Attentat au colis piégé visant Manuel Bompard : les médias minimisent, les autorités parlent de « mauvaise blague »


La campagne de diffamation et de déshumanisation contre la France Insoumise ne connaît pas de limite


Une camionnette de La Poste, comme celle qui a explosé alors que Manuel Bompard était visé par une tentative d'attentat.

Imaginons qu’un colis explosif soit envoyé à la permanence d’un député macroniste ou RN, voire à un commissariat. Vous en entendriez parler pendant des semaines. Cela ferait la Une de l’actualité, l’intégralité des médias tourneraient en boucle sur le «retour du terrorisme d’ultra-gauche» avec des policiers invités en plateau. Le Ministère de l’intérieur en ferait une actualité prioritaire et dissoudrait quelques collectifs au passage.

Mais ici, un colis explosif a «juste» visé un élu Insoumis. Et puisque la vie des opposant-es, y compris élu-es, ne vaut plus grand chose, et qu’il est même encouragé de s’en prendre physiquement à la gauche, tout le monde s’en fout. Cette info n’a occupé que quelques lignes dans une poignée de journaux locaux.

Samedi 4 octobre, un colis explose dans la camionnette d’un facteur à Roche-Chalais, en Dordogne, sans faire de blessé. Deux autres colis piégés sont retrouvés au bureau de poste de Saint-Aulaye, toujours en Dordogne. Les gendarmes et démineurs interviennent après la première explosion pour désarmer les autres colis, qui sont qualifiés de «sophistiqués», et auraient pu blesser. Les destinataires étaient le coordinateur de la France Insoumise Manuel Bompard, la journaliste Estelle Denis, et l’humoriste Élodie Poux. Le coordinateur de la France insoumise a déclaré «Il arrive fréquemment que nous recevions des mails d’insultes, mais je n’avais jamais reçu de menace plus grave».

En France, on crie à l’ultra violence à la moindre vitrine égratignée lors d’une manifestation. Des centaines de personnes, comme Mathilde Panot, Rima Hassan ou Anasse Kazib, ont été harcelées par la justice pour apologie du terrorisme pour leur soutien à la Palestine. Un simple tag peut vous valoir ce qualificatif. Les militants écologistes sont traités «d’écoterroristes» par l’infâme Gérald Darmanin pour des actions de désobéissance civile non-violentes. Bref, aujourd’hui, à peu près n’importe qui peut se voir taxer de terrorisme et de violence. Mais apparemment, pas ceux qui envoient des colis piégés à un membre de la France Insoumise. Dans ce cas là, les autorités parlent d’une «mauvaise blague, on n’est pas sur un attentat».

Les mêmes autorités expliquaient pourtant que gonfler des ballons lors de la mobilisation contre le salon de l’armement du Bourget, en juin dernier, était une «association de malfaiteurs», un crime passible d’années de prison. En effet, le 21 juin dernier c’est une centaine de policiers qui intervenaient pour faire exploser des ballons de baudruche à la bourse de travail de Bobigny, et interpeler sept personnes.

Dans Le Parisien, on apprenait que «ces interpellations, menées en urgence, auraient visé à contrecarrer un projet d’action spectaculaire» qui risquait d’empêcher «les avions du défilé aérien d’atterrir mais aussi peut-être même l’avion présidentiel d’Emmanuel Macron». Un attentat contre le président à coup de baudruche ! Le journal précisait que la «brigade criminelle de la Direction de la police judiciaire de la préfecture de police» était mobilisée. Il y avait en effet des enquêteurs de la police judiciaire et des gradés en costume grouillant autour de grappes de ballons et embarquant des banderoles.

De la même façon, les permanence macronistes recouvertes d’affiches ou de tags durant le mouvement pour les retraites en 2023 avaient provoqué des campagnes médiatiques outrancières expliquant que les élus étaient «menacés» et que c’était «la République» qui était attaquée à travers eux.

Contre Manuel Bompard, il ne s’agit pas de ballons de baudruche ni d’autocollants, mais bien d’engins explosifs. Déjà en mai 2023, Jean-Luc Mélenchon découvrait dans la presse l’existence d’un projet d’assassinat contre lui. L’hebdomadaire Politis révélait qu’un commando armé d’extrême-droite avait planifié son assassinat, ainsi que celui du rappeur Médine. Ni la police, ni la justice, ni le gouvernement n’avaient prévenu le chef de file de la France Insoumise, ni même pris la parole pour affirmer leur soutien et dénoncer ces agissements.

