Lutte des mineur-es isolé-es : « Je dis à l’État de prendre ses responsabilités »


Entretien avec Julien, membre du collectif des jeunes du parc de Belleville, occupant actuellement la Gaîté lyrique


Les mineur-es isolé-es devant la Gaîté Lyrique occupée

Depuis 3 semaines, près de 300 mineur-es isolé-es occupent la Gaîté lyrique, à Paris. Ils font partie des jeunes du parc de Belleville, un collectif de Mineur-es isolé-es en lutte pour l’égalité des droits, pour un monde antiraciste et décolonial, collectif connu pour avoir déjà réalisé des occupations victorieuses dans le passé et permis de loger des centaines de jeunes abandonnés par l’État. Nous sommes allé-es à leur rencontre.

CA : Est-ce que tu peux nous présenter le Collectif des Jeunes du Parc de Belleville et la raison de votre présence ici ?

Moi c’est Julien, je fais partie des Jeunes du Parc de Belleville. Je fais également partie des délégué-es. Ce collectif a été créé il y a déjà 1 an, on a même fêté l’anniversaire.

Aujourd’hui, on est à la Gaîté Lyrique pour une occupation car ce n’est pas normal que les jeunes soient dans la rue, livrés à eux même, face à toute sortes de danger. Nous on dénonce ça, on dit non. On veut que les jeunes soient logés dans de bonnes conditions, avec un accès à l’école, à une formation. On ne veut pas du cas par cas. C’est la raison de notre lutte, nous luttons contre cet État qui est en train de gâcher la vie des jeunes en France.

Les jeunes ne viennent pas ici pour être des délinquants comme ils peuvent le dire. Soit disant on est tous des délinquants, on n’est pas des mineurs. Nous on dit non à tout ça, non au racisme qui est en train de monter en puissance ici. Et on veut un logement, un accès à l’école et l’égalité pour TOUS.

CA : Comment ça se passe depuis que vous êtes arrivés à la Gaîté Lyrique ?

Ça fait bientôt 3 semaines qu’on est à la Gaîté. On a reçu Léa Filoche [Adjointe à la Maire de Paris en charge des solidarités, de l’hébergement d’urgence et de la protection des réfugiés, de la lutte contre les inégalités et contre l’exclusion] qui est venue dès la première semaine en disant qu’il n’y avait pas de solutions.
Maintenant, ils sont en train de discuter à la mairie mais pour l’instant rien ne nous a été proposé.

Ils sont venus se mettre en avant, dire qu’ils étaient avec nous, mais ils n’ont apporté aucune solution. C’est un coup de communication.

Chaque jour, il y a des dizaines de jeunes qui sont remis à la rue, c’est ça la réalité et le vrai sujet. Chaque jour le département remet des jeunes à la rue car ils jugent à leur évaluation qu’ils ne sont pas mineurs. Il font une sorte d’évaluation qui ne sert à rien, qui ne s’intéresse pas à ton parcours.

Ils posent des questions pas normales à un jeune mineur en difficulté. Il vont regarder ta manière de parler et juger que tu n’es pas mineur. Nous disons non à tout cela, on veut une égalité pour tous et pas du cas par cas.

CA : Il y a déjà eu d’autres occupations ? Et qu’est-ce que ça a donné par le passé ?

Oui on a déjà fait d’autres occupations. On a occupé l’Hôtel de ville récemment et il y a plus de 200 jeunes qui ont été logés. Il y a aussi eu l’occupation du centre culturel de la Maison des Métallos, qui a permis de loger plus de 200 jeunes.

C’est ça qui nous visibilise et qui montre qu’on a besoin d’aide.

CA : Est-ce que vous pouvez sortir librement de la Gaîté lyrique ? La police est-elle très présente ? Le quartier réagit comment ?

C’est le gouvernement qui est contre nous ! La population est plutôt d’accord pour que les jeunes trouvent une solution. Après il y a aussi des personnes qui ne comprennent pas. La police a déjà tenté d’intervenir mais le lieu a directement réagi et nous a soutenu donc leur intervention a échoué. Après la police, on sent qu’elle souhaite nous déloger.

Il y a eu des arrestations quand on a fait une manifestation. Il y a eu des jeunes qui se sont fait emmener en garde à vue et on essaye d’intervenir avec l’aide d’avocats. On cherche des solutions.
On n’est pas là pour la délinquance, le vol ou autres choses. Ce que les jeunes recherchent c’est être protégé-es, avoir une vie meilleure, avoir un toit, un accès à l’école comme tous les jeunes Français.

Les jeunes veulent faire quelque chose, ils ne veulent pas être là pour profiter du système. Oui quand tu es reconnu mineur, on te suit quand tu es jeune, tu as au début des aides de l’État et c’est normal. Ils sont jeunes et livrés à eux-même, c’est un droit, c’est respecter la loi de protéger les mineurs. Et après cette aide, il vont travailler, il vont contribuer à la nation. Il vont travailler dans différents métiers pour cotiser, payer des impôts.

CA : Quel message tu voudrais faire passer aujourd’hui ?

Si je devais passer un message c’est surtout au gouvernement. Que le gouvernement prenne ses responsabilités. Ils disent que ce sont des délinquants mais ce sont eux qui provoquent cette possible délinquance. Un jeune livré à lui-même, face à toute sortes de dangers, il peut devenir un agresseur, voleur, etc. s’il n’est pas encadré. C’est à l’État de protéger les jeunes qui vont servir à la nation de demain.

Moi c’est ce message que je veux passer. C’est un logement pour TOUS. On ne peut pas rester dans la rue c’est dangereux. C’est la France, la France dont on nous parle. Même les majeurs aussi, ils ont besoin d’être protégés, ils ont besoin d’être encadrés.

Moi si je dois passer un seul message : je dis à l’État de prendre ses responsabilités.

CA : Votre position par rapport à cette occupation ? Comment vous la voyez perdurer dans le temps ?

Tant qu’on n’a pas de solutions, on ne bougera pas ! On a toujours été soutenu par les français et les françaises, avec les associations, les gens qui nous donnent à manger et qui nous donnent de la force.

C’est une lutte qui est pour tout le monde ! Nous remercions tous ceux qui nous aident et on demande à tout le monde de nous rejoindre dans ce combat et de lutter ensemble contre le racisme et le fascisme qui est en train de venir en France. On a une cagnotte aussi pour nous soutenir.

CA : Est-ce qu’il y a les mêmes personnes depuis le début de l’occupation ou est-ce qu’il y a d’autres personnes qui arrivent ?

Chaque jour il y a des jeunes qui sont relâchés et qui arrivent ici. Il y a des familles aussi, des femmes enceintes. Ils n’avaient pas d’abris et grâce à cette occupation ils ont pu se réfugier ici. Je ne sais pas combien exactement nous sommes ici mais déjà bien 300.


Le collectif lance un appel à manifestation dimanche, 16h, devant la Gaîté lyrique.

Pour leur faire un don c’est par ici !

AIDEZ CONTRE ATTAQUE

Depuis 2012, nous vous offrons une information de qualité, libre et gratuite. Pour continuer ce travail essentiel nous avons besoin de votre aide.

Faites un don à Contre Attaque, chaque euro compte.

Laisser un commentaire