La conjointe du tireur, technicienne de la police scientifique, est impliquée
Nous sommes le 26 mars 2022 à Aulnay-sous-Bois en banlieue parisienne. Un équipage de la brigade anti-criminalité ouvre le feu sur un véhicule. Jean-Paul Benjamin est au volant du fourgon et meurt peu de temps après, touché par une balle à l’aorte et au foie. Ce père de famille de 33 ans, livreur, vivait à Sevran. Il fut la première personne tuée cette année suite à un soi-disant «refus d’obtempérer», une énième vie volée par l’arbitraire policier.
Jean-Paul ne représentait aucun danger. Pourtant un agent de la BAC, sans brassard ni identification, va décider de l’exécuter de sang froid. À l’époque les médias relaient en boucle la version policière. Il s’agirait d’un «délinquant», d’un «individu dangereux» au commande d’un véhicule «volé» : rien n’est vrai. Il aurait «foncé» sur les policiers : un mensonge encore. Absolument tout est fait pour faire croire que le tireur est en état de «légitime défense». Les syndicats de police usent d’une propagande abjecte et mensongère pour salir la victime : nouvelle inversion accusatoire.
La version des flics va voler en éclat, le policier était en civil et sans brassard. Le vol de la camionnette ? Jean-Paul avait un contentieux avec son employeur et continuait ses livraisons avec le véhicule de l’entreprise, un conflit banal dans le monde du travail. Il était arrêté à un feu rouge lorsque le criminel a tiré. Et par deux fois selon plusieurs témoins. La balistique démontre qu’il a ouvert le feu de derrière le fourgon. La thèse de la «légitime défense» est ainsi largement mise à mal. Le policier est donc mis en examen le 1er avril pour «violences volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner». Le fonctionnaire de la BAC évoque dans un premier temps un tir «accidentel» avant de prétendre qu’il a fait usage de son arme une seule fois pour protéger «une poussette qui traversait la route devant le camion». L’IGPN découvre qu’il manque une seconde munition dans le chargeur du brigadier. Il ne s’agit donc pas d’un tir mais de deux coups de feu, destinés à tuer.
Sur les vidéos, pas de poussette, mais des images montrant le policier se pencher vers le sol pour ramasser «quelque chose» après avoir tiré. Est-ce que le brigadier de la BAC aurait ramassé la douille de la deuxième balle ? Probable. La suite de l’affaire est un mélange de pratiques policières mafieuses instituées au sein de l’appareil policier. Comme dans chaque affaire de violences policières, l’obstruction à la vérité est une sorte de profession de foi pour les racailles en uniforme.
D’après une nouvelle enquête de Médiapart, on apprend qu’en pleine instruction judiciaire et «sans en avertir ni leur hiérarchie ni les enquêteurs, les collègues du policier mis en cause» ont vidé le vestiaire de celui-ci. Que sa compagne, elle-même technicienne de la police scientifique, va récupérer les vêtements que son époux portait au moment des faits et les laver. Quel était le contenu du casier ? Pourquoi l’épouse du policier incriminé, spécialiste d’une brigade de recherche criminelle, a pu nettoyer les vêtements ? En réalité les enquêteurs de l’inspection générale de la police nationale sont évidemment au courant de ces éléments.
Les auditions nous apprennent qu’ils ont eux-mêmes confié à la femme du fonctionnaire de police la mission de retrouver la balle manquante. Balle dont elle n’a évidemment pas mis la main dessus. Rien de choquant non plus à ce qu’un casier cadenassé soit vidé de son contenu dans le commissariat d’Aulnay-sous-Bois. Que des policiers et policières soustraient des preuves à la justice ou qu’ils se couvrent entre eux pour cacher leurs exactions a toujours été d’une banalité mortelle.
Lorsque Zineb Redouane était frappée par une grenade en plein visage, la police nettoyait immédiatement la scène de crime au sein même de l’appartement de cette dame âgée agonisante, pour faire disparaître les palets de lacrymogène. Le commandant de la compagnie avait même refusé que les armes de ses hommes soient expertisées.
La routine de l’impunité policière est bien huilée. L’IGPN fait office de lave-linge. Quand Aboubacar Fofana était assassiné à Nantes par la police d’une balle dans le cou, en juillet 2018, les fonctionnaires mentaient en insinuant que le jeune homme mettait en danger la vie d’une fillette et d’un policier pour justifier leur meurtre.
Ils mentent à chaque fois. Ce sont des pratiques généralisées de tromperie, de falsification. La police est une mafia où règne l’omerta, un État dans l’État, un corps radicalisé infusé d’une idéologie fasciste et réactionnaire qui milite pour le permis de tuer. Et la justice couvre.