Le choc bloc contre bloc


Constitution d’un grand pôle néofasciste, Front Populaire, fin du macronisme : analyse et perspectives


Ciotti et Le Pen forment le bloc bourgeois et néofasciste

Avec la dissolution de l’Assemblée Nationale, Macron ne laisse qu’un champ de ruines après avoir pulvérisé tous les repères politiques. Il offre aussi un grand moment de clarification. Nous allons vivre un choc bloc contre bloc. Bloc néofasciste, soutenu par la bourgeoisie et l’appareil médiatique, contre bloc populaire et social. Analyse :


Implosion des Républicains

On peut rigoler des guignolades au sein du parti Les Républicains. Ciotti le corrompu chauve qui s’enferme dans son bureau, qui donne des interviews depuis sa fenêtre et verrouille le compte Twitter du parti, pendant que ses anciens camarades le destituent lors d’une réunion sur un trottoir. En réalité, cet épisode qui rappelle les USA de Trump est inquiétant.

Car Éric Ciotti a bien été élu par les militants LR il y a deux ans. La vérité, c’est que la majorité de ce que l’ont appelait la «droite républicaine» plébiscite une ligne fasciste.

Ciotti est un pur produit de la bourgeoisie radicalisée, ultralibérale et sécuritaire du sud-est de la France. Il déclare lui-même que Zemmour est un «ami», que «la racaille doit être éradiquée quoi qu’il en coûte». Il réclame que «que la police puisse tirer à balles réelles» ou encore «je veux un Guantanamo à la française». Il a aussi affirmé que «parler de violences policières, c’est une ignominie», et que «le grand remplacement est une évidence».

Enfin, il souhaite depuis des années l’application de la «préférence nationale», une mesure du FN de l’époque de Jean-Marie Le Pen. «Avec Marine Le Pen et Jordan Bardella, on a 90-95% de points en commun» répétait Guilhem Carayon, porte-parole Les Républicains et proche de Ciotti le 13 juin.

La vérité c’est que sur bien des points, LR est même déjà sur des positions plus radicales que le RN. Et que Valérie Pécresse, la concurrente de Ciotti, présentée comme «plus modérée», est quasiment sur la même ligne. Elle récupérait même le concept de «grand remplacement» lors de la campagne présidentielle 2022. Autre exemple : David Lisnard, considéré comme «mou» au sein de LR, avait notamment affirmé «Il faut remettre le pays en ordre. Ça va prendre 10 ans et il faut le faire de façon clinique, déterminée, froide».

Le psychodrame grotesque en cours occulte complètement ce paramètre : en France, il n’y a plus de droite. La famille politique qui allait de De Gaulle à Chirac a disparu. L’électorat de vieillards qui admiraient Sarkozy est devenu pétainiste. Il regarde Cnews et va voter pour l’extrême droite sans aucune hésitation.

Si LR n’a fait que 5% aux présidentielles, c’est d’ailleurs parce que ses électeurs se sont déjà reportés à l’extrême droite. Ciotti ne fait que prendre acte de cette réalité. C’est pour cela qu’il présente 80 candidats LR avec le RN. Notamment le maire LR de Cholet, Gilles Bourdouleix, qui estimait «qu’Hitler n’avait pas tué assez de Roms», candidat aux législatives avec le soutien du RN. Quant à ceux qui ne rejoignent pas le clan Le Pen, ils finiront, tôt ou tard, chez les macronistes.

Massacre entre fascistes

Au sein de Reconquête, c’est aussi un jeu de massacre. Marion Maréchal a poignardé Eric Zemmour dans le dos mercredi 12 juin, et a appelé à «soutenir les candidats» de l’alliance Ciotti-RN contre ceux présentés par son propre parti.

Pour Zemmour, créature médiatique qui s’est lancée dans l’aventure politique avec le soutien de l’empire Bolloré, cela ressemble à une fin de partie. Invité dans les médias hier, il bavait de rage et s’excitait sur son ancienne camarade, qu’il avait pourtant nommée tête de liste de son parti aux Européennes : «Elle est entourée de professionnels de la trahison ! Ce sont mes militants qui ont fait sa campagne. Au bout de 48h, elle trahit ces gens. C’est le record du monde de la trahison. Elle rejoint le clan familial».

Ici aussi, on peut en rire. Reconquête s’autodétruit. Depuis la Nuit des longs couteaux, les fascistes ont l’habitude de s’éliminer entre factions rivales au gré des alliances du moment. Sauf que cette implosion du Zemmourisme a pour conséquence de renforcer le pôle d’extrême droite.

Nous avons donc désormais une alliance de fait RN-LR-Reconquête, un grand bloc néofasciste. Au premier tour des présidentielles, ces trois partis ont recueilli plus de 35% des voix cumulées. Aux Européennes, cela monte à 44% ! Il est déjà quasiment majoritaire. Et ce pôle bénéficie du soutien des médias dominants. Depuis l’annonce de dissolution, on ne voit d’ailleurs quasiment qu’eux, dérouler leurs éléments de langage sur tous les écrans, saturant les esprits, inondant le paysage de leurs idées. Voilà pour le bloc néofasciste.

