L’extrême droite gagne du terrain au Royaume-Uni


Retour des manifestations anti-immigration et salut nazi du leader du Parti pour l’Indépendance du Royaume-Uni


En haut : Nick Tenconi, leader du parti d'extrême droite UKIP, fait un salut nazi.
En bas : une banderole proclame "Protect our kids" lors d'une manifestation raciste au Royaume-Uni.

Depuis quelques semaines des manifestations racistes ont repris au Royaume-Uni. L’an dernier déjà, le pays avait été secoué par les pires émeutes depuis 10 ans. Lors de ces violences anti-immigration, des groupes d’extrême droite attaquaient des commissariats, des librairies, pillaient des magasins, tabassaient des personnes non-blanches et s’en prenaient à des mosquées ou des centres d’accueil pour réfugié-es.

À peine quelques semaines après la percée historique de l’extrême-droite aux élections, où le parti de Nigel Farage, Reform UK, était passé de 1,8% à 14% en pompant les voix de la droite classique, ces émeutes signaient la fin du mirage d’une Angleterre épargnée. Longtemps marginalisée chez nos voisins, l’extrême droite violente s’y organise et passe à l’acte désormais.

Le retour des émeutes racistes

Fin juillet 2025, dans la banlieue londonienne d’Epping, c’est devant le Bell hôtel, un hôtel accueillant des migrant-es, que se sont fait face manifestant-es et contre manifestant-es. Le cortège fasciste instrumentalisait un fait divers sordide, tout comme les émeutes de 2024 : la mise en examen d’un des résidents pour agression sexuelle. Le 2 août, de nouvelles manifestations ont eu lieu devant des hôtels accueillant des demandeurs et demandeuses d’asile à travers tout le pays : Manchester, Londres, Bristol, Bournemouth, Liverpool, Birmingham.

Les militants d’extrême droite arboraient des pancartes : «protect our kids» face aux centres d’accueil. Ironiquement, la presse anglaise révèle cette semaine que 41% des émeutiers racistes arrêtés l’été dernier étaient connus pour des crimes liés aux violences intrafamiliales, c’est-à-dire des agressions sur leurs enfants ou leurs compagnes.

Les manifestants réclament la fermeture des hôtels hébergeant des réfugié-es et la “remigration”, cette marotte de l’extrême droite qui signifie littéralement la déportation massive des personnes immigrées et de leurs descendants. À Londres et Manchester, des milliers de militants et militantes antiracistes ont également afflué pour défendre les réfugié-es contre les racistes, et des affrontements ont éclaté.

Le 8 août  c’est donc lors de l’une de ces manifestations que Nick Tenconi, le leader de l’UKIP, autoproclamé parti pour l’indépendance du Royaume-Uni, a réalisé un salut nazi filmé en direct et publié sur son compte X. On l’y voit dans la ville côtière de Portsmouth esquisser quelques pas de danse à la manière de Donald Trump, entouré de manifestants et manifestantes d’extrême-droite. Sa vidéo est sobrement intitulée “We are sending them home”, “Nous les renvoyons à la maison”.

Comme lors du salut nazi d’Elon Musk qui avait défrayé la chronique, les explications de Nick Tenconi ne trompent personne : “Ces 13 derniers mois, j’ai utilisé un salut qui n’appartient à personne, ni la droite ni la gauche. Il s’agit d’un amalgame entre un salut romain et un poing levé”. Sauf que personne n’est dupe : son salut est un signal envoyé à toutes les personnes qui se reconnaîtront dans ce geste. La chanson sur laquelle il danse n’est autre que “L’amour toujours”, un titre du DJ italien Gigi D’Agostino modifié et repris par les néonazis allemands.

La politique xénophobe du gouvernement travailliste

Le 3 août, afin de calmer la grogne, le gouvernement britannique s’est empressé d’annoncer 100 millions de livres sterling supplémentaires pour lutter contre les traversées illégales de la Manche. La politique raciste et ultra répressive du gouvernement travailliste de Keir Starmer n’a plus grand chose à envier aux partis d’extrême-droite.

Le 12 mai 2025, après de nouveaux succès électoraux de Reform UK, il avait d’ailleurs déclaré “Nous reprendrons le contrôle de nos frontières”, soit littéralement le slogan du parti d’extrême-droite,  alors même qu’il déclarait quelques années auparavant “Je défendrais toujours les droits des migrants”. Le virage est serré.

Au début de l’été, un accord “d’échanges” avec la France a été signé après la venue du président Macron. L’accord prévoit que les personnes arrivées de manière illégale en Angleterre et dont la demande d’asile est jugée non recevable pourront être renvoyées en France. De son côté, l’Angleterre examinera les demandes des personnes se trouvant en France, en privilégiant celles ayant un lien avec l’Angleterre. La ministre de l’intérieur anglaise a salué “une étape importante pour démanteler le modèle économique” des passeurs. Quelle ironie diabolique.

Chaque année, des dizaines de personnes meurent en traversant la Manche. Une femme en est décédée la nuit du 12 août, il s’agit de la 28ème victime de l’année. Là devrait être l’urgence. Les associations de soutien aux personnes en migration ont d’ailleurs dénoncé cet accord, qui va à l’encontre du droit international en matière de protection des réfugié-es.

Si Keir Starmer a abandonné l’ignoble projet, porté par le gouvernement conservateur précédent, d’envoyer les personnes entrées illégalement dans le pays au Rwanda, il n’a pas hésité à se rendre chez la présidente d’extrême-droite Giorgia Meloni il y a peu pour prendre des conseils sur l’immigration. “Il y a eu ici une réduction assez remarquable des entrées de clandestins, donc je veux comprendre comment cela s’est produit” avait déclaré le premier ministre. L’illusion d’un premier ministre « de gauche » tel que le présentait les médias français, a fait long feu.

Il a également annoncé l’allongement de la durée nécessaire pour obtenir la nationalité britannique (passant de 5 à 10 ans), la fin du recrutement à l’étranger du personnel de santé, et la mise en avant du “devoir d’intégration”. Sacrifier des milliers de personnes sur l’autel de l’électoralisme, voilà le choix que fait Keir Starmer.

Le Royaume-Uni, c’est aussi le pays qui réprime le plus sévèrement les opposant-es politiques en Europe. Les militant-es écologistes ont pris des peines de prison ferme pour des gestes aussi anodins que du jet de soupe sur une vitre ou un blocage de route. Et que dire de la criminalisation de la lutte pour la Palestine ? La qualification comme organisation terroriste de Palestine Action a conduit à l’arrestation de plus de 600 personnes lors de manifestations, et le groupe de rap Kneecap est ciblé par la police antiterroriste pour ses prises de position pour la Palestine.

Ainsi le Royaume-Uni, comme une large partie du monde, continue sa marche forcée vers l’extrême-droitisation de son échiquier politique. Petite lueur d’espoir, les mobilisations anti-colonialistes restent massives, et le nouveau parti de Jeremy Corbyn, équivalent de LFI, est désormais le premier parti en nombre d’adhérent-es.

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