McKinsey : voleurs, tricheurs et incapables


Le rapport à un demi million d’euros sur l’Éducation Nationale a été rendu public : il est nul à chier


Le 18 janvier 2022, il y a bientôt un an, le cabinet de conseil privé McKinsey était dans la tourmente. Auditionné par une commission sénatoriale, Karim Tadjeddine, proche de Macron et “directeur senior” chez McKinsey France, bafouillait quelques justifications vaseuses sur des contrats publics mirobolants qui sentaient le détournement de fonds publics à plein nez. Il évoquait notamment un contrat de 496.800 € pour fournir un rapport sur le “métier d’enseignant”. Quoi de mieux pour améliorer l’éducation nationale qu’un cabinet américain plutôt que d’interroger directement les concernés. Depuis, plusieurs journalistes ont réclamé le rapport au Ministère concerné, mais ont dû passer par le tribunal administratif pour en avoir une copie. Le blogueur David Libeau a reçu le rapport il y a quelques jours, et il a relevé quelques éléments troublants.

Mais d’abord, regardons un peu ce qu’on trouve dans le rapport : le néant. Un vide d’intelligence comblé par des montagnes de verbiage, un langage techno sans queue ni tête, sans doute pour justifier les honoraires indécents du cabinet McKinsey. Un document de référence de 204 pages et deux présentations de 35 et 66 slides. Morceau choisi : “L’orientation des travaux est conditionnée par la volonté de donner à nos recommandations un caractère actionnable et pragmatique. Il ne s’agit pas à ce stade de propositions de réforme mais d’évaluer les modalités ayant les meilleures chances de succès dans le contexte français.” Tout et son contraire en deux phrases. Une des présentations garantit “une objectivité forte des parties prenantes engagées dans la gestion du développement professionnel et de la carrière des professeurs”. Heureusement McKinsey est un cabinet privé objectif, pas du tout une clique de prédateurs au service d’un gouvernement néo-libéral.

Le texte confine parfois au véritable foutage de gueule, comme lorsque le cabinet privé, qui se substitue à des fonctionnaires et à des chercheurs, déclare l’importance de la “prise en compte des spécificités du secteur public sans dupliquer les méthodes du secteur privé”. Surtout lorsque, dès la slide suivante, on s’étrangle en lisant que “les objectifs poursuivis par les entreprises et les organisations pour l’introduction d’une prime liée au mérite peuvent être adaptés au contexte du Ministère de l’Éducation Nationale” puis immédiatement “Le Ministère de l’Éducation Nationale peut tirer des enseignements issus des bonnes pratiques du secteur privé”.

Parfois les propos ne veulent juste rien dire, on atteint des niveaux stratosphériques de bullshit : “Créer une cartographie des processus, élaborer et partager des lignes directrices et livrables cibles par acteurs clés, concevoir et partager un RACI par processus”. Pour information, l’acronyme RACI désigne un concept de management sur l’organisation de la prise de décision et pas un vieux bout de pain. Techno-bullshit niveau difficile.

Quand on regarde le document de référence, c’est pire. Sur 204 pages, 72 sont vides ou presque : photos libres de droit, titres ou citations en grands caractères. On dirait le dossier d’un élève qui cherche à tout prix à atteindre le nombre de pages demandées par son prof. Pire, David Libeau a repéré un certain nombre de passages qui semblent plagiés, principalement sur des articles de Yann Algan, le doyen de l’École d’affaires publiques de Sciences Po qui avait vu son ouvrage “L’État en mode start-up” préfacé par… Emmanuel Macron. Tout ce petit entre-soi à recopier le bullshit des autres.

Et pour couronner le tout, le document envoyé par le ministère de l’Éducation Nationale a été modifié a posteriori : créé le 29 avril 2020 (la mission de McKinsey se terminait en juin 2020), le fichier pdf a pourtant été modifié le 4 avril 2022. Impossible évidemment de savoir quels passages ont été modifiés, mais l’œil aiguisé de David Libeau a repéré un indice : “Le paragraphe «L’amélioration du climat scolaire» commence par une énigmatique lettre «o». Selon moi, le rédacteur a copié la liste à puce du rapport de Yann Algan qui s’est transformé en «o» dans le texte. Ce comportement est assez fréquent quand on tente de faire des copier-coller.” Le rapport de McKinsey, déposé en 2020, aurait donc plagié un texte qui n’était pas encore écrit à cette date ? On imagine plutôt les collaborateurs du cabinet de conseil tenter en urgence de combler le failles de leur travail et faire croire à leur sérieux, sachant que le rapport serait regardé sous toutes les coutures. Il fallait bien justifier les 500 000 euros d’argent public.


On savait que la clique McKinsey était composée de néo-libéraux corrompus qui pondaient des rapports imbuvables pour justifier des politiques inhumaines, on peut ajouter que ce sont des tricheurs incapables de réaliser un plagiat correct.


Notre article sur le système McKinsey :

Les trois documents sont ici :

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