Dominique De Villepin est-il devenu «islamo-gauchiste» ?

Dominique De Villepin fait les titres de la presse d'extrême droite : il n'a pourtant pas bougé idélogiquement, c'est la classe politico-médiatique qui s'est brutalement fascisée

Dominique de Villepin est la cible des médias de droite. Depuis plusieurs mois, il appelle à un cessez-le-feu à Gaza. Le week-end dernier, il s’est rendu à la Fête de l’Huma, et a expliqué de façon tempérée son étonnement concernant les choix anti-démocratiques de Macron. Puis, invité sur France Inter, il a répété sa stupéfaction face à l’absence de condamnation par la France des crimes commis par Israël.

Rien de bien radical, juste des positions de bon sens. Mais il n’en fallait pas plus pour déclencher la fureur des chiens de garde. Le 16 septembre sur Europe 1, l’éditorialiste Yvan Rioufol s’excite : «Les masques tombent, Villepin se mélenchonise, Mélenchon est dans le corps de Villepin ! Il parle comme Mélenchon. Vis à vis de Gaza, il y a un tropisme pro-arabe qui le rend inaudible dans ses analyses !»

Villepin bientôt traité d’islamo-terroriste d’ultra-gauche. Le chroniqueur poursuit, comme halluciné : «D’ailleurs, Chirac n’avait rien de droite !» Ces gens vivent dans une réalité parallèle. On notera qu’un des arguments de l’extrême droite pour se dédiaboliser en 2022 était d’affirmer que son programme était comparable à celui du RPR de Chirac. Maintenant, Chirac est quasiment traité de gauchiste. Pour la cohérence, on repassera.

L’hebdomadaire Le Point participe à la salve : «Une agence de presse proche du Hamas plébiscite Dominique de Villepin». Un titre malhonnête bourré de sous-entendus. Le média réactionnaire Causeur écrit : «Dominique de Villepin, l’homme de droite préféré de l’extrême gauche». Et le JDD déplore que l’ancien Premier Ministre soit devenu «le chouchou de la gauche».

Rappelons une évidence : De Villepin est un politicien de droite au service de la bourgeoisie et l’a toujours été. Le Contrat Première Embauche qui organisait la précarité des jeunes, et qui a été combattu dans la rue en 2006, c’était lui. L’état d’urgence lors de la révolte des banlieues en 2005, c’était lui. Les privatisations d’entreprises publiques, également. La politique impérialiste de la France en Afrique, c’était toujours De Villepin.

En fait, Dominique De Villepin n’est pas devenu plus «à gauche» comme par magie. Il n’a simplement pas bougé idéologiquement, dans un pays où le discours médiatique et l’échiquier politique se sont brutalement extrême-droitisés. Ne pas tenir de propos racistes, émettre une réserve sur Netanyahou ou s’interroger sur l’alliance d’un président avec le RN est désormais considéré comme suspect. Il y a encore quelques années, c’était la position «normale» et «républicaine», y compris à droite.

Puisque tout est fait pour fabriquer l’oubli, il faut rappeler qu’en 2002, Chirac a tout simplement refuser de débattre avec Jean-Marie Le Pen, pour ne pas offrir de tribune à un héritier du pétainisme. Sous son mandat, malgré tous les reproches qu’on pouvait lui faire, la France ne s’est pas engagée dans la guerre en Irak déclenchée par les USA. C’est d’ailleurs De Villepin qui avait fait un célèbre discours en 2003 contre cette guerre à l’ONU, l’un des rarissimes moments où il était possible de ne pas rougir de honte d’être né en France. À l’époque, personne ne trouvait normal les crimes d’Israël et l’occupation de la Palestine.

Plus tôt, en 1996, Chirac s’était rendu à Jérusalem, et était encerclé par des policiers israéliens qui empêchaient les palestiniens de s’approcher de lui. Devant les caméra, il avait sèchement recadré les agents israéliens, leur criant dans un anglais approximatif qu’ils faisaient de la «provocation», et que s’ils continuaient à maltraiter les palestiniens devant lui, il «repartait dans son avion». Ce jour là, Benjamin Nétanyahou avait présenté ses excuses au président français, qui n’était pas encore un paillasson de l’impérialisme US.

Puis Sarkozy et le Parti Socialiste ont tous rejoint la ligne de plus en plus militariste, sioniste et atlantiste que nous connaissons. À tel point qu’aujourd’hui, la France est l’un des pays qui défend le plus férocement Netanyahou. Il est probable que les positions de Chirac il y a 20 ans seraient qualifiées d’antisémites et de terroristes en 2024.

De Villepin n’est donc pas le symptôme d’une gauchisation, mais au contraire d’une fascisation du champ politique sur tous les sujets. Le nouvel “arc républicain” a exclu les insoumis, puis le centre-gauche, et se limite désormais à un petit axe allant de Darmanin au RN.

Sur la question israélienne mais pas seulement, Macron a mené depuis 7 ans une politique beaucoup plus à droite que Sarkozy, tout en se présentant centriste. Désormais, il s’allie avec un parti que tout le monde ou presque considérait comme nazi il y a à peine 20 ans.


En comparaison, une fripouille comme De Villepin paraît infiniment plus digne, cultivée et respectable que la classe politique actuelle. C’est dire la dégringolade.


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