Des nouvelles de l’État policier


Militarisation du matériel, commande massive de grenades, décès au commissariat et textos accablants : quelques nouvelles de la police ces derniers jours, dans un État qui s’enfonce dans le néofascisme.


Le matériel toujours plus militarisé des policiers : une milice fasciste qui reste impunie dans l'État policier français.

Batterie de lanceurs de grenades

Vous avez apprécié le gaz toxique dégagé par une grenade lacrymogène ? Vous avez aimé le fusil distribué en 2016, qui permet aux CRS de tirer jusqu’à 6 grenades en quelques secondes ? Alors vous allez adorer la nouvelle acquisition de l’État français.

Pendant des décennies, les forces de l’ordre ne pouvaient envoyer « que » une seule munition lacrymogène à la fois avec leurs lanceurs « Cougar » qu’il fallait recharger à chaque tir. L’usage du lacrymogène est devenu exponentiel – 13.000 grenades avaient été tirées en une seule journée à Paris pour l’Acte 3 des Gilets Jaunes, des dizaines de milliers pendant la réforme des retraites – les autorités veulent augmenter la cadence et leur capacité à saturer l’air de gaz toxique.

Le journal Politis révèle qu’une nouvelle batterie de canons permet de tirer 12 grenades en un seul tir, à 50, 100 ou 200 mètres. Imaginez une nuée de munitions envoyées en même temps dans une petite rue : asphyxie assurée. Avec un tel outil, il sera facile de noyer rapidement une vaste avenue ou un champ entier de gaz lacrymogène.

La première utilisation en France métropolitaine a eu lieu le 19 juillet dernier, dans la Vienne, pour réprimer une manifestation contre les mégabassines. Alors que les écologistes se trouvaient dans un champ, les tirs ont enflammé la paille et provoqué un incendie qui a mis en danger le cortège. Un hélicoptère de la gendarmerie avait même dû avertir les manifestant-es de quitter les lieux.

Cette batterie de canons a été achetée en urgence en mai 2024, pour réprimer la révolte en Kanaky. Politis s’est procuré des documents du ministère de l’Intérieur qui expliquent : «Suite à la crise sécuritaire en Nouvelle-Calédonie, les forces de l’ordre ont un nouveau besoin en lance-grenades multicoups». Et elles se sont ainsi dotées de cette arme de catégorie A2, classée comme «matériel de guerre».

Le fabricant a même publié fièrement une photo de cet engin, montée sur un pick-up de gendarmes sur un barrage routier kanak avec la légende : «Notre lanceur multicoups est en place en Nouvelle-Calédonie depuis des semaines !»

Les canons sont de diamètres 56mm, la taille standard des grenades utilisées pour le maintien de l’ordre. Il est donc possible d’envoyer des salves de munitions de toute nature. Ces dernières années, ces batteries ont déjà été utilisées au Liban, avec des grenades de fabrication françaises, ou encore contre des manifestations au Sénégal. Et bientôt contre les cortèges dans les grandes villes françaises.

Enfin, il faut rappeler que le nouveau blindé de la gendarmerie, le Centaure, possède le même type de multi-lanceur de grenades sur son toit, avec deux batteries de 15 canons. Techniquement, il peut donc tirer 30 munitions d’un seul coup. Toujours plus.

27 millions d’euros pour des grenades de désencerclement

Le gouvernement vient de publier un appel d’offres pour acheter pour 27 millions d’euros de grenades de désencerclement. Il s’agit d’un avatar de grenades militaires, provoquant une explosion de 150 décibels – un effet «psychologiquement agressif qui vise à déstabiliser les cibles», disent leurs concepteurs, et propulsant 18 palets en caoutchouc dans toutes les directions. Chacun de ces éclats a une énergie d’impact de 80 joules, ce qui équivaut à dix boules de pétanque lâchées à une hauteur d’un mètre.

Distribuées à partir de 2002 dans la Police Nationale, ces grenades sont désormais tirées par milliers chaque année, provoquant aléatoirement de graves hématomes, des fractures, des mutilations au visage voire, dans certains cas, des comas. 10 blessés graves par cette arme ont été répertoriés. Par exemple le syndicaliste Laurent Théron, éborgné en 2016, ou Gwendal, un Gilet Jaune frappé par un palet au visage à Rennes en 2019.

Lors des Gilets Jaunes justement, le gouvernement avait fait l’acquisition de 40.000 de ces munitions pour compléter le stock existant. C’était un record à l’époque. La commande qui vient d’être passée représente de 120.000 à 360.000 grenades, quasiment 10 fois plus ! Un stock inédit par son ampleur ! Le gouvernement se prépare à augmenter encore sa puissance de feu contre sa population.

Mort au commissariat

Un homme est décédé au commissariat de Rouen suite à un tir de taser, dans la nuit du samedi 16 au dimanche 17 novembre 2024. La police avait été appelée à la suite de «l’appel d’un voisin » qui s’inquiétait du bruit.

