Blocage de la SCA Ouest, un appel au secours de la paysannerie face à la mondialisation agricole : les derniers paysans de Loire-Atlantique résistent tant bien que mal. Explications par un paysan engagé dans le mouvement
Lundi 29 janvier, quelques paysan-nes de la Conf’ 44, GAB 44 – Groupement des Agriculteurs Bio – Civam 44 – groupes d’agriculteurs et de ruraux qui travaillent ensemble à la transition agro-écologique – et asyndiqué-es parviennent à bloquer les accès de la SCA Ouest, grande centrale d’achat Leclerc.
Cette action visait un acteur privilégié du monde des grandes surfaces et dont les dirigeants sont les amis des leaders de la FNSEA. Tous, sans exception ni scrupule, s’enrichissent sur le dos des agriculteurs et consommateurs. Les premiers agriculteurs sur place seront rejoints, dès le lendemain, par de nombreux collègues. Le mardi après midi, la décision d’ouvrir aux soutiens extérieurs à la profession, a été voté en AG sur le blocage, renforçant le nombre de personnes sur place en journée et soirée pour tenir le blocage.
Pendant 5 jours, le site restera fermé à toute expédition, impactant directement le chiffre d’affaire et l’image de Leclerc. Tout était prévu sur place pour dormir avec des lits de paille dans les bétaillères, se restaurer avec des petits plats, soupes et un barbecue assuré en quasi continu, et bien entendu de quoi s’hydrater, le tout dans un esprit de bienveillance. Il y avait parfois, en début de soirée, jusqu’à plusieurs centaines de personnes présentes, d’horizons divers, mais échangeant toutes sur l’agriculture. Un sujet passionnant parce que nous en sommes tous et toutes dépendantes à différents niveaux.
De nombreux-ses paysan-nes étaient présent-es pour faire reconnaître le métier à travers différentes revendications. La proposition d’équilibrer le revenu agricole, l’expression des conséquences du libre échange sur le marché même local autant de messages à faire passer aux dirigeants.
La paysannerie est indispensable au maintien du tissu social rural. Elle est aussi garante de la sauvegarde du paysage, des haies, du bocage et de toute la biodiversité que ces espaces recèlent. En laissant gagner du terrain au modèle productiviste prôné par certains de la profession et chefs d’organisations syndicales, tout jusqu’à la relation entre le producteur et ses consommateurs sera rompu. Les dernier-ères paysan-nes et les soutiens ont donc pu échanger longuement sur cet engrenage de la mondialisation et de son impact sur le métier d’agriculteur et de la responsabilité des gouvernements et industriels dans l’anéantissement du modèle paysan.
Rappelons ce que c’est d’être Paysan. D’abord, un métier de passion, quelque soit le type de produits élaborés sur la ferme. C’est un travail de plein air, mais où les contraintes sont nombreuses. Peu de vacances, de l’appréhension quant à une météo toujours incertaine, mais aussi face aux problèmes divers rencontrés au jour le jour et que seul-e, ou presque, l’agriculteur-ice peut résoudre. C’est donc devoir faire preuve d’une grande polyvalence dans les tâches à accomplir pour assurer sa production dans de bonnes conditions de travail tout en limitant ses dépenses.
Arrivent ensuite les annonces du premier ministre, jeudi 1er février, et l’obtention de quelques revendications émises par la FNSEA. Rien sur le revenu des agriculteur-ices ou les questions du libre échange, avec un recul aberrant sur les efforts engagés, même par les politiques, pour le maintien d’une agriculture biologique et durable. Plan éco-phyto mis en pause, facilitation du productivisme agricole tout est fait pour finir de tuer le monde paysan et ce qu’il apporte de si précieux aux campagnes. Standardisation, homogénéisation : plus rien n’échappera à l’industrialisation et à la numérisation du monde agricole si rien n’est fait dès aujourd’hui.
Les personnes qui étaient présentes sur le blocage de la SCA Ouest étaient très conscientes de ce problème. Pour cette raison, elles préviennent des répercussions que ces annonces pourront avoir, pas seulement sur le monde agricole. La population sera aussi directement impactée, à moyen terme, au niveau de la santé. Soit par une régression de la qualité de la nourriture (provoquant carences et cancers) soit par celle de la qualité de l’eau. Celle-ci n’a en effet jamais vu sa qualité autant détériorée, jusqu’à devenir impropre à la consommation. Cela devient d’ailleurs un sujet de plus en plus préoccupant dans certaines communes de l’hexagone.
Ce que proposent donc les paysan-nes qui étaient présent-es sur le blocage, c’est un choix de consommation pour tout le monde, plus respectueux du vivant et des ressources qui nous maintiennent en vie et en bonne santé. La réponse du gouvernement, une fois que la FNSEA a fini de lever ses barrages, n’aura pas traînée et démontrée une étroite complicité de ce syndicat avec les groupes industriels. Dès 7h, un dispositif très impressionnant de maintien de l’ordre et de plusieurs brigades de gendarmerie arrive sur place et nasse l’ensemble des agriculteur-ices présent-es.
De nombreuses personnes sur place témoignent de la tentative d’intimidation claire du gouvernement de faire taire la voix de la paysannerie. Le prétexte avancé étant une atteinte possible à l’ordre public dans une impasse vide, d’une zone industrielle ou tout le monde est pacifique et vit ce moment malgré tout dans la bonne humeur. Le plus tragique étant que cette répression sert aussi, en criminalisant la situation de sortie, à empêcher les revendications d’être d’entendues par le gouvernement et la population.
Après plus de deux heures de négociations afin d’empêcher les forces de l’ordre de relever les identités des personnes présentes, le blocage a été levé. La tentative d’un gouvernement de marginaliser les paysan-nes et leur assigner, une fois de plus, le statut d’écoterroristes, ne lui aura non seulement pas servie, mais lui aura fait du tort au vu des nombreux soutiens émanant de la population après cette expulsion contraire à ce qu’ont connu les membres de la FNSEA.
À la fin, il restera un goût amer de défaite face à la surdité du gouvernement quant aux revendications paysannes. Mais d’avoir mis en difficulté un des acteurs majeur du capitalisme et provoquer une pénurie dans les rayons des Leclerc du grand Ouest permet à tout le monde de repartir, malgré tout, la tête haute. Renforçant aussi la détermination du mouvement paysan et de tous ses acteur-ices pour continuer à résister face à la mécanique de mort du capitalisme.
À lire sur le sujet :
Une réflexion au sujet de « Retour sur le blocage paysan de la centrale Leclerc près de Nantes »
Paysan.ne.s, salarié.e.s, chômeurs , retraité.e.s, étudiant.e.s ,exilé.e.s
Bloquons tout, bloquons l’ensemble des flux logistiques, c’est là que se trouve le véritable pouvoir, l’économie ne tiendra pas 15 jours et la mafia d’etat au service du 1% (les riches) se retrouvera le cul dans la bouse