Affaire de Budapest : pour la fin des poursuites contre Zaid, pourchassé par toutes les polices d’Europe pour son antifascisme


«J’aimerais autodéterminer ma vie. Pendant deux ans j’étais en cachette ou en prison, et ma vie a été mise entre parenthèses»


Le portrait de Zaid et sa citation : «J'aimerais autodéterminer ma vie. Pendant deux ans j'étais en cachette ou en prison, et ma vie a été mise entre parenthèses»

La chasse aux antifascistes se poursuit dans toute l’Europe suite à une bagarre ayant eu lieu en Hongrie il y a plus de deux ans. Cette traque politique doit nous inquiéter et nous mobiliser, car nous sommes toutes et tous concernés. Elle montre que toutes les polices d’Europe sont déjà prêtes à se coordonner, à la demande d’un régime autoritaire, afin de pourchasser des personnes dont le seul tort est de s’être opposées à des néo-nazis.

Nous avons rencontré Zaid, qui figure parmi les personnes poursuivies, et qui est actuellement réfugié en France. La Hongrie de Viktor Orban, président d’extrême droite, ami de Trump et de Poutine, réclame son extradition. Et la justice française doit statuer le 12 novembre. Il est donc impératif de faire connaître son histoire.

Tout remonte au mois de février 2023, à Budapest. Comme chaque année, l’extrême droite célèbre le «Day of honour», un hommage aux soldats nazis et leurs collaborateurs hongrois durant la seconde guerre mondiale. Des milliers de nostalgiques d’Hitler, certains vêtus d’uniformes SS, se rassemblent pour défiler, organiser des concerts et surtout commettre des violences, sous le regard bienveillant de la police de Viktor Orbán. À cette occasion, un affrontement éclate à la sortie d’un concert de rock néonazi.

La police libère rapidement les militants d’extrême droite sans poursuites, alors que 17 antifascistes, parmi lesquels l’italienne Ilaria Salis, sont traqués dans toute l’Europe. Les autorités hongroises mettent d’énormes moyens, et Viktor Orbán instrumentalise ces événements pour mettre en scène un soi-disant «terrorisme antifasciste» qui s’en prendrait à «d’honnêtes citoyens».

Zaid fait partie des suspects identifiés durant l’enquête, et il est visé par un mandat d’arrêt européen. Il est poursuivi pour «agression physique», «participation à une organisation criminelle» et «tentative de meurtre». Le jeune homme qui arbore un large sourire lors de notre rencontre a un parcours singulier : âgé de 19 ans au moment des faits, il est né dans un famille syrienne et palestinienne et a passé son enfance en Syrie, avant d’être réfugié en Allemagne à l’âge de 11 ans, pendant la guerre civile syrienne. À son arrivé, «apprend l’allemand en écoutant de la musique», poursuit sa scolarité et s’engage politiquement «dès l’adolescence». Notamment contre l’extrême droite. À ce jour, Zaid n’a toujours pas la nationalité allemande, mais un statut de réfugié.

En février 2023 donc, éclate «l’affaire de Budapest». La militante italienne Illaria Salis est arrêtée sur le coup et enfermée en Hongrie, où elle subit des sévices en prison, et comparait attachée en laisse lors de son procès. Heureusement, elle sera relâchée en 2024 : élue sur une liste de gauche aux élections européennes, elle bénéficie de l’immunité parlementaire, ce qui a permis sa libération.

Dès 2023, la machine s’emballe : «Ça a été très rapide», explique Zaid, «les journaux allemands ont affiché les photos et les noms des suspects recherchés». Mais pas le sien, dans un premier temps. Quelques semaines plus tard, son nom finit par apparaître dans l’enquête. «En mars, des perquisitions ont eu lieu dans plusieurs lieux, j’ai commencé à me cacher. Je refusais d’être envoyée en Hongrie où les conditions de détention sont très dures». La police allemande fini par débarquer chez ses parents avec un mandat en novembre 2023. «Je n’étais pas là».

