C’était un petit café près de la plage. Une cabane faite de tôle et de bois. L’un des rares lieux encore accueillants à Gaza, territoire en ruine baigné de larmes et de sang.

Le café Al-Baqa était aussi un des derniers endroits qui avait conservé une connexion internet fiable, alors qu’Israël a tout fait pour couper Gaza du reste du monde. Par conséquent, les journalistes palestiniens, les reporters, les artistes mais aussi des civils s’y retrouvaient pour se connecter, travailler, échanger avec le reste du monde.
Les journalistes dont les bureaux et les locaux ont tous été détruits s’y rendaient pour pouvoir écrire, diffuser des images, envoyer leur travail. L’armée israélienne le savait parfaitement.
Le 30 juin, Israël a délibérément bombardé le café Al-Baqa dans l’ouest de la ville de Gaza. Les images montrent en arrière plan les vagues et l’eau scintillante et, devant, une scène d’horreur. Des destructions, du sang, des êtres agonisants, des corps en charpie. Cette attaque a fait 42 morts et 72 blessés selon la direction de l’hôpital Al-Shifa. Le directeur de l’hôpital explique au quotidien Le Monde : «Ce qui s’est passé [au café] est un véritable massacre contre des civils. Les corps ont été projetés jusque dans la mer. L’hôpital est plein à craquer. Certains blessés sont morts après leur arrivée parce que nous n’avons pas de lits pour les accueillir».
Parmi les victimes : le photojournaliste palestinien Ismail Abu Hatab, 34 ans, assassiné. Il documentait la vie à Gaza et ses images avaient été exposées à Los Angeles au mois d’avril. La jeune journaliste Bayan Abou Sultan est apparue au milieu des décombres le visage et les vêtements ensanglantés, les cheveux en bataille couverts de poussière. Elle a survécu. L’artiste peintre Frans Al-Salmi, quant à elle, a été tuée lors de l’attaque.
Le 30 juin est l’un des jours les plus sombres du journalisme moderne. Israël assassine des journalistes depuis des mois et interdit à la presse internationale d’entrer à Gaza, mais cette fois, l’État colonial a commis un massacre dans l’un des seuls endroits où pouvaient encore travailler les journalistes survivants.
Depuis le 7 octobre 2023, Israël a tué au moins 227 journalistes à Gaza. En août dernier, une munition israélienne décapitait le reporter Ismail Al-Ghoul alors qu’il était au volant, portant un gilet floqué Press parfaitement identifiable, et qu’il était avec son collègue cameraman, Rami al-Refee, tué lui aussi.
Au mois d’avril, la photojournaliste Fatima Hassouna, 25 ans, était assassinée avec toute sa famille par Israël. Une bombe a frappé le domicile familial situé dans le nord de Gaza, l’emportant avec 10 de ses proches. Elle documentait, par ses photos et ses vidéos, le génocide en cours. Elle avait laissé ce mot : «Si je meurs, je veux une mort retentissante. Je ne veux pas être une simple brève dans un flash info, ni un chiffre parmi d’autres. Je veux une mort dont le monde entier entendra parler, une empreinte qui restera à jamais, et des images immortelles que ni le temps ni l’espace ne pourront enterrer».
Malheureusement, elle est déjà rejointe par d’innombrables autres victimes, et les médias occidentaux ont vite fait d’effacer sa mémoire. Gaza est le plus grand cimetière de journalistes et d’artistes du monde. Israël mène une guerre contre la vérité, la presse et tout ce qui fait la vie.
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