Manifestation familiale hier soir. Une casserolade souriante et calme de 500 personnes, qui n’a pas empêché la police de déployer une violence extrême. Et de mutiler un homme de 37 ans à tout jamais. Explications et témoignage :
Ce matin, un ami du blessé nous contacte : «Il sort du bloc , il a subi l’ablation d’un testicule». Il ajoute que des policiers montent la garde devant sa chambre et que les visites sont interdites. Cet ami nous demande de visibiliser l’affaire et de recueillir des témoignages.
Le tir de LBD a eu lieu vers 22h30, en face de la préfecture, devant la boulangerie Becam. Plusieurs personnes témoignent des circonstances du tir, toutes décrivent une attaque soudaine, violente et gratuite sur les derniers manifestant-es :
L. explique : «La BAC a fait une descente au moment du tir hier. On s’est réfugiées dans un restaurant parce que la police voulait faire des interpellations. Ils étaient vraiment en mode “faire du chiffre”, alors que c’était CALME. Tellement calme qu’avec ma camarade on est parties juste avant. Rien ne justifiait le tir. Rien.»
Y. nous raconte : «j’étais présente à la fin de la casserolade mais je n’ai pas tout vu en détails. Il a été pris en chasse par une dizaine de policiers et plaqué au sol ensuite. Il a crié vraiment fort et les pompiers sont arrivés. En tout cas ce qui me paraît important c’est que la fin de la casserolade était totalement pacifique et les CRS sont arrivés pour aucune raison valable, ils étaient 3 fois plus nombreux que les manifestants sur le rond point et il n’y a eu aucun débordement».
C. : «J’étais présent hier soir lors de l’interpellation. Nous étions encore une quarantaine devant la préfecture à manifester pacifiquement avec de la musique. Tellement que la plupart des flics sont partis, il ne restait plus qu’une ligne à bloquer la rue de Strasbourg. Des policiers ont avancé très vite vers nous et ont couru. Un agent de la BAC a effectué une très violente balayette sur l’interpellé, et l’a projeté au sol alors qu’il ne représentait pas une menace. Je pense que le tir a été réalisé à ce moment là mais je ne m’en suis pas rendu compte. La réponse était totalement disproportionnée car nous n’étions pas nombreux, et le tireur était forcément à proximité directe. Je peux confirmer que la manifestation était totalement pacifique.»
V. : «Nous sommes parti à la toute fin, vers 22h20, quand la police a fait dégager tout le monde du rond-point. On a vu les flics au dernier moment. On a vite décollé. Ils étaient à 5 ou 10 mètres derrières nous, à hauteur de l’arrêt de bus 50 Otages. Ils sont tombés sur un type à côté de moi. Le gars était sur son portable, et j’avais vu distraitement. Pourquoi lui et pas nous ? Ça avait l’air arbitraire. Ça nous a un peu foutu la trouille, ils agitaient leurs matraque autour d’eux, alors on s’est dispersé. Mais en me retournant j’ai vu que les flics traînaient à même le sol le type par les deux bras. Je ne savais pas s’il était passif ou bien dans les pommes.»
I : «J’étais présente à la fin du rassemblement hier soir. Nous étions une petite trentaine, la BAC s’est avancée vers les dernier-es danseur-euses et tout le monde est donc parti. Derrière moi, quelques slogans et la BAC qui charge. En effet lors d’une interpellation nous avons entendu le tir d’un LBD.»
B. : «Quand on s’est fait chasser a la fin. quand on s’est mis a courir en partant (car chargé par la bac ) ils ont tiré 2 fois au LBD, je ne pensais pas que quelqu’un avait été touché.»
La police nantaise vient encore de bouleverser la vie d’une personne. Durant cette casserolade, les forces de l’ordre semblaient sur les dents, frustrées par le calme de la manifestation, attendant d’en découdre, mettant en joue à hauteur de tête. Les policiers ont attendu que les journalistes et les élus soient partis pour se déchaîner.
À Rennes jeudi 23 mars, un homme était gravement blessé à l’entrejambe par un tir de LBD. Il a perdu un testicule. Dès la première manifestation contre la réforme des retraites, un photographe avait été matraqué à l’entrejambe par un policier. Il avait aussi perdu un testicule. C’est donc la troisième mutilation génitale connue ces dernières semaines. Ajoutons à cela les étudiantes agressées sexuellement lors de fouilles au corps à Nantes et le manifestant qui a été «attrapé par le sexe» lors d’une intervention de la BRAV-M à Paris. Difficile de voir dans ces actes de simples coïncidences.
La police brise physiquement et humilie moralement. Viser les parties intimes, agresser sexuellement, est une manière de détruire symboliquement une personne. Avant cela, on se souvient du jeune Théo, violé à coup de matraque à Aulnay-sous-Bois en 2017, ou les 18 adolescent-es d’un quartier populaire de Paris qui avaient dénoncé des doigts dans les fesses et attouchements sexuels lors de contrôles de police en 2015. Il y a une dimension militaire et masculiniste dans ces crimes. Porter l’uniforme fait de ces hommes des violeurs en puissance.
Nous apprenons cet après-midi que l’homme mutilé hier soir à Nantes n’est plus surveillé par les policiers. Nous lui adressons tout notre soutien. Si vous avez des images du tir, écrivez-nous, nous lui transmettrons pour l’aider dans sa défense.