Certains antifascistes sont arrêtés en cavale. D’autres se rendent aux autorités allemandes et sont extradés vers la Hongrie. «La justice a été très sévère» explique Zaid, qui évoque le cas de Maja, une personne non binaire, actuellement détenue en Hongrie, et qui est maltraitée en prison. «L’État allemand l’a extradée juste avant la décision de la Cour Suprême, qui a prononcé une annulation de l’extradition alors que l’hélicoptère avait décollé seulement une heure plus tôt. La police allemande a dit ‘c’est trop tard’. La presse a reconnu que cette extradition était illégale, mais Maja était déjà en Hongrie», raconte Zaid. En Allemagne, cette affaire fait régulièrement la Une de l’actualité et montre à quel point les autorités collaborent déjà avec un régime d’extrême droite.

Une campagne de soutien s’organise alors dans le pays. Épuisés d’être traqués, 8 antifascistes se rendent au commissariat, dont Zaid. «On a été mis en prison. Une camarade, Hanna, a pris 5 ans de prison ferme, et le procureur demandait 9 ans. Il a comparé ses actes à du ‘terrorisme’». La procédure judiciaire est tentaculaire, et plusieurs procès ont lieu par vagues, prévues pour durer des années. Côté Hongrois, les conditions d’enfermement sont terribles, et les autorités prononcent des peines de prison énormes. Elles ont par exemple proposé un deal à Maja : 14 ans de prison contre une reconnaissance de culpabilité, mais elle a refusé. À Budapest, la justice compte aussi alourdir la peine de certains suspects, en ajoutant des condamnations pour des actes militants antérieurs. Tout cela pour une simple bagarre contre des néo-nazis, rappelons-le.

«Quant à moi, mon avocat a bien travaillé, je suis sorti après 108 jours de prison» poursuit Zaid, toujours souriant. «Derrière les barreaux, j’ai fait beaucoup de sport pour garder mon corps en forme, j’ai joué de la musique avec d’autres détenus, c’était une bonne expérience politique. Il y a un potentiel politique intéressant dans les prisons». Une fois dehors, il veut éviter que la procédure soit examinée en Allemagne, puisque le pays a extradé illégalement vers la Hongrie certains inculpés.

Deux cas lui donnent un peu d’espoir. En mars 2024, la justice italienne s’oppose à l’extradition de Gabriele Marchesi vers la Hongrie, estimant que la Hongrie ne présente pas de garanties pour un procès équitable et une détention dans des conditions acceptables. En avril 2025, c’est Gino, un antifasciste albanais recherché dans le cadre de cette affaire, qui est arrêté en France et emprisonné à Fresne. Suite à une intense campagne de soutien, il obtient à son tour que la justice française bloque son extradition vers la Hongrie.

Avec ces exemples en tête, Zaid se rend en France en octobre 2025, et se présente aux autorités pour être jugé ici. Depuis, son passeport est confisqué et il doit pointer au commissariat. C’est donc la justice française qui va examiner les demandes d’extradition de la Hongrie, le 12 novembre. Pour statuer, la France demande à la Hongrie des garanties sur les conditions carcérales et l’équité des procès, mais évidemment «la Hongrie ment, pour obtenir l’extradition».

D’ici cette date, il est donc urgent de médiatiser le cas de Zaid, de construire une mobilisation pour empêcher son extradition et exiger l’arrêt de toutes les poursuites dans le cadre de cette affaire scandaleuse. Alors que l’extrême droite multiplie les violences dans toute l’Europe et se prépare à la guerre civile, ce sont les antifascistes qui sont harcelés !

«J’aimerai qu’on parle de mon affaire. Les antifascistes et leurs idées subissent une répression de plus en plus forte. J’aimerais autodéterminer ma vie, trouver un travail, un logement. Pendant deux ans j’étais en cachette ou en prison, et ma vie a été mise entre parenthèses» déplore Zaid. Une demande que seule notre solidarité avec Zaid et les réprimés de l’affaire de Budapest est à même d’obtenir.

Pour suivre la procédure et la mobilisation, abonnez vous à la page : comite_solidarite_budapest sur Instagram

Photo : @tulyppe

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