Mardi 11 octobre, sur fond de débats tendus à l’Assemblée Nationale autour du vote du budget, une série de rappels à l’ordre ont eu lieu.
La présidente de l’Assemblée est la macroniste Yaël Braun-Pivet. Elle a utilisé son pouvoir pour adresser des peines disciplinaires. En effet, selon la loi, le ou la présidente du Parlement peut sanctionner tout membre de l’Assemblée, s’il «se livre à des manifestations troublant l’ordre ou qui provoque une scène tumultueuse», s’il «se livre à une mise en cause personnelle, qui interpelle un autre député ou qui adresse à un ou plusieurs de ses collègues des injures, provocations ou menaces», s’il «fait appel à la violence en séance publique», s’il injurie le Président ou commet des «voies de faits» dans l’hémicycle.
La présidente de l’Assemblée dispose de plusieurs niveaux de sanctions : le rappel à l’ordre, le rappel à l’ordre avec inscription au procès-verbal, la censure et l’exclusion.
Mais ce qui s’est passé le 11 octobre est très inhabituel. D’abord parce que Yaël Braun-Pivet a sanctionné une députée de sa propre majorité. Elle a pris a partie une autre élue du groupe Renaissance, macroniste : Astrid Panosyan-Bouvet. Le motif du rappel à l’ordre est encore plus inhabituel : elle venait de dénoncer «l’ADN xénophobe vieux de 50 ans» du Rassemblement National. Où est le trouble à l’ordre public ou l’insulte ?
En effet, le parti d’extrême droite vient de fêter son cinquantième anniversaire. Ce mouvement fondé en 1972 par un petit groupe de pétainistes, de néo-nazis, d’anciens SS et de nostalgiques de l’Algérie française dispose désormais du plus grand groupe de députés à l’Assemblée depuis qu’il existe. La députée n’a fait que rappeler une évidence. Pourtant, Yaël Braun-Pivet l’a rappelée à l’ordre : pas question de dire que l’extrême droite est xénophobe.
Cette sanction a provoqué un tollé jusque dans les rangs des fans de Macron. «Il était souhaitable d’éviter les provocations» se justifie l’entourage de la présidente.
En réalité, le RN est l’assurance vie du système. Macron et Le Pen gouvernent ensemble de fait, les médias ont tout mis en œuvre pour que le second tour oppose à nouveau les deux candidats qui sont d’accord sur l’essentiel. C’est bien Macron qui réhabilite Pétain et Maurras et écrase férocement toute contestation. Macronistes et Lepénistes votent ensemble des mesures anti-sociales, sécuritaires ou anti-immigration. Ce rappel à l’ordre n’est donc pas un épiphénomène : il prouve encore une fois l’hybridation entre extrême droite et libéralisme.
C’est l’aboutissement de décennies de «dédiabolisation» du clan le Pen : on ne ne peut même plus rappeler des faits. Alors que dans le même temps la moindre parole sociale, écologiste ou féministe est considérée comme étant «d’extrême gauche» et provoque des polémiques médiatiques.