30 millions d’euros. C’est le montant d’une «aide exceptionnelle» débloquée par le gouvernement pour «aider» la presse qui fait face à l’inflation, et notamment à la hausse des prix du papier.
Cette somme s’ajoute aux dizaines de millions d’euros déjà distribués par le gouvernement aux grands médias chaque année, au titre de «l’aide à la presse». Beaucoup de gens l’ignorent, mais les médias qui façonnent l’opinion n’ont rien d’indépendants. Ils touchent d’énormes subventions d’argent public, en plus de leurs recettes publicitaires. Même les journaux qui titrent à longueur d’année contre les «assistés» vivent sous perfusion d’argent de l’État.
À qui profite ce ruissèlement d’argent ?
Cette «aide» supplémentaire va majoritairement bénéficier à des milliardaires qui n’ont absolument pas besoin de soutien financiers. En effet, c’est la dizaine de milliardaires qui sont propriétaires de la majorité de presse «papier» va profiter au maximum de cet argent.
En France, 15 groupes privés se partagent 80% des aides à la presse. Pire, quatre milliardaires se partagent à eux seuls 37,7 millions d’euros d’aides directes. En 2021, sur 92,8 millions d’euros d’argent public distribué aux médias, le groupe Les Échos-Le Parisien, propriété de Bernard Arnault, arrive en tête avec 15,8 millions d’euros d’argent public, puis le groupe Le Figaro, propriété de la famille Dassault, avec 7,7 millions d’euros. Oui, Le Figaro dont la ligne éditoriale ultra-libérale et réactionnaire s’oppose à toute redistribution aux plus pauvres se goinfre d’argent de l’État.
En troisième position, le groupe Le Monde, propriété de Xavier Niel et de ses associés, avec 7,5 millions d’euros. Derrière ce trio de tête, Libération, à l’époque possédé par le milliardaire de Patrick Drahi, recevait 6,7 millions d’euros. L’indécence est totale : des milliardaires rachètent des journaux en perte de vitesse pour y imposer leur ligne idéologique et bénéficient, en plus, de sommes colossales de la part de l’État. Et recevront toujours plus en 2023.
Dans le même temps, la presse réellement indépendante, les nombreux petits journaux locaux, sites internet, magazines satiriques qui font vivre la pluralité n’ont évidemment aucune aide, ils sont même inquiétés par les autorités.
Une aide à perte
Médiapart souligne l’absurdité de cette «aide exceptionnelle». D’abord parce qu’une partie de cette cagnotte est financée grâce à la suppression d’une somme qui devait financer le secteur du livre, qui en a bien besoin. Pour des raisons d’augmentation du prix du papier, on ponctionne le secteur du livre : où est la logique ?
Du reste, Médiapart explique que la diffusion des journaux «papier» ne cesse de s’effondrer au profit des supports numériques. Les ventes «en kiosque pour la presse quotidienne nationale ne dépassent guère 150.000 exemplaires en moyenne par jour». Pour Médiapart, «l’État, qui met le plus de bâtons possible dans les roues de la jeune presse indépendante sur Internet, finance à fonds perdu une presse vieillissante».
Mais alors, pour quoi faire ?
L’argent dilapidé est une sorte de don d’un seigneur à ses vassaux. Des millions pour des médias de moins en moins lus, mais aux ordres. Cet argent sert donc à renforcer la concentration des moyens financiers et donc de la puissance médiatique entre les mêmes mains.
Et puis, même si les ventes chutent, ce sont les grands titres de presse qui orientent les sujets d’actualité : ce qui doit faire la Une, la mise en avant d’un sujet plutôt qu’un autre, l’usage de termes comme «prise d’otage» pour désigner une grève, de «wokisme» pour qualifier les idées antiracistes ou féministes… Leur influence reste importante dans le champ médiatique.
«Dans le même temps», écrit Médiapart, «l’État ne prévoit rien pour soutenir la presse numérique», ni tous les petits médias qui auraient besoin de soutien économique et tentent d’assurer un minimum de pluralité dans ce pays. Il faut dire que c’est bien la presse des milliardaire qui a permis à Macron, obscur banquier, d’être propulsé comme candidat sans programme, puis président en 2017, par un incroyable tour de force. Et c’est cette même presse qui lui a rendu possible le hold-up électoral de 2022, alors que Macron était embourbé dans d’innombrables scandales et rejeté par la grande majorité des français.