, on ne voit pas pourquoi nous n’irions pas les faire chier en ville !» s’amuse le teufeur. «Le mouvement s’est de lui-même exilé en campagne mais nous sommes tout à fait encore capables de faire trembler toutes les villes de France !»
Et en effet, à Nantes ce samedi, la fête ne passait pas inaperçue et les basses résonnaient dans tout le centre-ville. Elle est cependant restée calme et joyeuse, et même le ciel a fait preuve de clémence. À suivre.
Photos : Estelle Ruiz et CA
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