Macron insulte les haïtiens : 200 ans de mépris colonial


«Ce sont les Haïtiens qui ont tué Haïti […] Ils sont complètement cons».


Macron à Rio lance à un passant qui l'interpelle : «Ce sont les Haïtiens qui ont tué Haïti [...] Ils sont complètement cons».

Ce sont les mots lancés par Emmanuel Macron au Brésil, lors de son déplacement au G20 à Rio. Il s’adressait ainsi, avec mépris et grossièreté, à un Haïtien qui l’accusait, lui et la France «d’être responsables de la situation» dans le pays, actuellement en proie au chaos.

Depuis la défaite monumentale des macronistes aux élections, suivie d’une dissolution pour placer l’extrême droite au pouvoir, puis d’une deuxième défaite électorale et d’un coup de force anti-démocratique, on n’entend plus beaucoup Macron s’exprimer publiquement. Cette fois, on le retrouve à l’autre bout du monde, fidèle à lui-même, insultant un peuple entier.

Les propos de Macron ne sont pas seulement scandaleux, ils s’inscrivent dans une histoire longue, issue de plusieurs siècles de colonialisme, de racisme et d’ingérence française. Haïti est une République des Antilles peuplée de 11 millions d’habitants. Un pays né de la première Révolution Noire victorieuse contre les colons français et les esclavagistes en 1804. Depuis, ce petit pays appauvri a subi les représailles françaises, la domination des USA, une série de dictatures féroces et des drames humains effroyables. Le pays est aujourd’hui dans une situation de quasi-guerre civile, et son horizon semble bouché.

Revenons en arrière, pour comprendre en quoi le passant Haïtien qui a interpellé Macron a raison. Jusqu’à la Révolution française, Haïti fait partie d’une île appelée Saint-Domingue. C’est un territoire où les colons ont exterminé les peuples autochtones puis ont importé des centaines de milliers d’esclaves arrachés aux terres d’Afrique, pour y être exploités et enrichir l’Empire français.

Haïti est le premier État Noir à se libérer du colonialisme. Toussaint Louverture naît esclave en 1743 dans la colonie, et il est affranchi vers l’âge de 30 ans. Pendant la révolution française, un soulèvement d’esclaves éclate en 1791 à Saint-Domingue et abolit l’esclavage sans attendre. C’est la première grande révolte victorieuse contre le colonialisme de l’histoire. Toussaint Louverture et ses camarades gagnent contre l’un des plus grands empires de l’époque. Le 3 juillet 1801, Toussaint Louverture proclame l’autonomie d’Haïti.

Napoléon, qui a pris le pouvoir en France et liquidé la Révolution française, envoie ses troupes sur l’île, met fin à la Révolution haïtienne. Il rétablit l’esclavage et arrête Toussaint Louverture pour en faire un exemple. Celui-ci meurt en détention le 7 avril 1803, dans un cachot glacé du Jura, sans avoir pu connaître la proclamation officielle de l’indépendance d’Haïti, qui aura lieu le 1er janvier 1804.

Car dans son pays, la guerre a repris et les troupes françaises ont été défaites pour de bon. Saint-Domingue prend définitivement le nom d’Haïti : «Ayiti» était le nom ancestral que lui donnaient les autochtones avant la colonisation. C’est la première République Noire du monde, et le premier État indépendant des Caraïbes. L’Empire français se vengera : Haïti est libre, mais devra payer une dette colossale à la France pendant des décennies – jusqu’en 1950 ! – ce qui l’empêche de se développer. La France y prélève notamment de lourdes taxes sur le café pendant plusieurs décennies.

Le calvaire de ce territoire ne s’arrête pas là. Haïti se situe au large des États-Unis, puissance qui va dominer le monde et étendra son contrôle sur tout le continent américain. Les USA vont faire du pays une quasi-colonie au XXème siècle : ils y placent des dictateurs féroces qui pillent leur peuple.

Parmi eux, François Duvalier, qui s’accorde les pleins pouvoirs à partir de 1958 et se proclame «président à vie» en 1964. Il bénéficie du soutien des États-Unis, sur fond de guerre froide. L’île voisine, Cuba, vient de connaître une Révolution socialiste, et les USA veulent absolument éviter qu’Haïti, terre réputée pour son insoumission, ne bascule du côté du bloc de l’Est. Ça tombe bien, Duvalier est un anti-communiste absolu. Il obtient donc la protection et l’appui matériel des USA.

La milice du régime, surnommée les «tontons macoutes», des groupes armés qui font régner la terreur dans la population et assassinent les opposants, sont carrément formés par la CIA. Il s’agit d’un groupe paramilitaire de 5.000 à 10.000 membres, inspiré des chemises noires de l’Italie fasciste. Alors qu’Haïti est très pauvre et qu’une partie de la population souffre de famine, Duvalier va détourner des millions de dollars d’aide humanitaire jusqu’à sa mort, dont 15 millions de dollars par an des États-Unis qui ne trouvent rien à redire. Comble du cynisme, le dictateur transfère directement l’aide internationale sur ses comptes personnels.

