«Ils nous tiraient dessus, c’était comme une pluie» de balles. «Tirs à bout portant». «Enfants démembrés». «Armes explosives». Ce sont les témoignages d’exilé-es éthiopien-nes recueillis par l’ONG Human Rights Watch, qui a enquêté sur des massacres commis par l’Arabie Saoudite au niveau de ses frontières.
Le rapport d’enquête, réalisé à partir des récits de rescapé-es éthiopien-nes qui tentaient d’entrer en Arabie Saoudite via le Yémen, d’images satellites, de vidéos et de photos publiées sur les réseaux sociaux, ainsi que «d’autres sources» est effroyable. Il met en lumière des crimes de masse racistes commis par des militaires saoudiens sur des civils en danger. Les morts se compteraient par centaines entre mars 2022 et juin 2023 selon Human Rights Watch. De véritables massacres.
Selon l’enquête, les gardes-frontières saoudiens auraient demandé aux éthiopien-nes «sur quelle partie de leur corps ils préféreraient que l’on tire». Des scènes d’horreur sont décrites : «Femmes, hommes et enfants éparpillés dans le paysage montagneux, gravement blessés» ou décédés. Une femme raconte : «J’ai vu un homme appeler à l’aide, il avait perdu ses deux jambes», mais «on n’a pas pu l’aider parce qu’on courait pour sauver nos propres vies».
Des milliers d’éthiopien-nes travaillent en Arabie Saoudite et empruntent une route reliant la Corne de l’Afrique au Golfe, en passant par le Yémen. Le Yémen est lui-même un pays en guerre depuis plus de 8 ans, régulièrement bombardé par l’Arabie Saoudite.
La révélation de tels crimes contre l’humanité a-t-elle provoqué une indignation mondiale ? Une condamnation sans appel de l’Arabie Saoudite ? Pas du tout. Une «enquête» est ouverte, en partenariat avec la riche monarchie du Golfe, et aucune sanction ne semble prévue. Dès les prochains jours, le travail de Human Rights Watch sera sans doute oublié, englouti dans l’abondance de nouvelles informations.
Pour cause, l’Arabie Saoudite est un pays «ami» de Macron. En juillet 2022 le dictateur de cette pétromonarchie était invité en grande pompe à l’Élysée. Mohammed Ben Salmane y a déjà été reçu précédemment, et quelques temps plus tôt Macron se déplaçait lui-même en Arabie Saoudite, entouré de patrons de l’industrie de l’armement pour lui rendre une visite de courtoisie.
L’Arabie Saoudite est l’un des régimes les plus violents de la planète : une dictature religieuse implacable qui a bâti son immense fortune sur la dévastation planétaire. Par exemple, en mars 2022, l’Arabie Saoudite exécutait en une seule journée 81 personnes. Ce pays est le dernier au monde qui organise officiellement des décapitations au sabre et en place publique. Parfois les restes du supplicié sont crucifiés, «pour donner l’exemple». Des peines de morts sont prononcées pour «sorcellerie» et la lapidation est toujours pratiquée.
Le régime Saoudien a fait assassiner le journaliste d’opposition Jamal Kashoggi en 2018 en Turquie. Le journaliste tué aurait été «démembré» dans l’ambassade d’Arabie Saoudite par des agents du régime. Le pays est aussi un fauteur de guerre. Le 25 novembre 2021, l’ONU chiffrait à 377.000 le nombre de victimes causées par la guerre au Yémen, en sept ans. Les armes utilisées par l’Arabie Saoudite, notamment les avions qui bombardent la population, sont fournies par la France. Ce régime est aussi un allié stratégique des États-Unis. On ne touche pas aux «amis» dont les mains sont couvertes de sangs.
Non seulement l’Arabie Saoudite n’est pas mise au ban de la communauté internationale, mais elle essaie d’imposer sa marque dans les esprits, par exemple en achetant à prix d’or de grands joueurs de foot. Alors que les massacres commis contre des éthiopien-nes étaient révélés, le joueur Neymar arrivait à bord d’un Boeing vide affrété par la dictature. L’un des plus gros et des plus luxueux avions du monde, avec des chambres, une salle de bains privative ou encore des salles de conférence. Le brésilien sera payé des dizaines de millions de dollars, possédera une villa et des domestiques. Comme d’autres joueurs prestigieux achetés par le pays, il s’agit d’un symbole de puissance, pour lequel le régime débloque des moyens illimités. L’Arabie Saoudite est immensément riche, alliée de l’Occident, et veut désormais «séduire» l’opinion mondiale par le sport et la propagande.
Plus proche de nous, depuis plusieurs mois, de véritables opérations de déportations et des traitements inhumains sont organisés par le gouvernement tunisien contre les subsaharien-nes. Des centaines d’exilé-es noir-es ont été abandonnées à une mort certaine en plein été, sans eau ni nourriture, dans des zones désertiques, pour leur appartenance raciale. On parle de 500 à 700 personnes, peut-être plus. Que fait l’Europe ? Elle est complice.
Nos états dits «démocratiques» sous-traitent le racisme et la mise à mort des exilé-es aux pays arabes. En Tunisie comme en Libye, l’Europe ferme les yeux sur les traitements barbares réservés aux subsaharien-nes. Elle leur donne même des financements destinés à gérer les flux migratoires. En Arabie Saoudite, l’Occident détourne les yeux sur les massacres d’exilé-es pour préserver un pays ami qui lui achète des armes.