Une policière brûle vif un homme en tirant au Taser, elle écope d’un sursis


Août 2020, dans la commune de Saint-Contest, près de Caen. Un homme est transformé en torche humaine suite à un tir de Taser. Cette scène effroyable conjugue la violence sociale et la violence d’État. Elle révèle toute la sauvagerie des armes de répression.


Un pistolet Taser libérant les aiguilles qui iront électrocuter sa victime.

Une affaire accablante, une peine minimale et tardive

Ce matin-là, un huissier débarque chez un homme de 60 ans pour saisir son véhicule, accompagné des forces de l’ordre. Visiblement en détresse, ce père de famille s’asperge d’essence. Pour autant, il ne représente aucun danger, il n’est pas armé, il n’a «même pas de briquet», selon sa fille et son épouse présentes au moment des faits. Une version confirmée par l’huissier, qui a même expliqué à la justice que cet homme n’était «ni virulent ni menaçant». Aucune raison de le viser.

Pourtant, la policière tire au Taser, ce qui enflamme l’essence. La victime se consume dans d’atroces souffrances, et mourra plusieurs jours après à l’hôpital. Devant les enquêteurs, la policière prétend qu’elle s’est protégée et même qu’elle voulait empêcher l’immolation, alors que c’est justement elle qui l’a déclenchée. L’enquête démontre qu’elle a menti. Il faudra cinq ans pour que la tireuse soit jugée : elle a été condamnée le 20 novembre. Le procureur lui-même déclare : «par principe, je fais confiance aux policiers, mais dans ce dossier, il y a une reconstruction des faits». Pour cette affaire horrible et accablante, la policière qui n’a montré aucun remord n’a reçu qu’un an de sursis.

Les juges ont estimé qu’il s’agissait d’une «faute pénale commise dans l’exercice de ses fonctions» et qu’elle est coupable de «blessures involontaires par maladresse, imprudence, inattention, négligence ayant entraîné la mort». Une qualification a minima. La tueuse n’ira jamais en prison.

Une arme dangereuse vendue par une entreprise mafieuse

Le pistolet Taser est une arme extrêmement dangereuse. Tirées par une arme de poing, des épines s’enfoncent dans la chair et infligent 50.000 volts dans le corps, paralysant les muscles et le système nerveux. L’agence Reuters recensait déjà en 2017 plus de 1000 personnes mortes aux États-Unis «après avoir été neutralisées par la police avec un Taser». Dans la plupart de ces cas, le tir a provoqué une crise cardiaque. L’agence avait révélé que dans neuf cas sur dix, la victime n’était pas armée.

Taser, l’entreprise qui fabrique ces armes, est une entreprise mafieuse. Dès 2006, le candidat à la présidentielle Olivier Besancenot avait critiqué les pistolets électriques et pointé leur dangerosité. Pour se venger, l’entreprise avait engagé une agence de détectives privés pour espionner l’homme politique et ses proches. Parmi ces barbouzes, des policiers passés par la Brigade de répression du banditisme, les Renseignements généraux et l’Inspection générale des services. Et parmi les infos recueillies sur Besancenot, l’adresse de l’école maternelle de son enfant, les numéros de comptes bancaires, les plaques d’immatriculation… un travail de crapules.

Une arme qui tue régulièrement

Pourtant, le Taser est massivement diffusé en France. Le gouvernement Sarkozy avait autorisé les polices municipales à acquérir ces armes il y a déjà près de 20 ans, et elles ont été généralisées dans la police nationale suite à l’élection de Macron. On peut voir cet espèce de pistolet jaune à la ceinture d’unités de diverses unités de police dans toutes les villes de France.

La firme qui produit cette arme prétendait «éviter les pertes de vies humaines». Un mensonge éhonté. Le Taser tue massivement aux USA, mais aussi en France. Dès 2010, un sans-papier malien de 38 ans mourait suite à l’usage d’un Taser à Colombes, dans les Hauts-de-Seine. Il avait reçu deux décharges, et c’était la première victime de cet engin de mort sur le territoire.

