Gaza : l’ONU annonce officiellement une situation de famine

Deux images déchirantes d'enfants décharnés à cause de la famine qui règne à Gaza

Un nouveau cap vient d’être franchi dans l’horreur. Pour déclarer l’état de famine, l’ONU s’appuie sur un rapport publié par l’IPC, le Cadre intégré de classification de la sécurité alimentaire, une coalition internationale qui regroupe 21 organisations et institutions intergouvernementales, dont les objectifs sont d’analyser la situation alimentaire et nutritionnelle sur un territoire et de la classer selon des phases de 1 à 5.

C’est la cinquième et dernière phase de la malnutrition, le stade de «catastrophe», que vient d’annoncer cet organisme développé par l’ONU, au sujet du gouvernorat de Gaza, situé dans la partie centre/nord de la bande de Gaza, et qui concentre environ 500.000 personnes suite aux multiples déplacements forcés de population depuis 22 mois.

Pour établir ce classement de la malnutrition, l’IPC s’appuie sur trois critères : au moins 20% des foyers manquent de nourriture, au moins 30% des enfants de moins de 5 ans souffrent de malnutrition aiguë, et au moins 2 personnes sur 10.000 meurent par jour de la faim.

Le reste de la population de la bande de Gaza n’est pas épargné puisque les gouvernorats de Deir Al Balah et Khan Younis sont eux classés en phase 4 par l’IPC, et les projections prédisent que d’ici à la fin septembre, l’ensemble de la bande de Gaza sera en phase 5 – le rapport précise que le gouvernorat de Gaza Nord n’a pu être évalué par manque de données, et que le gouvernorat de Rafah au sud est quasiment dépeuplé consécutivement au transfert contraint de la population voulu par Israël. D’ici un mois, c’est donc l’ensemble des deux millions de personnes qui (sur)vivent à Gaza qui seraient ainsi exposées à la famine…

Sur place, cette nouvelle n’est pas une surprise, de nombreux observateurs et acteurs humanitaires ayant tiré la sonnette d’alarme depuis de longs mois. Depuis des semaines, des photos d’enfants squelettiques nous parviennent depuis Gaza, et rappellent les heures les plus noires de l’histoire de l’humanité. Et si la famine n’a pas été décrétée plus tôt, c’est dû au manque d’informations qui sortent de l’enclave. Pour rappel, les journalistes internationaux n’ont toujours aucun accès au territoire, et les journalistes palestiniens sont devenus des cibles à abattre pour Israël, qui en a assassiné près de 250, un sinistre record parmi toutes les guerres modernes.

Par ailleurs, de nombreux gazaouis vivent trop loin des centres de prise en charge de la malnutrition, et sont donc dans l’incapacité d’y accéder. Avant même la publication de ce rapport par l’ONU, Amnesty International avait déjà publié une enquête lundi 18 août, dans laquelle elle accusait Israël de mener délibérément une politique d’extermination à Gaza, en prolongeant intentionnellement la famine.

Du côté israélien, malgré les images qui nous parviennent quotidiennement et les témoignages des humanitaires présents sur place, on continue avec la même rengaine dans une logique d’opération de communication permanente, en dénonçant un rapport «biaisé» en faveur du Hamas… Pourtant, cette situation est annoncée et souhaitée depuis des années par le gouvernement israélien. Depuis 2023, des ministres ont appelé à couper toute entrée de nourriture à Gaza, d’autres parlent «d’effacer» le peuple palestinien, des colons fanatiques bloquent les convois humanitaires. Tout est fait en toute transparence, sous nos yeux.

Cette famine aurait pu être évitée. Depuis 2004 et la création de l’IPC, c’est la 5ème fois que la phase 5 est déclarée, et la première fois au Moyen-Orient. Les précédentes famines recensées par l’organisme étaient liées à une combinaison de divers facteurs : conflits armés, catastrophe naturelle, inflation et crise économique… mais c’est la première fois qu’une famine est directement orchestrée par un État et utilisée comme arme d’extermination.

Israël recourt à la faim comme stratégie militaire et commet ainsi un énième crime de guerre, en empêchant l’accès de l’aide humanitaire et les distributions alimentaires – ou en créant un simulacre de distributions – qui sont en réalité des pièges mortels pour les personnes affamées venues chercher de l’aide. Des milliers de tonnes de nourriture sont bloquées à la frontière entre l’Égypte et Gaza depuis des mois par Israël, qui obstrue systématiquement toute assistance à une population affamée. Autre particularité de la tragédie en cours : les gazaouis sont prisonniers de cette situation, aucune échappatoire n’est possible.

La faim comme arme coloniale est utilisée depuis longtemps par Israël. Dès 2006, une réunion de l’équipe ministérielle chargée de réfléchir au blocus de Gaza évoquait déjà le calcul aussi précis que cynique des autorités coloniales. L’idée était de garantir à la population gazaouie le minimum vital, ni plus, ni moins, «dans l’intention d’éviter une crise humanitaire». «C’est comme un rendez-vous chez le diététicien. Les Palestiniens vont maigrir comme il faut mais ils ne mourront pas», expliquait alors un conseiller du Premier ministre Ehud Olmert. Un journaliste israélien avait rapporté que cette remarque a provoqué les rires de l’assemblée. Ces derniers mois, Israël est simplement passé à l’étape supérieure, en coupant totalement l’approvisionnement en nourriture.

En plus du manque de nourriture, Gaza fait également face à de multiples pénuries : médicaments, carburant – indispensable notamment pour le fonctionnement des générateurs des hôpitaux et centres de soins – eau potable… Cette dernière est particulièrement importante : en effet, pour les milliers d’enfants de moins de 5 ans atteints de malnutrition aiguë, la moindre infection contractée par de l’eau contaminée peut engendrer la mort.

La malnutrition est aussi responsable de complications chez les personnes blessées, en particulier celles souffrantes de plaies traumatiques ou de brûlures. Sans apport alimentaire suffisant, la cicatrisation des tissus est ralentie, et le risque d’infection est accru, pouvant entraîner des septicémies et, à terme, la mort.

Et même si Israël consentait dès demain à laisser entrer l’aide humanitaire et la nourriture dans Gaza, les conséquences pour les enfants sévèrement malnutris laisseront des séquelles durables sur leurs organismes : retard de développement, troubles cognitifs, sensibilité aux maladies infectieuses, augmentation du risque de développer une maladie chronique, etc. C’est une génération entière de gazaouis qui subit les foudres démentielles d’un régime israélien qui ne connaît aucune limite dans la cruauté.

Sans aide immédiate, sans levée du blocus imposé par Israël, ce sont des centaines de milliers de personnes qui sont condamnées à mort. Combien de temps encore pourrons-nous assister en direct à l’inhumanité poussée à son paroxysme ?

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