Le 6 juin dernier, des policiers lillois sont photographiés lors d’une manifestation syndicale avec des tatouages néonazis sur les bras : des «valknut». Trois triangles entrelacés. Puis c’est à Lyon qu’un autre agent est repéré avec un tatouage identique. Le «valknut» est un symbole issu de la mythologie viking, «Valr» signifie «guerriers tués» et «knut», «nœud». Il se réfère au dieu Odin, au combat, à la mort. Les policiers français seraient-ils soudainement devenus des érudits passionnés par l’histoire scandinave ? Peu probable.
Ce symbole était globalement oublié, avant d’être repris au XXème siècle par le mouvement allemand Volkish. Un mouvement nationaliste et raciste précurseur du nazisme. Pour les Volkish, il y a une race aryenne supérieure aux autres, descendante de peuples nordiques et païens. C’est donc naturellement que ce symbole attribué aux vikings est remis au goût du jour, comme la croix gammée ou les runes nordiques, entre autres.
Moins connoté que la svastika, le «valknut» est resté très prisé par l’extrême droite occidentale. Il a été aperçu sur les assaillants du Capitole en janvier 2021, parmi les plus fanatisées des troupes pro-Trump. En France, ce symbole est utilisé par les néo-nazis païens. Un policier avec ce symbole c’est peut être un hasard. Deux, c’est une sacrée coïncidence. Trois, c’est un système. D’autant que de nombreux policiers affectionnent la symbolique d’extrême droite, arborant pour beaucoup des insignes spartiates, des têtes de mort du «Punisher», des fleur de lys… Cet été, un groupe de soutien à la police a même crée un écusson spécifique pour les agents, à partir de la photo d’un homme du RAID braquant au fusil à pompe un adolescent de 14 ans après la mort de Nahel.
En clair, non seulement la police est dominée par les idées d’extrême droite, mais certains agents armés le montrent de plus en plus ouvertement. À Lille, la police des polices avait été saisie par des élus suite aux photos de ces tatouages «nordiques». Ce 15 septembre, les agents concernés ont reçu «un rappel à la règle ayant contrevenu aux obligations déontologiques de neutralité, d’impartialité, de dignité et d’exemplarité qui s’imposent aux personnels de la Police nationale». Une gentille tape sur les doigts.
Dans le même temps, Médiapart révèle l’histoire d’un jeune homme musulman prénommé Karim, âgé de 24 ans, qui souhaitait rentrer dans la police. En 2020, il passe les concours pour rentrer à l’école de police et réussit les tests. Il ne reste plus qu’à passer une «enquête de moralité» pour pouvoir commencer la formation. Il pense que c’est une «formalité». Karim présente une particularité physique : il a une tâche plus sombre sur le front, montrant qu’il fait régulièrement la prière musulmane.
Le 24 mars 2021, Karim est questionné sur la tache qu’il a sur son front : «J’ai expliqué que tous les musulmans n’avaient pas cette tache, car certains avaient la peau plus sensible que d’autres» dit-il à Médiapart. Il attend plusieurs mois et finit par recevoir une réponse de la préfecture : il est recalé. Explications : «Lors de votre entretien, ont été soulevés des éléments d’interrogation quant à l’indispensable devoir de neutralité d’un policier. En conséquence, les faits précités étant incompatibles avec les fonctions sollicitées, votre candidature ne devrait pas recevoir l’agrément du préfet de police.»
Le préfet de police précisera ensuite selon Médiapart que «lors de cet entretien, le requérant avait lui-même admis être croyant pratiquant et que la marque présente sur son front est en lien avec sa pratique religieuse». Une faute qui méritait de le recaler, alors même que de nombreux policiers sont recrutés à 6/20.
Concernant Karim, les autorités estiment qu’il s’agit d’une «manifestation ostensible de ses croyances religieuses, manifestation qui se poursuivrait durant l’exercice des fonctions envisagées. De plus, la présence de cette marque sur une personne aussi jeune interroge et révèle un possible risque de repli identitaire.» Le tribunal administratif a validé cette décision discriminatoire le 21 avril 2023. Karim se dit «privé du métier que j’ai toujours voulu faire.» D’une certaine manière, il échappe ainsi à un métier détestable, qui l’aurait conduit à souffrir et à faire souffrir les autres.
Une réflexion au sujet de « Police française : nazisme autorisé, musulmans interdits »
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