Plus de 70.000 € à payer à des policiers pour un jet de pétard qu’il dément


La vie des victimes de la répression vaut moins cher que les prétendus acouphènes de policiers


Des policiers ultra-protégés, mais avec des oreilles sensibles aux pétards.

La décision délirante est tombée le 18 mars 2024, à Toulouse. Un homme devra payer 76.430 euros de dommages et intérêts à dix policiers pour un jet de pétard présumé en 2016.

Les faits reprochés remontent au 2 juin 2016, il y a 8 ans. À la fin d’une manifestation contre la Loi Travail du gouvernement Hollande, des policiers auraient reçu des pétards, et se sont plaint de troubles de l’audition.

Maxime, intermittent du spectacle et militant associatif, est arrêté. Les policiers le désignent comme le jeteur du pétard, ce qu’il nie catégoriquement. Mais, sur la seule foi des déclarations policières, il est condamné à trois mois de prison avec sursis.

Tout aurait pu s’arrêter là. Mais les agents profitent de cette condamnation pour réclamer des dommages et intérêts. Deux d’entre eux parlent «d’importants troubles auditifs», les 8 autres d’acouphènes. Rappelons que les grenades envoyées par les forces de l’ordre par milliers sur les manifestants non protégés font infiniment plus de bruit et de dégâts que les plus puissants des pétards.

Le 8 décembre 2020, le tribunal de Toulouse condamne Maxime à payer 81.950 euros de dommages et intérêts. Celui-ci fait appel. Le jugement définitif vient de tomber : plus de 75.000 euros à payer. Plus de 7.500 euros par policier. Un endettement insurmontable, pour un pétard qu’il dit n’avoir jamais jeté !

Quasiment au même moment, la justice refusait d’indemniser Vanessa Langard. La jeune femme a été gravement mutilée au visage par un tir de LBD le 15 décembre 2018, lors de l’acte V de la mobilisation des Gilets jaunes à Paris. Le tir a failli la tuer, a provoqué une hémorragie interne dans sa boite crânienne, elle a du subir de lourdes opérations, et souffre encore de multiples séquelles : en plus de la perte de son œil gauche, l’impact de la balle a provoqué une nécrose cérébrale définitive qui lui cause de l’épilepsie, des douleurs, des troubles de la concentration, de l’odorat…

Le rapport d’expertise balistique a confirmé que «le tir de LBD était parfaitement injustifié et illégitime». Vanessa reste traumatisée, et vit aujourd’hui dans une situation extrêmement précaire.

Pourtant le 4 avril, l’institution judiciaire a décidé qu’aucune somme ne sera versée à la victime. Vanessa a même du rembourser une avance de 1000 euros ! Et près de 6 ans après les faits, aucune date de procès, ni même de poursuites contre le tireur n’est garantie.

Ce deux poids deux mesures est généralisé. Les policiers arrondissent souvent leurs fins de mois en portant plainte pour «outrage», «rébellion» ou «violences» contre leurs victimes, ce qui leur permet facilement d’obtenir des dommages et intérêts devant les tribunaux, puisque seule leur parole est prise en compte.

Nous avons vu à Nantes de nombreux procès avec de lourdes sommes à payer de la part des personnes jugées, pour des «violences sans ITT» sur des policiers. Concrètement, les agents disent avoir «vu» un projectile de manifestant tomber devant eux, ce qui serait selon eux une «violence» qui ne les aurait pas atteint. Et qui leur rapporte plusieurs centaines d’euros à payer par le manifestant mis en cause, généralement interpelé au hasard et désigné ensuite comme le lanceur par les agents.

Comme Vanessa, de nombreux autres mutilés par la police attendent toujours des réparations financières, à défaut de faire condamner celui qui a détruit leur vie. En décembre 2022, Laurent, syndicaliste mutilé en 2016 à Paris a vu le tribunal acquitter le CRS qui lui avait arraché l’œil avec un tir de grenade, malgré des preuves accablantes et les aveux du tireur lui même. Il a fallut 6 ans d’attente pour un procès qui a finalement validé l’impunité du policier, qui profite aujourd’hui d’une généreuse retraite, alors que Laurent n’a jamais eu d’indemnisation.

Autre exemple, celui de Rémi Fraisse, ce jeune écologiste, a été assassiné par l’explosion d’une grenade tirée par un gendarme sur le site de Sivens, en octobre 2014, alors qu’il protestait contre un projet écocidaire. Il a fallu attendre 2021 pour que la justice décide d’indemniser sa famille à hauteur de… 46.400 euros. Le gendarme responsable, identifié, n’a jamais été inquiété. La justice a mis 7 ans à concéder que les proches d’un jeune homme tué perçoivent la moitié de ce que vont toucher des policiers pour de simples acouphènes !


Au pays des Droits de l’Homme, certaines vies valent décidément plus que d’autres. Et tous les corps n’ont pas le même prix.


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