Texas : des nouvelles de la guerre contre les femmes aux USA


Hausse dramatique de nouveau-nés retrouvés morts


Pancarte brandie lors d'une manifestation aux USA : "Make abortion safe again", soit "rendez l'avortement à nouveau sûr".

“L’interdiction de l’avortement ne tue pas seulement les femmes. Il tue aussi les bébés.”


C’est un article du Washington Post qui a révélé l’ampleur du drame : le nombre de nouveau-nés abandonnés et retrouvés morts dans des poubelles, des fossés ou sur le trottoir a explosé ces derniers mois dans l’État du Texas. 18 bébés ont été retrouvés en 2024 selon le département des Services familiaux, soit 2 fois plus qu’il y a 10 ans.

Le Texas est le deuxième État américain le plus peuplé, avec 30 millions d’habitant-es, et l’un des États avec la juridiction la plus stricte sur l’interdiction de l’avortement. Avec 13 autres États, il a voté pour l’interdiction totale de l’IVG en 2021 suite à l’abolition par la Cour suprême des États-Unis de l’arrêt Roe v. Wade, qui garantissait depuis un demi-siècle le droit des femmes à interrompre leur grossesse aux USA.

Une mesure criminelle

Ainsi, au Texas, aucune exception n’est acceptée : peu importe que la grossesse soit le résultat d’un viol ou d’un inceste. La seule exception est le danger de mort ou de handicap grave pour la mère, mais de nombreux-ses praticien-nes refusent d’y avoir recours car la loi est si floue sur le sujet qu’ils et elles ont peur de se voir intenter un procès. De ce fait, le taux de mortalité des femmes enceintes a augmenté de 56% entre 2019 et 2022. Le Texas détient également le triste record du plus haut taux de natalité chez les adolescentes entre 15 et 19 ans – 20 naissances pour 1000, la moyenne nationale étant à 13,6.

Au lycée de Lincoln Park, dans l’Est du Texas, pas moins de 80 lycéennes viennent à l’école avec leur bébé, du jamais vu. Le taux de mortalité infantile a également grimpé en flèche depuis 2021 : +12,9% en 1 an. Cette hausse est en partie liée au fait que les malformations congénitales ne constituent pas non plus une exception à l’avortement. De ce fait, les femmes mettent au monde des enfants avec des malformations telles qu’ils ne peuvent pas survivre. Un traumatisme immense pour la mère à qui l’on a annoncé dès la grossesse que son enfant ne pourrait pas survivre, mais interdit l’avortement. Peut-on imaginer l’horreur de savoir qu’on porte et qu’on met au monde son enfant, en sachant qu’on va le voir mourir dans quelques mois ?

Avec le retour au pouvoir de Donald Trump, illuminé soutenu par des fanatiques évangélistes et agresseur sexuel notoire, on doit craindre que la situation des femmes ne devienne intenable. Ce dernier déclarait en 2024 vouloir “protéger les femmes, qu’elles le veuillent ou non”. Elon Musk, proche de Trump, est également obsédé par la démographie des blancs, et veut absolument encourager la natalité, de gré ou de force.

Lors de sa campagne, Trump avait également annoncé vouloir légiférer sur une interdiction de l’avortement à l’échelle nationale, privant chaque État du pouvoir de légiférer sur le sujet. Ironique quand on sait que l’abolition de l’arrêt Roe v. Wade s’était fait au nom de la «liberté» de chaque État de statuer sur l’IVG. C’est la méthode de l’extrême droite : invoquer une prétendue «liberté» pour imposer le reculs des droits, puis les graver dans le marbre une fois au pouvoir.

Délation patriarcale

La loi texane encourage également la dénonciation de toute personne prenant part à un avortement. Ainsi, trois femmes avaient été poursuivies par l’ex-compagnon d’une de leurs amies qu’elles auraient aidé à se procurer la pilule abortive. Montant des dommages et intérêts demandés ? 1 million de dollars. La plainte avait finalement été abandonnée, mais l’arrivée au pouvoir de Trump va changer la donne.

Texas Right to Life, la principale organisation «pro-vie» – c’est-à-dire anti-choix – de l’État, attend avec impatience le début de sa mandature pour renforcer sa guerre aux femmes : l’organisation lance une campagne de recherche de volontaires prêts à porter plainte contre leur compagne pour avortement illégal, et contre les personnes les ayant aidées, pour le 1er semestre 2025. John Seago, le président de l’organisation, déclarait : “Vous verrez des poursuites intentées maintenant qui n’avaient pas été déposées avant l’élection”. Ainsi, chaque homme voulant se venger d’une femme pourra simplement lui intenter un procès pour avortement illégal. Réjouissant.

