Casse de Noël : les « Robins des bois des ruelles » dévalisent un supermarché et redistribuent la nourriture dans un quartier populaire de Montréal


Les supers héros ne portent pas de cape


Des père Noël masqués passent à la caisse d'un supermarché de Montréal avec des caddies remplis : une autoréduction efficace.

Il y a de ces petites histoires qui réchauffent les cœurs. Quand certains pensent que tout est perdu dans ce climat politique international nauséabond, des êtres surgissent pour nous rappeler qu’il ne faut jamais se laisser aller à la résignation. Voici un petit conte de Noël en provenance directe de nos voisins d’outre-Atlantique.

Le 15 décembre, aux alentours de 21h40 à Montréal, au Québec, une bande de boute-en-train déguisés en Pères Noël et en lutins pénètre dans une épicerie du plateau de Mont-Royal. Plus de 40 personnes grimées dévalisent les rayons et remplissent des caddies de nourriture. Ce vol de plusieurs milliers de dollars est revendiqué par le groupe autonome des « Robins des bois des ruelles ».

Les cadeaux au pied du sapin, accompagnés d'un texte de revendication : "La faim justifie les moyens".

La presse locale relate qu’une partie des denrées alimentaires subtilisées a fini au pied d’un arbre de Noël de la place Valois d’Hochelaga-Maisonneuve, un quartier défavorisé de la ville. Au pied du sapin, à côté des victuailles laissées à disposition des habitant·es dans des sacs de cadeaux, un écriteau indique : « Noël, c’est cher ! », « Bouffe gratuite ». Le restant de nourriture sera redistribué dans les «nombreux frigos communautaires de la ville», explique un communiqué publié sur le compte Instagram « Les Soulèvements du fleuve ».

«Il n’y a pas d’autre manière de le dire : une poignée d’entreprises tient nos besoins vitaux en otage. Elle continue d’étouffer la population, pour leur siphonner le plus d’argent possible, simplement parce qu’elle le peut. Pour nous, c’est ça qui est du vol et ce sont eux les bandits» affirment les activistes.

En effet, l’épicerie est une franchise d’un géant de la grande distribution, Metro. L’entreprise est un grand fabricant, distributeur et franchiseur, qui emploie plus de 97.000 personnes. C’est le premier employeur privé au Québec, Metro s’appuie sur un réseau de plus de 1600 magasins franchisés. Sur son site officiel, la marque se vante d’avoir fait cette année «un chiffre d’affaires annuel de plus de 22 milliards de dollars, […] dans les domaines de l’alimentation et de la pharmacie au Québec et en Ontario». On est loin du braquage du petit épicier du coin.

Selon un rapport annuel paru au mois de décembre, ce géant de l’industrie alimentaire a fait un milliard de dollars de profit en 2025, en hausse de 9,4%, et les dividendes par action ont augmenté de 10,5%, en hausse pour la 31ème année consécutive. Dans cette partie du Canada francophone, l’insécurité alimentaire augmente comme ailleurs, et ce pour la quatrième année consécutive. Un habitant sur trois est touché selon l’Observatoire québécois des inégalités.

C’est dans ce contexte de pressurisation généralisée des classes populaires que s’inscrit cette autoréduction, qui renoue avec la tradition militante du mouvement autonome des années 1970/80, l’expropriation prolétarienne. À l’époque, les pillages de supermarchés étaient une pratique courante, pour dénoncer le capitalisme et redistribuer les denrées à celles et ceux qui en avaient besoin.

En 1970 à Paris, c’est l’épicerie de luxe Fauchon qui avait été dévalisée par des militants et militantes communistes aux cris de «On a raison de voler les voleurs !» et «Récupérons sur les patrons le fruit de notre travail !» Des blocs de foie gras, marrons glacés, pâtés en croûte, gâteaux fins, chocolats, bouteilles de grands crus et autres produits aussi gourmands que chers avaient été distribués dans les bidonvilles et cités qui entouraient la capitale. Une militante expliquait à l’époque : «En attaquant ce lieu de haut luxe – qui ne nourrit que les riches – nous avons voulu frapper directement les exploiteurs au profit des exploités».

À Noël 1974 au Danemark, un groupe de militants anticapitalistes déguisés en Pères Noël était entré dans une grande surface et avait distribué gratuitement des jouets aux enfants. La police était intervenue, arrachant ces cadeaux, et faisant pleurer les bambins, ce qui avait eu pour effet de créer une réprobation générale et de dénoncer efficacement la société marchande.

En 2025, les «Robins des bois des ruelles» québécois rappellent que «les vols commis pour assouvir nos besoins essentiels sont des gestes politiques et de résistance. Voyez donc notre action comme un appel à s’organiser ensemble conte la mafia de l’alimentaire et celle de l’agro-industrie». Pour plus d’autoréductions contre la voracité des patrons…

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