Front contre le bloc populaire et social

Après avoir colporté les pires diffamations contre la France Insoumise depuis des mois, les partis de centre-gauche ont finalement décidé de s’unir avec le mouvement de Mélenchon dans le cadre d’un nouveau Front Populaire. Le PS en sort grand gagnant : il se taille la part du lion, alors qu’il ne représentait plus rien il y a encore 2 ans.

Un nouveau bloc «populaire et social» est donc constitué, et rivalise dans les sondages avec celui des néofascistes – plus ou moins 30% de chaque côté. Cette «unité» réveille les espoirs à gauche, et le sigle «Front populaire» rappelle les heures glorieuses de l’antifascisme.

Mais ce bloc fait face à une double adversité majeure. Celle des médias d’abord : pendant trois semaines, le Front Populaire va subir un pilonnage d’une violence absolue de la part de BFM, Cnews et des chaînes de service public pour le traîner dans la boue, diviser, diffamer au maximum. La campagne a déjà commencé, avec des accusations en boucle d’antisémitisme.

En répétant mille fois le même mensonge, les médias en ont fait une vérité dans la tête des gens. Et quand une personnalité de gauche est invitée, elle ne peut jamais terminer la moindre phrase. Le message envoyé tous les jours aux millions de personnes qui regardent la télé, c’est que Le Pen est moins inquiétante que le Parti Socialiste !

À mesure que les fascistes sont présentés comme sympathiques et souriants, le centre-gauche est diabolisé comme jamais. La bourgeoisie qui possède les médias a clairement fait son choix : elle désire ardemment l’extrême droite au pouvoir.

De même, tout le pôle macroniste a décidé : ce sera Hitler plutôt que le Front Populaire. «Un face-à face entre un élu RN et un élu LFI, qui vous choisissez ?» demande un journaliste à Karl Olive, député macroniste. Sa réponse : «J’espère ne pas avoir à choisir. En tout cas je ne voterai pas La France Insoumise».

Yaël Braun-Pivet déclarait dès lundi, et à mots à peine voilés, qu’elle avait proposé à Macron un accord de gouvernement avec le RN plutôt qu’une dissolution. Le 12 juin, Darmanin se pressait sur le plateau, ouvertement d’extrême droite, de Cyril Hanouna, pour déclarer : «Sur le nombre d’expulsions, nous sommes les premiers en Europe, mais est-ce suffisant ? Bien sûr que non. Nous continuons d’accélérer».

Du côté de ce qu’il reste de la «droite républicaine» : elle votera Le Pen sans hésiter. Le candidat LR François Xavier Bellamy, lorsqu’on lui demande «Un candidat du front populaire face à un candidat du Rassemblement national ?» répond : «Je voterai bien sûr pour un candidat du Rassemblement national», puis «le vrai danger pour la France, c’est l’arrivée au pouvoir de Jean-Luc Mélenchon».

La fin du macronisme

Macron a autodétruit son mouvement. Il offre l’occasion rêvée à tous ceux qui veulent sanctionner sa politique, unanimement rejetée, de le sanctionner. Selon une étude du Figaro, sur la base des résultats du 9 juin, 536 duels sur 577 au législatives pourraient opposer le Rassemblement National au Front Populaire lors des prochaines élections législatives. Ainsi, les macronistes sont «menacés de disparition». Peut être espèrent-ils ainsi demander une coalition avec le RN ?

Et après ?

Trois scénarios sont possibles. Le plus probable est un Parlement dominé par l’extrême droite avec un Premier Ministre RN dans trois semaines, et il faut d’ors et déjà acter que nous basculons dans le néofascisme en France.

Assez probable, une Assemblée ingouvernable, sans majorité absolue, avec un grand groupe Front Populaire, un autre d’extrême droite, et des jeux d’alliance au centre. Ce sera l’entrée dans une période de chaos et d’incertitude où tout sera possible : une insurrection, un coup d’État militaire, l’état d’urgence…

Enfin, le moins probable mais le plus souhaitable, une majorité pour le Front Populaire. La gauche réussirait, miraculeusement, à renverser la vapeur, vaincre la propagande médiatique écrasante, à trouver des réserves de voix pour gagner les législatives face au bloc d’extrême droite. Nous entrerons quand même dans une période extrêmement incertaine.

Nous sommes dans un pays où des syndicats policiers d’extrême droite disent «nous sommes en guerre», appellent à exterminer les «nuisibles» et haïssent la gauche, où des généraux ont signé des tribunes menaçant Macron de coup d’État, où des fascistes s’arment et agressent en toute impunité. Les leviers de l’État sont déjà largement contrôlés par l’extrême droite.

Le Front Populaire au pouvoir, c’est un risque très élevé de destitution, de scénario à la chilienne – un coup d’Etat contre un gouvernement de gauche après deux ans de troubles alimentés par la droite…


Quel que soit le scénario, un mouvement social puissamment organisé, équipé et discipliné, devra se constituer pour faire face à ces éventualités.


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