Violences sexistes dans la police : l’impunité, toujours


En décembre dernier était jugé un policier pour avoir traitée de «grosse pute» une femme qui venait de déposer plainte pour agression sexuelle. Faits qualifiés «d’injure non publique en raison du sexe» et jugé devant le tribunal de police de Paris.


La décision est tombée ce 25 janvier : relaxe. L’affaire, révélée par Médiapart, est particulièrement choquante mais représentative de la misogynie et du sexisme qui règne dans la police, comme dans une large part de la société en général.

Dans la nuit du 4 février 2022, une femme subit une agression sexuelle en pleine rue à Paris. Elle dépose plainte. Le lendemain, un policier l’appelle pour lui demander de venir au commissariat pour une «confrontation» et lui laisse un message sur son téléphone. Mais il oublie de raccrocher le téléphone. Dans la messagerie, un torrent d’insultes contre la victime : «Putain, elle refuse la confront’ en plus, la pute. Comme par hasard. En fait, c’était juste pour lui casser les couilles» puis «Putain, grosse pute». Des insultes extrêmement violentes, proférées par des représentants de l’autorité publique dans un contexte post-traumatique pour la victime. Les circonstances aggravantes sont multiples !

Face au tribunal, le mépris de l’institution judiciaire envers la victime ne fait que continuer. La juge nie de manière grotesque le caractère sexiste de ces injures. «La présidente du tribunal de police a considéré que le fait, pour un policier, de dire à une femme agressée sexuellement “grosse pute”, n’était pas une injure à caractère sexiste», a déclaré Me Arié Alimi, l’avocat de la plaignante, à l’Agence France Presse. «L’institution judiciaire continue à protéger les policiers. Ma cliente souhaite faire appel pour faire changer les mœurs judiciaires», a-t-il poursuivi.

De telles insultes auraient-elles fait l’objet d’un tel déchaînement de haine de la part des policiers pour un bourgeois blanc déposant plainte pour une dégradation sur son SUV ? Certainement pas !

Comment peut-on comprendre une telle décision de relaxe ? Les faits sont établis, reconnus, enregistrés. Cette décision de relaxe est un crachat aux visages de toutes les victimes de violences sexuelles, qui subissent une deuxième violence de la part de la police et de la justice. Une relaxe qui démontre une fois de plus, que le combat sera long pour une prise en charge digne et sérieuse de la parole des personnes victimes d’agressions sexistes et sexuelles.

Cette affaire, extrêmement grave, permet de mettre en lumière le rôle de la police dans le traitement des violences patriarcales. Le comportement de ce policier n’est pas anecdotique. Tant de femmes et de personnes sexisées se plaignent depuis des années et des décennies de la réception catastrophique, insultante et violente de la police, alors qu’elles se présentent en tant que victimes. Une double violence, accentuée par le fait qu’elle est commise par des représentants de l’autorité publique.

Des représentants qui, comme cette affaire le démontre une fois de plus, sont protégés et même soutenus par l’institution judiciaire. De tels comportements expliquent pourtant de manière assez évidente la raison du nombre de refus de plainte, puis du taux extrêmement élevé de classements sans suites en matière de violences sexuelles : 80%. Et la réception de la police influence nécessairement le traitement de la plainte qui va suivre par le parquet. Imaginons un peu comment la plainte de cette femme a pu être ensuite retranscrite auprès du service de traitement en temps réel du parquet ! On n’a d’ailleurs pas plus d’informations sur les suites données à sa plainte initiale…

Ces gens, habilités à juger l’ensemble d’une société, à emprisonner, humilier, surveiller… n’ont en réalité aucune connaissance des mécanismes de domination qui régissent les relations sociales au sein de notre société. Une ignorance et un déni total de la réalité des violences sexistes et des violences policières. Avec tant de preuves, de vidéos, de témoignages accablants, un tel déni sur les violences de la police et du sexisme de manière plus générale, ne peut relever soit d’une bêtise profonde, soit d’une volonté affirmée de garantir l’impunité des policiers. Dans les deux cas, laisser le pouvoir de juger à ces gens là est particulièrement inquiétant.

Cette lamentable affaire n’est pas isolée. En 2019, la dessinatrice Ana Pich retranscrivait l’extrait d’un entretien avec une magistrate du siège au Tribunal de Strasbourg, alors qu’elle s’expliquait sur la non-retenue des circonstances aggravantes de sexisme ou de racisme, dans les poursuites judiciaires engagées. Elle le disait de manière assumée : «Si ce type il dit «sale noir» (…) est-ce qu’il y a une intention discriminatoire ? Ou est ce que c’est une insulte comme ça ? Comme on peut dire sale pute?»

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