Faut-il désarmer la police… pour protéger les policiers eux-mêmes ?

L’histoire pourrait prêter à rire si elle n’avait pas mis en danger de mort de nombreux clients d’un fast food. Vendredi 24 octobre, un CRS âgé de 28 ans, a «accidentellement tiré un coup de feu sur son collègue de la même compagnie», à la sortie d’un Burger King de l’Allier. La presse explique pudiquement que «pour une raison indéterminée, il a sorti son arme de service de son sac à dos et en le manipulant, un coup de feu serait accidentellement parti, blessant superficiellement son collègue à une main et au niveau du thorax».
Le tireur était hors service et alcoolisé. Son collègue, qui a été blessé par le tir, n’a pas déposé plainte. Cette histoire est scandaleuse en tous points. D’abord parce qu’un fast food est un endroit très fréquenté, avec de nombreuses familles, et que le tir aurait pu faucher n’importe qui. Ensuite parce que cela nous rappelle que des dizaines de milliers de policiers peuvent se balader en permanence avec une arme mortelle sur eux, même en-dehors de leur service, et y compris en étant bourrés. Cette mesure avait été prise en 2015, au nom de l’antiterrorisme. Enfin parce qu’une telle affaire passe globalement inaperçue.
L’armement policier est un danger pour les policiers eux-mêmes. En 2018, au commissariat de Saint-Denis, un agent avait tiré en pleine tête sur sa collègue avec son arme de service. La justice avait fait le choix de qualifier les faits «d’homicide involontaire». Le policier avait l’habitude, depuis plusieurs années, de «jouer» avec son arme en menaçant ses collègues : «Il s’amusait à braquer des armes sur certains de ses collègues, ou à jouer devant eux avec ses pistolets sans cran de sécurité en leur assurant : le coup ne partira pas, le coup ne partira pas». Mais ce jour du 20 mars 2018, le coup est parti. La policière de 25 ans est décédée sur le coup.
À Nantes, en 2004, un fonctionnaire fortement alcoolisé avait tué un autre policier au commissariat, officiellement lors d’une partie de «roulette russe». Toujours à Nantes, un agent stockait des grenades explosives dans son garage, des armes de guerre utilisées en manifestation qu’il ramenait chez lui. Son beau-fils de 15 ans et deux de ses amis avaient dégoupillé une grenade pour voir. Résultat : une main arrachée et un ado gravement blessé. L’enquête a révélé que ce policier «exhibait des grenades en réunion de famille pour épater la galerie».
Le 9 mars 2022, une policière de Roubaix avait également été jugée pour avoir causé un accident en jouant avec son arme électrique, en touchant quatre fois avec son taser son collègue qui conduisait le véhicule «pour rire». La policière mise en cause a été reconnue coupable, mais dispensée de peine et d’inscription au casier. Après l’accident, durant laquelle une voiture a été percutée, les 6 policiers présents dans la voiture (dont un se trouvant dans le coffre) ont quitté les lieux sans prévenir personne. On appelle ça un délit de fuite.
Le 21 septembre 2022, en plein après-midi, dans la ville de Saint-Ouen en banlieue parisienne, des policiers dégainent leurs armes pour un «refus d’obtempérer», en plein milieu du trafic. Un agent tire à deux reprises au milieu de la rue. Une des balles termine sa course dans la vitre d’un bus de la RATP. La ligne 173 en direction de La Courneuve. Le bus était en service, avec des passagers. Une photo montre l’impact : à un mètre près, une personne était tuée ou gravement blessée.
Autre affaire troublante : la gendarme Myriam Sakhri, morte par balle en 2011 dans sa propre caserne. L’enquête avait vite conclu à un suicide, alors que le tir avait été tiré au niveau du foie. La famille est persuadée qu’il s’agit d’un meurtre au sein de la caserne et se bat pour rouvrir l’enquête. La défunte subissait des injures racistes récurrentes de la part de ses collègues.
Sans oublier toutes les victimes de la police et de ses armes, que ce soit dans les quartiers, les manifestations ou pour les nombreuses affaires de refus d’obtempérer, qui se comptent par centaines.
Combien de morts faudra t-il encore pour interdire les armes à ces individus ? En 2017, une note interne de l’IGPN s’inquiétait d’une «hausse significative de l’usage de l’arme à feu», entamée dès la fin de l’année 2016, avec une augmentation de 65% depuis l’année passée. Une hausse toujours constatée dans le rapport de l’IGPN rendu en 2022.
Les policiers ont aujourd’hui le droit de rentrer chez eux avec leur arme de service et l’impunité règne sur leur usage. En février 2019, un agent de la BAC de Nantes avait ainsi sorti son arme à feu et tiré sur deux passants alors qu’ils passaient devant chez lui. Le policier, alcoolisé et sous cannabis, était sorti de chez lui arme à la main et avait ouvert le feu sur un homme au niveau de l’abdomen. Lors du jugement, le policier expliquait qu’il était «fatigué» après une manifestation de Gilets Jaunes à Nantes et qu’il voulait «décompresser».
L’État confie des armes à des individus hors de tout contrôle, qui n’ont pas les capacités pour posséder des armes mortelles, comme le montre l’affaire du Burger King de l’Allier. Et s’il fallait désarmer la police, pour la sécurité de la population et des agents de police eux-mêmes ?
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