Nantes, 28 mars : « Le peuple veut la chute du régime »


La semaine dernière, toute l’agglomération nantaise a été bloquée, des cortèges de colère ont eu lieu nuit et jour, les barricades ne se comptent plus, une compagnie entière de CRS a été «relevée» après avoir été neutralisée par une foule de syndicalistes, de lycéen-nes et d’autonomes.


Ce mardi, une nouvelle journée massive a lieu, où la ville semble reprendre ce slogan des révolutions arabes : «le peuple veut la chute du régime», inscrit sur les murs. À 7h, des points de blocages enflammés illuminent déjà le périphérique. Des kilomètres de bouchons, des petits-déjeuners sur la route et, chose plus exceptionnelle encore, des automobilistes bloqués qui viennent soutenir la paralysie de la ville !

10h30, des milliers de personnes se retrouvent de nouveau au Miroir d’eau. Départ en cortège, toujours aussi massif que diffus, débordant, le cortège de tête immense mêle toutes les composantes de la lutte et énormément de lycéen-nes et d’étudiant-es. En son sein, un camion crache de la techno, suivi par des teufeurs et teufeuses. Derrière, une file de tracteurs arbore des pancartes anticapitalistes. Le triptyque «ouvriers, paysans, étudiants» qui avait été la marque du Mai 68 de Nantes se renforce de nouveau.

Les tags sont innombrables et les murs commencent à saturer. S’il y a bien une grève qui embellit la ville, c’est celle des nettoyeurs de tags. Deuxième victoire du mouvement : les lignes de policiers qui enserraient le cortège et n’arrêtaient pas de le découper et de l’attaquer au début du mouvement se tiennent à distance. Il a fallu une détermination acharnée pour se défaire de cette emprise. Il y a désormais des centaines, voire des milliers de personnes prêtes à se défendre. «La rue est à nous», crie-t-on dans les manifestations.

Plus loin, la préfecture a vidé le parking Gloriette de toutes ses voitures pour y organiser un champ de tir : c’est sur cette esplanade dégagée en bord de Loire que doit se finir la manifestation. Alors un feu est allumé à Commerce, pour tenir la rue. Pendant qu’une barricade se monte plusieurs caméras de surveillance sont mises hors-service. Des grimpeurs tentent, tour à tour, de monter au sommet d’un poteau pour repeindre l’objectif. Ça rigole, ça acclame.

Des affrontements éclatent un peu plus loin, à l’angle du commissariat. Un énorme blast résonne. Comme à Sainte-Soline, les CRS ont tiré des grenades explosives GM2L, en pleine ville. C’est la nouvelle doctrine : répondre aux premiers jets de projectile par des munitions mortelles.

Le commissariat est totalement tagué de slogans sur Sainte-Soline, repeint, ses vitres cassées. Juste à côté, un feu est allumé devant la BNP, banque actuellement poursuivie pour fraude fiscale géante. Les affrontements vont durer, et de nombreux syndicalistes tiennent la rue, restent solidaires. Le cortège est énorme et continue de passer malgré les lacrymogènes. Une autre barricade, impressionnante, flambe rue Gaston Veil. Puis une voiture est retournée. Le ciel est noir. Le tribunal Administratif est de nouveau pris pour cible.

De grosses charges repoussent tout le monde vers le quai de la Fosse, où un grand nombre de barricades brûlent déjà. Les CRS coupent le cortège au niveau des tracteurs et gazent les paysans. Pendant une heure, des affrontements ont lieu pour réunir la manifestation et permettre aux tracteurs et à la queue de cortège d’avancer. Chose finalement réalisée malgré plusieurs blessé-es par des tirs en direction du pont Anne de Bretagne, et un homme tabassé au sol lors d’une charge. Les tracteurs rejoignent la foule sous les acclamations. C’est joyeux, combatif. Du pont, on aperçoit des feux allumés le long du quai et en remontant vers les beaux quartiers : des petits groupes passent à l’action.

Des milliers de personnes repartent vers le centre-ville. La police est totalement débordée. Où que l’on regarde, des panaches de fumée indiquent des barricades. Affrontements rue de Strasbourg, puis au Miroir d’eau. La foule est repoussée dans le quartier de la Cité des Congrès. Devant le lieu unique, le pont est barré par un brasier. Aux Olivettes, des dizaines de barricades brûlent aussi. Devant la préfecture, des enseignant-es font du tri sélectif en amenant des tas de sacs poubelle. Place du Bouffay, la police intervient violemment, une voiture de police municipale renverse quelqu’un. Un véhicule de la police nationale est recouvert de poubelles et dégonflé.

Il est 18h, et Nantes est indomptée depuis l’aube. La presse signalera des feux de poubelles jusqu’à minuit passé.

49 personnes ont été arrêtées, un bilan très lourd, qui s’ajoute aux dizaines d’interpellations des derniers jours. Pour la taille de Nantes, c’est énorme, et probablement le plus lourd ratio d’arrestations par habitant de France. Conseils : partez ensemble, restez groupés, les arrestations de masse ont lieu en fin de manifestation. Si la situation est compliquée, débarrassez-vous des affaires compromettantes. Au poste, rien à déclarer. Surtout, tenez bon et prenez soin de vous !


Photos : Kydam Piécassé, Elsa Gambin, Estelle Ruiz, presse locale, CA.


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