
S’il est une ville où le pouvoir français a tremblé ces dernières années, c’est bien Nantes. Aéroport de Notre-Dame-des-Landes, Loi Travail, Gilets Jaunes, Réforme des retraites 2019, Loi de Sécurité Globale, Pass Sanitaire, réforme des retraites 2023… Nantes est de tous les combats. En Mai 68 déjà la ville s’autonomisait, le préfet fuyait à Paris et la Commune de Nantes s’autogérait pendant trois journées hautement symboliques.
Invité aujourd’hui à Nantes par Ouest-France, un journal de préfecture dont la qualité journalistique est inversement proportionnelle aux subventions reçues, Macron venait parler de l’économie de la mer à la Cité des Congrès. Autrement dit, Macron vient parfaire le greenwashing de son gouvernement éco-responsable : promouvoir l’éolien en mer qui nécessite des tonnes de béton haute-pression et rassurer les marins-pêcheurs à coups d’indemnités. Aucune annonce sur la dispense de taxes sur le carburant pour les méga-yachts ou sur l’interdiction des bateaux usines, le président des riches a le sens des priorités. Pour cela il était accompagné du ministre du lobby agro-industriel, Christophe Béchu, de la secrétaire d’État d’une jeunesse qui se tient sage, Sarah El Haïry, récemment recyclée en secrétaire d’État à la biodiversité, et d’Hervé Berville, le secrétaire d’État chargé de couvrir la responsabilité française dans les noyades d’exilé-es.
Pour venir à la Cité des Congrès, située à 5 minutes à pied d’une gare TGV, à deux heures de la gare Montparnasse, Macron a choisi l’avion. Quitte à bordéliser la circulation du centre-ville de Nantes, autant bloquer le périphérique par la même occasion ! L’escorte roulante du Président, par contre, est bien immatriculée 75 : la garde présidentielle est venue en camionnette depuis Paris, mais il ne faudrait quand même pas infliger une pause pipi à Emmanuel dans les chiottes dégueulasses de Vinci Autoroutes.
On avait rarement connu une telle militarisation du centre-ville de Nantes : des lignes infinies de flics en patrouille afin d’éviter toute confrontation du monarque avec la plèbe, qu’il préfère diriger d’en haut, d’une main de fer. Souillée de sang, la main de fer : on n’oublie pas Zineb Redouane, Steve Maia Caniço, Cédric Chouviat, Nahel Merzouk, les centaines de personnes mutilées, les milliers enfermées et violentées par la milice présidentielle.
À chaque coin des rues d’un très large périmètre : au moins deux gendarmes, armés de pistolets mitrailleurs. Au-dessus : un hélicoptère scrute les mouvements des badauds. Derrière la Cité des Congrès : l’escorte présidentielle, des dizaines de motards et au moins deux fourgons de la BRI. Au milieu de cet espace militarisé : des voitures banalisées qui tournent en rond, des patrouilles de gendarmes à pied, des contrôles aléatoires…
Le comité d’accueil, face à cette débauche de moyens répressifs, paraît bien dérisoire. La CGT appelait à une casserolade au pied du stade Marcel Saupin, de l’autre côté de l’Erdre et à plusieurs centaines de mètres de la conférence. C’est dérisoire, et pourtant c’est déjà trop pour la préfecture qui interdit le rassemblement et nasse les personnes mobilisées. Le procédé est dissuasif, les contrevenant-es cherchent à faire bonne figure, à manifester leur mécontentement, mais finiront par partir en constatant que leur mobilisation est inaudible.
Aux abords de la Cité des Congrès, la journaliste d’une agence de presse pose sa caméra. Cela fait deux heures qu’elle attend la sortie de Macron, en quête d’images croustillantes. Dépitée, elle déclare à notre reporter que « BFM n’en parle même pas, il ne se passe rien aujourd’hui ». C’est le tragique de l’histoire : croire que, aujourd’hui à Nantes, il ne s’est rien passé, alors qu’un président détesté a fait organiser une folie répressive pour éviter des huées et quelques coups dans des casseroles. La définition même d’un État policier.
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