Le fils de Duvalier, Jean-Claude lui succède en 1971. Le calvaire le poursuit. Ronald Reagan est élu aux USA et soutient lui aussi le régime au pouvoir. Une importante communauté haïtienne d’opposants et d’intellectuels quitte le pays pour le Canada, les USA ou la France. En 1986, une révolte populaire éclate. Le dirigeant, trop instable et corrompu, devient gênant pour les États-Unis qui finissent par lui demander de quitter le pouvoir. Le dictateur déchu quitte l’île dans un avion de l’US Air Force. Direction : la France. Tout un symbole.

Alors que les Duvalier basaient leur pouvoir sur le souvenir des indépendantistes et de la décolonisation, l’ancien dictateur possède un château en région parisienne, payé avec l’argent volé au peuple haïtien, et vit comme un pacha en France avec une fortune estimée à 900 millions de dollars. Au même moment, la misère la plus effroyable touche la population, frappée par la faim et les pénuries.

Aujourd’hui, Haïti est toujours en proie à de graves troubles, après avoir subi une série de catastrophes naturelles – notamment des ouragans qui détruisent les récoltes et des centaines de milliers de maisons – et une misère insoutenable, ainsi que des gouvernements fantoches. Comme si cette terre marquée au fer rouge continuait de porter en elle des souffrances inexpiables.

En 2021, le président en exercice est assassiné par un commando venu d’Amérique Latine. La corruption est omniprésente. Des armes venues des USA voisins inondent le territoire et alimentent les violences entre gangs. Des entreprises étrangères comme Gap, H&M, ou Zara, font fabriquer des vêtements à un prix dérisoire sans payer d’impôts. Des grèves et des révoltes éclatent régulièrement sans trouver de débouché. La faim et la mort règnent à Port-au-Prince pendant que des touristes occidentaux profitent de plages luxuriantes et privatisées.

Depuis deux ans, un ancien policier sanguinaire devenu chef d’une mafia fait régner la terreur et veut renverser le président. Des lynchages extra-judiciaires ont lieu. Le pays est au bord de la guerre civile.

Ainsi, depuis deux siècles, Haïti aurait pu connaître un autre destin, mais s’est fait voler son argent et sa souveraineté. Les mots de Macron sont un crachat supplémentaire au visage du peuple haïtien. On se souvient que le président français avait déjà ironisé en 2017 sur une autre population colonisée par la France, en parlant de «kwassa kwassa», une référence aux petites embarcations de l’océan Indien grâce auxquelles des habitant-es des Comores tentent de rejoindre Mayotte et meurent souvent noyé-es. Racisme et mépris, déjà.

Pendant sa campagne présidentielle, Donald Trump avait également attisé les fantasmes racistes en accusant la communauté haïtienne réfugiée aux USA de manger les animaux de compagnie des habitants. Une fake news caractérisée : Trump et Macron sont décidément sur la même longueur d’onde.

Si le président français était un peu moins «con», plutôt que d’insulter les haïtiens, il lancerait un grand programme de réparations pour Haïti, en restituant l’argent pris par la France, et il proposerait un partenariat amical et égalitaire avec ce pays francophone des Antilles, victime de trop de souffrances et d’injustices.


«Toi, tu traînes ta vie et ton mal du pays, ami
Le longs de ces hivers tellement loin de la mer
Reviendras-tu là-bas chanter la liberté
Pour que meurent les rois qui l’avait trafiquée
Pour que chantent à nouveau les espoirs de ton île?»

Manno Charlemagne, artiste haïtien exilé, 1984

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3 réflexions au sujet de « Macron insulte les haïtiens : 200 ans de mépris colonial »

  1. La réalisation de la Tour Eiffel à été financé avec le pillage d’Haïti par l’état français et la banque CIC. Ensemble ils ont créé la Banque Nationale D’Haïti qui ‘n’ avait de nationale que le nom. Les anneaux des JO ont été accroché à un monument financé par le pillage et l’esclavage que la grande bourgeoisie Française à imposé au peuple Haïtien par la misère, la violence, et le bain de sang. En 2023 le New York times avait dans un article dénoncer la responsabilité de l’Etat français et de la Banque CIC et l’histoire du financement du plus grand monument de France qui comme les propos de ce con de Macron…Sont à vomir.

  2. Macron n’est qu’un con de grand bourgeois cossus français biberonné à l’histoire Napoléonienne

  3. Haïti : plus d’un siècle de dette illégitime à la France, j’irai cracher au pied de la Tour Eiffel (financée par l’esclavage, le pillage, et le sang des Haïtien.ne.s) comme Macron vient cracher honteusement au visage de ce peuple appauvrit par l’Etat Francais et la banque CIC.

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