Devoir de mémoire : il y a 80 ans, le génocide des tziganes par les nazis
«Porajmos», mot en romani qui signifie «dévorer». C’est le terme utilisé pour traduire la tentative d’anéantissement des ethnies Rom par le régime nazi pendant la seconde guerre mondiale. Moins connu que le massacre des Juifs et Juives d’Europe, celui des ethnies Rom a conduit au meurtre d’au moins 500.000 personnes, soit un quart de ces populations à l’époque.
Aujourd’hui, 2 août 2024, c’est le jour de la commémoration du Porajmos. Cette commémoration a été mise en place tardivement : en 2015 seulement. C’est cette journée qui a été choisie en raison de son caractère tristement célèbre : le 2 août 1944 ce ne sont pas moins de 3000 Roms qui sont assassinés à Auschwitz.
En France, on n’a pas attendu les nazis pour connaître un antitsiganisme vivace. Dès 1912 est créé le statut de nomade pour traiter ce “fléau des campagnes”, comme les pouvoirs publics l’appelaient. On invente ainsi les cartes anthropométriques, le passeport intérieur… toutes les choses qui ont grandement facilité leur arrestation et leur internement par la police française pendant la guerre, avant leur déportation à l’Est par les Allemands. Il a fallu attendre l’été 1946, soit plus d’un an après la fin de la guerre, pour qu’ils et elles obtiennent l’autorisation de quitter les camps d’internement français.
80 ans après la guerre, l’antitsiganisme est loin d’avoir disparu. Depuis, les gouvernements successifs n’ont cessé de tenter de contrôler les voyageurs. Tout ce qui sort du cadre est dangereux, et donc tout doit être mis en place pour les forcer à rentrer dans le moule, les sédentariser de force, quitte à piétiner joyeusement les droits humains au passage. En outre, dans les années 60, lorsque l’Allemagne commença sa politique de distribution d’indemnités de réparation, les pouvoirs politiques français nièrent le génocide des populations tziganes de France et refusèrent que les voyageurs et voyageuses français bénéficient de réparations.
Le juriste issu de cette communauté William Acker, dans son livre «Où sont les gens du voyage ?», dresse un état des lieux désastreux des conditions d’accueil des voyageurs. Sur les 1358 aires d’accueil recensées en France (rappelons que toutes les villes de plus de 5000 habitants ont l’obligation de mettre en place une aire d’accueil soit… 5% des communes françaises), 51% sont situées à côté de déchetteries, d’autoroutes ou de stations d’épuration. William Acker parle à ce sujet de “racisme environnemental”, terme qu’il reprend aux militants des droits civiques aux États-Unis qui avaient mis en lumière le fait que les industries polluantes sont majoritairement installées près de quartiers occupés par les populations noires.
Ces aires sont donc le plus souvent insalubres, isolées, et témoignent du profond racisme des pouvoirs publics. N’oublions pas qu’il a fallu attendre le début des années 2000 pour que la mention “interdit aux gens du voyage” ne soit plus autorisée dans les campings municipaux !
S’en étonne-t-on ? Pas vraiment, on ne compte plus le nombre de commentaires décomplexés antitsiganes de nos dirigeants. Citons pèle-mêle Manuel Valls qui disait qu’ils et elles “sont à l’origine de problèmes qui prennent parfois des formes inquiétantes” et qu”ils avaient vocation à retourner en Bulgarie ou en Roumanie”, l’affaire de l’adolescente Léonarda, expulsée par le gouvernement Hollande, qui avait provoqué un déchaînement de haine anti-rom, Gilles Bourdouleix et sa sortie sur le fait qu’ “Hitler n’en avait peut-être pas tué assez” ou Jordan Bardella qui tweetait en 2015 : “Le 93 fait une overdose ! Ces gens ont vocation à retourner chez eux”.
Ce processus de déshumanisation des voyageurs a des conséquences directes et funestes : puisque leur vie vaut moins que celle des autres, les tuer est moins condamnable.
En février, un homme était interpelé pour le meurtre d’Angela Rostas, voyageuse de 40 ans, enceinte de 7 mois. Le 25 juillet Maïky Loerch, 28 ans, était assassiné dans son véhicule par des gendarmes, alors qu’il était avec sa compagne et son enfant.