L’homme interpellé était agité, selon la version des policiers, qui reconnaissent lui avoir tiré deux coups de taser «à bout portant», qui n’auraient «pas calmé l’individu qui a continué à se débattre». Pourtant, une fois dans le hall d’accueil du commissariat, l’homme de 38 ans a fait un arrêt cardiaque et a été déclaré mort peu après. Pour se couvrir, le parquet parle déjà d’un «excès de toxiques», c’est-à-dire de drogue, qui aurait causé le décès, en écartant d’emblée l’usage du pistolet électrique.

En janvier dernier en Seine-Saint-Denis, un homme de 30 ans, père de famille, avait été tué par une rafale de tirs de Taser. Pas moins de 18 agents avaient été envoyés, et 6 policiers avaient fait usage de leur Taser, pour 10 tirs. Une série d’impulsions électriques de 50.000 volts, bien plus que ce qu’un corps humain peut supporter. Après deux arrêts cardiaques, la victime était déclaré morte. Et ce décès n’était pas le premier suite à l’usage de cette arme.

Électrocution des testicules

Le 7 novembre, un procès avait lieu au tribunal de Bobigny, pour juger deux policiers. La victime, Aziz, arrêté en avril 2020, avait reçu un coup de taser dans les testicules.

À l’époque, il avait filmé un contrôle de la BAC à Aubervilliers, pendant le confinement. Il avait été embarqué pour cela, officiellement pour un simple «contrôle d’identité». En réalité, les agents l’avaient forcé à supprimer les images, et lui avaient «tasé les couilles» dans leur véhicule, avant de le frapper au commissariat.

Malgré les photos de ses blessures à l’entrejambe, le tribunal a refusé de juger l’acte de torture au Taser. «Seuls trois gestes sont poursuivis dans l’enquête, captés par les caméras de vidéosurveillance à l’intérieur du poste» a expliqué la procureure, qui a rappelé : «Ce qui n’est pas filmé n’existe pas au dossier». Sans vidéo, aucune chance de faire condamner la police.

La magistrate s’est contentée de demander des peines de prison avec sursis pour les coups qui ont été enregistrés par les caméras du commissariat.

«On l’a défoncé»

Novembre 2020 : le tabassage raciste du producteur noir Michel Zecler, dans son propre studio, par des policiers avait choqué le pays.

Il s’agissait d’une agression caractérisée, en réunion, par des policiers. Ils avaient suivi le producteur jusqu’à son lieu de travail avant de le frapper, de jeter une grenade lacrymogène dans le lieu clos et de braquer les occupants avec des armes à feu. L’un des policiers avait traité la victime de «sale nègre».

Si l’affaire a fait du bruit, c’est parce que Michel Zecler avait installé des caméras dans le studio : la scène avait été intégralement filmée. Elle était donc incontestable.

La victime avait eu plus de 45 jours d’ITT et un tendon sectionné. Pourtant, dans leur PV d’interpellation, les policiers assuraient que Michel Zecler avait refusé le contrôle d’identité et les aurait frappé. Ils auraient donc répliqué «en légitime défense». Les agents avaient ainsi porté plainte contre leur victime. C’était sans savoir que tout était filmé, faisant voler leur version en éclats.

Quatre ans après, les investigations sont terminées. Médiapart révèle que l’enquête sur les téléphones des policiers a découvert des textos accablants. On y trouve des messages WhatsApp dans lesquels un policier se vante notamment d’avoir «défoncé» Michel Zecler, ajoutant «Le mec n’a porté aucun coup, il s’est juste débattu».

Un autre déclare : «Le mec était bien amoché». Son collègue regrette de ne pas avoir davantage frappé ce «gros gros bâtard» : «En vrai, pas suffisamment, on n’a pas été méchant je trouve». «Punaise, quel bâtard. J’espère il a pris quand même», lâche une policière dans un autre groupe WhatsApp. «Oui oui mais pas suffisamment à mon goût».

Au milieu d’un flot d’insultes contre la victime, un agent explique : «On l’a défoncé mais le mec il sentait rien c’était ouf. Là on est emmerdés parce qu’il a un bon avocat». À propos des prétendues «blessures» que les policiers avaient évoqué dans leur plainte, un agent rassure un collègue : «Oui tkt jai la main gonfle pcq jai tapé le mec».

Dans ces téléphones, un des agents mis en cause possédait un montage photo avec George Floyd, étouffé sous le genoux d’un policier aux USA, accompagnée de la phrase «quand tu dégonfles ton matelas en fin de soirée». Voilà le genre de montage ignoble qui circule chez des policiers mis en cause pour un tabassage raciste. Dans un téléphone expertisé, les experts disent aussi avoir trouvé «une vidéo “humoristique” sur la victoire de Marine Le Pen à l’élection présidentielle».


L’actualité quotidienne le confirme chaque jour : la police est une milice d’extrême droite, suréquipée et au service des riches.


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