Pour protéger l’extrême droite, le préfet de Nantes boucle toute une partie de la ville

Le préfet de Nantes Fabrice Rigoulet-Roze avec, à côté, une carte de la zone interdite dans le centre-ville.

C’est probablement du jamais vu à Nantes. Même lors du pic des manifestations les plus offensives contre l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes, aucun préfet n’avait interdit d’accès un aussi grand périmètre pour une manifestation. Le 5 juin, pour protéger le gala d’extrême droite du milliardaire Pierre-Édouard Stérin, le préfet de Nantes boucle une énorme zone de Nantes, allant du CHU à l’Erdre, du château des Ducs à la Loire. C’est près de la moitié du centre-ville qui sera considéré comme une zone rouge. Le droit de manifester y sera suspendu, pour empêcher toute opposition de s’approcher de la Cité des Congrès.

Le préfet de Nantes Fabrice Rigoulet-Roze est un militant envoyé à Nantes pour imposer une certaine idée de l’ordre. Arrivé en janvier 2023, il a réprimé dès le départ avec une extrême violence le mouvement de défense des retraites : dès la première manifestation, il a donné l’ordre à ses policiers de charger au démarrage, l’avant de la grande manifestation syndicale. Durant ce mouvement, un nombre colossal de personnes ont été arrêtées. Nantes a été la première ville, derrière Paris, en nombre d’interpellations. Les blessés et mutilés ont aussi été innombrables, notamment une main quasiment arrachée et le testicule d’un manifestant détruit par un tir de LBD. Des policiers ont aussi commis des violences sexuelles sur des étudiantes. Des syndicalistes CGT, y compris âgés et handicapés, ont été tabassés.

La même année, ce préfet a laissé des néo-nazis semer la terreur dans la petite commune de Saint-Brévin, à l’ouest de Nantes. Le maire y avait accepté un centre d’hébergement pour les exilés, et des fascistes de tout le grand ouest avaient débarqué pour s’y opposer. Des méthodes d’intimidations et des violences se sont multipliées dans la commune. À chaque rassemblement d’extrême droite, la police était déployée pour protéger les racistes et charger les manifestants de gauche. Pire : le maire a été victime d’une tentative de meurtre. Sa maison a été incendiée en pleine nuit, il aurait pu brûler vif. L’élu avait démissionné en dénonçant un manque «flagrant» de soutien de l’État. Fabrice Rigoulet-Roze n’avait ni soutenu ni protégé un maire menacé de mort par des néo-nazis.

Le préfet avait même menti dans la presse en prétendant qu’il avait rencontré l’élu victime. Le maire de Saint-Brévin avait protesté : «Quand il dit qu’il a organisé des réunions publiques, de la part d’un préfet mentir effrontément en public, c’est quand même important. Il sait très bien qu’il n’en a pas organisé. Il suffit de lui demander la date, il ne pourra en fournir, car il n’en a pas fait».

Quelques mois plus tard, les mobilisations pour la Palestine ont été durement réprimées, alors que les violences d’extrême droite se multipliaient dans le département. À chaque réunion du RN, Fabrice Rigoulet-Roze a déployé des moyens délirants pour protéger l’extrême droite : drones, escadrons de CRS et de gendarmes. Consignes de brutalité maximale.

Début 2025, ce même préfet organisait des «opérations places nette» à Nantes, qui consistaient essentiellement à déployer des centaines de policiers pour contrôler des passants non-blancs. En parallèle, il a mis en œuvre des fiches illégales visant les personnes sans-papier. Le 1er mai dernier, il organisait une répression sans précédent de cette manifestation traditionnelle : la police avait chargé dès le départ, gazant et frappant sans distinction la jeunesse et les syndicalistes, avant d’encadrer tout le défilé de manière anxiogène, alors qu’il ne s’était rien passé.

Le 5 juin, un gala est donc organisé par le milliardaire d’extrême droite Pierre-Édouard Stérin à la Cité des Congères. Cela fait des mois que les syndicats et partis de gauche nantais demandent l’annulation de cette soirée dans une salle possédée par la mairie de Nantes, ce qui est une véritable provocation.

Non seulement le préfet n’a pas annulé la soirée, mais il a décidé de la bunkériser. Le 3 juin, un arrêté préfectoral évoque de «graves risques de troubles à l’ordre public» et dénonce les appels «du webmédia de l’ultra-gauche nantaise Contre Attaque» ainsi que «la recherche d’affrontement». Il annonce que «les manifestations et rassemblements non déclarés sont interdits du jeudi 5 juin à 15h00 au vendredi 6 juin 2025 à 8h00» donc jusqu’au lendemain, «à l’intérieur du périmètre» gigantesque défini très largement autour de la Cité des Congrès. Même Ouest-France qualifié cette interdiction de «XXL».

Le 4 juin, le préfet prenait un autre arrêté autorisant l’usage d’un drone au dessus du centre-ville pour surveiller la manifestation. Il faut donc s’attendre à de très gros moyens pour protéger le gala fasciste. Face à ces menaces préfectorales, l’appel syndical a été déplacé de l’autre côté de la Loire, sur la rive sud, au niveau du Tripode, loin de la Cité des Congrès. C’est un précédent inquiétant : le préfet sait qu’il peut désormais interdire un rassemblement syndical statique contre l’extrême droite sans véritable contestation de la part des organisations.

Quant à la manifestation antifasciste, elle est maintenue à 18h, au niveau de l’entrée du CHU près de l’arrêt Hôtel Dieu. Les intimidations suffiront-elles à étouffer la cause antifasciste ? Rien n’est moins sûr. Nantes a démontré par le passé sa détermination à lutter contre le fascisme, en se mobilisant dans toute sa diversité.

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