Dans leur délire anti-avortement, une dizaine de juridictions texanes a même voté des interdictions pour les femmes enceintes de prendre l’autoroute pour aller se faire avorter ailleurs. Les conducteur-ices s’exposent également à des poursuites judiciaires. Il existe ainsi 70 “villes sanctuaires” au Texas : comprendre ville-prison pour femmes enceintes où elles ne sont plus qu’un corps qui appartient aux extrémistes religieux. Depuis l’interdiction, 25 centres d’accueil ont fermé, et il ne reste plus dans tout l’État que 3 centres qui continuent à aider les femmes ayant avorté ailleurs. Mais jusqu’à quand ?

Être une femme dans la première puissance économique mondiale

Rappelons que le système de santé américain est le plus coûteux au monde. Le coût moyen d’un accouchement aux États-Unis est de 15.000$, mais peut monter jusqu’à 50.000$ en cas de complication. Même dans des États où l’avortement est encore accessible, les fanatiques “pro-life” – bien que tous les chiffres montrent au contraire qu’il s’agit de mesure “pro-death” – vont harceler les femmes jusque devant et dans les cliniques.

Au-delà des conséquences physiques de grossesses dangereuses, l’impact sur la santé mentale des femmes est énorme et traumatisant. La peur de tomber enceinte devient telle que le nombre de femmes voulant se faire stériliser a également augmenté. En 2023, au moins 170.000 femmes ont dû fuir dans un autre État pour avorter. Des associations ont recueilli des milliers de témoignages de femmes désespérées. “Fuir pour avorter est une expérience terrifiante que je ne souhaite à personne” confiait l’une d’elles.

“L’interdiction de l’avortement a tout d’une mesure classiste et raciste”. Anna Rupani, de l’association Fund Texas Choice est claire : 85% des femmes qu’elle accompagne à avorter en-dehors du Texas sont racisées. Pouvoir se rendre dans un autre État est un luxe que beaucoup ne peuvent pas se permettre, un luxe réservé aux femmes les plus aisées. Le taux de mortalité des femmes enceintes était déjà bien plus élevé chez les femmes racisées, il est littéralement en train d’exploser.

La guerre à l’immigration illégale empêche en outre un nombre croissant de femmes de faire suivre leur grossesse par des professionnels de santé, de peur d’être déportées. Le rêve américain dans toute sa splendeur.

La solidarité féministe est internationale

Depuis 2023, le Mexique a, lui, fait le chemin totalement inverse de celui des USA en dépénalisant l’avortement suite au combat acharné de féministes mexicaines comme Veronica Cruz, qui a aidé des milliers de femmes à avorter clandestinement pendant 20 ans.

Elles ont décidé de s’organiser afin de venir en aide aux Américaines. Le collectif Las Libres a ainsi aidé près de 20.000 femmes en mettant en place un réseau de contrebande de pilules abortives. Des Mexicaines font passer ces pilules par avion ou voie terrestre, qui sont réceptionnées par les réseaux sur place et acheminées directement aux Américaines dans le besoin. Un groupe de militantes guide ensuite ces femmes par messagerie cryptée pour les accompagner dans le processus. Tout cela gratuitement.

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2 réflexions au sujet de « Texas : des nouvelles de la guerre contre les femmes aux USA »

  1. Ici en France l’extrême droite française portée par la bourgeoisie et leurs valeurs religieuses à vomir montent la tête à des groupuscules de femmes comme celles du groupuscule de femmes facsistes : Némésis. Les États Bourgeois et le Patronat souhaitent s’accaparer le corps des femmes pour maintenir le niveau de chair à pâtir. Les bourgeoises pourront toujours s’offrir le luxe d’une progéniture ou se faire avorter dans une clinique privé et en toute sécurité dans un endroit autorisé

  2. Ce qui se passe aux États-unis est déjà présent en Europe.
    En Italie, avant même d’arriver au pouvoir, le parti fasciste, à la tête de la région des Marches, rendait le droit à l’avortement très compliqué, voire impossible, aidé en cela par le droit des gynécos à refuser de pratiquer l’ivg (objecteurs). Ces objecteurs représentent près des 2 tiers des gynécos en Italie, le taux dépassant même les 80 % dans le sud de l’Italie (merci la religion!).

    En France, un certain wauquiez, à son arrivée à la tête de la région Auvergne-Rhône-Alpes, a réduit les moyens des plannings familiaux, tout en augmentant considérablement les subventions aux associations de chasse.
    Toujours en France, l’inscription de la « liberté d’avorter » au lieu du « droit à l’avortement » dans la constitution n’est pas innocent (sinon, jamais le gros larcher n’aurait accepté): cela permettra à un quelconque gouvernement « ouvertement » fasciste d’entraver cette liberté (par exemple, en mettant un prix énorme à l’IVG sans remboursement, en réduisant les délais, en imposant une consultation avec un curé avant, …)

    Donc à un moment, faudrait peut-être que la population enlève la matière fécale qu’elle aime garder devant les yeux, et arrête de voter n’importe quoi…

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