En 2013, un réunionnais de 21 ans qui rentrait d’une soirée étudiante perdait la vie à la Ferté-Saint-Aubin après avoir reçu le tir de pistolet électrique d’un gendarme. En septembre 2019 à Tarascon, un homme mourrait des suites de deux coups de Taser lors d’une intervention policière.

En juin 2021, pour un loyer impayé à Pierrelaye, la police tuait un homme de 34 ans lors d’une expulsion locative. La police, qui disait avoir «riposté» face à une arme blanche, avait d’abord tiré à balle réelle sans toucher la victime, avant d’utiliser un Taser. Victime d’un arrêt cardio-respiratoire, il sera déclaré mort une demi-heure plus tard après l’intervention du SAMU.

En janvier 2024 en Seine-Saint-Denis, un homme de 30 ans, père de famille, a été tué par une rafale de tirs de Taser. Pas moins de 18 agents avaient été envoyés contre cet homme décrit comme «agité» dans une épicerie. 6 policiers ont fait usage de leurs pistolets électriques, pour 10 tirs. Une série d’impulsions de 50.000 volts, bien plus que ce qu’un corps humain peut supporter. Après deux arrêts cardiaques, la victime était déclarée morte.

Même scénario au commissariat de Rouen dans la nuit du samedi 16 au dimanche 17 novembre 2024. La police avait été appelée à la suite de «l’appel d’un voisin» qui s’inquiétait du bruit et avait interpelé un homme «agité» selon la version officielle. Les agents ont reconnu lui avoir tiré deux coups de Taser «à bout portant». Dans le hall d’accueil du commissariat, la victime de 38 ans a fait un arrêt cardiaque.

Un outil de torture

Malgré ses nombreuses victimes, le Taser fait rarement la Une de l’actualité. Il est en effet rarement utilisé dans les manifestations et les moments médiatisés, contrairement aux LBD et aux grenades. Il frappe la plupart du temps des gens en grande précarité, loin des regards. Sa dangerosité est ainsi peu connue du grand public. Son usage est massif de la part d’agents qui considèrent cette arme comme inoffensive – en plus de ne pas laisser de traces trop visibles – et l’utilisent parfois pour s’amuser ou se défouler.

En août 2019, un homme était interpelé par la police à Saint-Ouen. Au cours de l’arrestation, après avoir été étranglé par les policiers, il avait reçu des coups de Taser dans les organes génitaux. Des actes de barbarie. Le 29 janvier 2021, lors d’un contrôle de police à Cormeilles-en-Parisis, Jonathan se trouvait avec ses amis en bas d’un immeuble lorsqu’il a été contrôlé par 5 agents. Le pistolet à impulsion électrique du brigadier chef présent ce soir-là a été actionné à 27 reprises, d’après l’enquête qui sera menée ensuite. Jonathan est alors longuement torturé : «J’ai déjà pris des claques par des policiers mais là c’était autre chose», témoigne-t-il. «C’était des coups de Taser, des coups de poings, pendant 40 minutes j’ai vraiment cru que j’allais mourir. Je leur ai dit d’arrêter mais ils ne se sont pas arrêtés (…) Je tremblais et je tombais».

Enfin, le 29 mai 2022, au Havre, pour punir un adolescent qu’ils accusent d’avoir frappé leur collègue, deux policiers utilisent une gazeuse lacrymogène et un pistolet électrique en même temps. Le gaz qui sort de ces bombes, en plus d’être très urticant, est hautement inflammable et peut prendre feu au contact d’une source de chaleur ou d’une étincelle. Le jeune de 17 ans visé a donc littéralement pris feu, ses vêtements se sont enflammés, et il a été gravement brûlé au torse et au visage. C’est presque la même chose qu’il s’est passé à Caen en 2020, et qui a endeuillé une famille dans des conditions épouvantables.

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