En décembre 2024, c’est la maison secondaire de Jean-Luc Mélenchon qui avait été attaquée et recouverte de tags menaçants. Ce dernier avait rappelé à l’époque que son mouvement recevait des «tracts anonymes, messages téléphoniques» et subissait des «agressions» depuis des mois. Il ajoutait : «Depuis un an nous avons tous le sentiment de n’être protégés ni par la justice, ni par la police» et terminait : «Je sais que cela finira mal car notre diabolisation est faite pour cela». Preuve en est.

Le 21 juillet 2023 à Rochesson, dans les Vosges, la maison où vivait un membre de la France Insoumise avait été incendiée, après des années d’intimidations de la part de l’extrême-droite. La victime se nommait Willy, et militait au sein du parti de gauche avec sa conjointe aujourd’hui défunte. Celle-ci avait créé une antenne locale de la FI. Le couple retrouvait notamment des pieds de porc déposés sur son palier, sa voiture vandalisée, des pneus crevés… Ils avaient déposé plusieurs mains courantes, «mais la police refuse de prendre sa plainte» expliquait la victime. En juillet 2023 donc, Willy avait failli brûler vif parce qu’il militait dans un mouvement politique de gauche, dans une indifférence médiatique notable.

En mars 2023, lorsque le maire de Saint Brévin-les-Pins Yannick Morez avait vu son domicile incendié par l’extrême-droite, de la même façon, l’affaire avait été complètement occultée par le gouvernement et les médias.

Pourquoi ces faits ne sont pas mis en avant ni dénoncés ? Parce que ces violences ne servent pas l’agenda de la bourgeoisie radicalisée. Parce que son projet est de placer l’extrême-droite au pouvoir, car elle a besoin d’un régime autoritaire pour continuer à briser les conquis sociaux et étouffer tout mouvement social qui revendiquerait ne serait qu’un tout petit peu de redistribution. Il est important d’occulter totalement les violences (réelles) que commet l’extrême-droite, mais de pointer du doigt tout ce qui pourrait de près ou de loin être instrumentalisé comme étant une prétendue «violence d’extrême-gauche».

La France Insoumise est pourtant loin d’être un parti d’extrême gauche, néanmoins son programme prévoit un peu plus de justice sociale et fiscale, et c’est aussi le seul à dénoncer le colonialisme israélien. Et ça, la bourgeoisie le refuse. C’est pourquoi la campagne de diffamation que subit le parti depuis des années ne doit souffrir aucune contradiction. Quitte à dire absolument n’importe quoi, comme Laurent Jacobelli, élu et porte-parole du Rassemblement National, qui déclarait en juillet 2024 «aujourd’hui l’extrême droite s’appelle la France Insoumise», ou que Bernard Henri-Lévy, faux philosophe et vrai propagandiste macroniste qui dans une tribune sobrement intitulée «il faut diaboliser Mélenchon» écrivait que ce dernier «incarne aujourd’hui la principale menace pour la République, la démocratie et la France».

Début septembre, Bruno Retailleau expliquait que Mélenchon était «ingénieur en chef» des «esthètes de la violence qui provoquent, insultent et menacent à tour de bras». Le 18 juin dernier, Laurent Wauquiez obtenait l’ouverture d’une commission d’enquête sur les soi-disant liens entre la France Insoumise et des organisations islamistes. Charles Rodwell, député Ensemble pour la République réclamait en toute quiétude la dissolution de la France insoumise sur Cnews le 3 octobre dernier.

Et il n’est pas le premier. Sauf que ces propos ont des conséquences directes sur les députés de la France Insoumise, qui subissent de plus en plus de violences. Et même si vous n’êtes pas adepte du mouvement de Mélenchon, ne haussez pas les épaules : lorsque même des élus de gauche commencent à être visés physiquement, comme c’était le cas dans les années 1930, cela veut dire que le processus de fascisation est largement entamé. Et que la vie des militant-es de terrain est en sérieux danger.

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