«L’homme qui a froidement abattu mon fils Souheil d’une balle en plein cœur se pavane lors d’un spectacle de BMX devant des millions de téléspectateurs […] comme si rien ne s’était passé, comme si nous n’existions pas». Ce sont les mots d’Issam El Khalfaou, le père de Souheil, dans une tribune poignante publiée le 4 août.
Souheil, c’est un jeune homme de 19 ans qui a été tué par la police le 4 août 2021, à Marseille, lors d’un contrôle routier. La victime a rejoint la longue liste des personnes abattues par balle alors qu’elles étaient au volant. Depuis une loi votée en 2017, les policiers peuvent tirer à balle réelle en cas de «refus d’obtempérer». Les tirs et les morts ont explosé comme jamais, et décomplexé le fait de tirer pour les policiers, même sans situation de danger. Le cas le plus connu est l’exécution filmée de Nahel l’été dernier, mais il y a de nombreuses autres victimes, par exemple Maïky, abattu par la gendarmerie devant sa compagne et son enfant de 6 mois il y a encore quelques jours à Toulouse, ou encore Aboubakar dans une cité nantaise en 2018. Et Souheil donc.
Depuis l’été 2021, la famille du jeune homme se bat pour obtenir justice. Et comme toujours dans les cas de violences policières, l’enquête est indigne. Les incohérences des enquêteurs de l’IGPN sont flagrantes, à tel point que la famille a porté plainte en février 2022 contre l’un des policiers pour obstruction à la vérité. En effet, l’intégralité de la scène, y compris le tir qui a tué Souheil, avait été filmée par les caméras de surveillance d’une banque. Mais comme par magie, l’IGPN et le service sécurité de la banque ont “perdu” tous les enregistrements. Pour autant la présence de nombreux témoins et des vidéos permettaient de prouver l’homicide et son caractère injustifié. Mais l’IGPN n’en a rien fait, et a légitimé le tir.
L’enquête a été classée sans suite une première fois en décembre 2021, puis relancée par une nouvelle plainte et confiée à une autre juridiction. Les avocats Arié Alimi et Raphaël Kempf ont dénoncé la disparition de vidéos cruciales et «une enquête volontairement bâclée». En attendant, depuis 3 ans, l’enquête n’avance pas.
Le policier qui a tiré dans le thorax de Souheil s’appelle Romain Devassine. Il est visé par une information judiciaire pour homicide volontaire mais n’a toujours pas été auditionné. Le jour du tir, il était encore stagiaire dans la Police Nationale. Romain Devassine pratique également le BMX et rêvait de participer aux Jeux Olympiques, mais il n’a pas été sélectionné.
Au soir du 26 juillet, Romain Devassine a été invité à la cérémonie d’ouverture des Jeux Olympiques, pour faire des acrobaties sur une embarcation sur la Seine. Le site de sa ville d’origine, Bully-les-mines, dans le Nord, titrait fièrement dans un article désormais supprimé : «JO 2024, l’empereur Romain était sur “Seine”» et se félicitait que son «rider [fasse] partie des sportifs participants au show de la cérémonie d’ouverture, déguisé en Napoléon». Le policier était en effet en tenue blanche avec un chapeau bicorne évoquant l’empereur sanguinaire.
En reconnaissant le policier qui a tué leur proche à la télévision, la famille de Souheil a reçu un coup de poignard dans le cœur. La tante de Souheil explique à Mediapart : «À un moment, sur la plateforme de BMX, je vois un profil qui me glace. Je me dis que ce n’est pas possible que ce soit lui. J’ai vu que c’était vraiment lui. Je n’arrivais plus à parler, à respirer, j’étais en état de choc. Comment peut-on mettre en vitrine quelqu’un qui a tué un gamin de 19 ans, alors qu’il y a une enquête en cours ? Avec tous les contrôles, les enquêtes administratives, les assignés à résidence, il est impossible de ne pas le savoir. Jusqu’où ça peut aller, l’indécence ?»
Le père de Souheil dans sa tribune, demande : «Je suis extrêmement curieux de savoir qui a permis à cet homme de monter sur scène à défaut d’avoir pu se qualifier pour les jeux […] Alors que chaque jour depuis 3 ans je me réveille avec cette douleur indicible, avec ce manque insupportable de mon fils, lui, le meurtrier continue sa vie comme si rien ne s’était passé, comme si nous n’existions pas […] À l’approche du 4 août, date marquant l’anniversaire de la mort de mon fils, je n’ai d’autre choix que de reprendre mon combat pour la vérité. Point de trêve olympique».
On ne peut que partager la douleur de ce père, et lui donner raison. L’ancienne basketteuse professionnelle Émilie Gomis, qui comptait 194 sélections à son actif, était membre de la commission des athlètes du comité olympique français, en vue des JO 2024. Infiniment plus légitime qu’un policier. Pourtant, pour avoir simplement publié un message de soutien à la Palestine sur sa page Instagram, elle a été virée de son poste. Un comité opaque jugeait en novembre dernier qu’elle aurait porté une «atteinte avérée aux principes éthiques». L’acharnement est allé encore plus loin puisque Émilie Gomis a même été visée par une enquête pour «apologie du terrorisme».
Dans cette fabuleuse cérémonie d’ouverture si «inclusive» et «progressiste», un policier qui a tué un jeune homme ne porte pas atteinte aux «principes éthiques» des organisateurs, à tel point qu’il participe aux grand show d’ouverture, mais une grande sportive qui exprime une opinion est sanctionnée.
2 réflexions au sujet de « Mis en cause pour meurtre, un policier fait du BMX à la cérémonie des JO »
On n’a aucun scrupule à inviter un violeur pédophile, alors un meurtrier, ça passe…
Y a quelque chose de pourri dans le royaume de France…
Dans le royaume pourri du Führer Macron la police française est en roue libre , l’autoritarisme est réel et la dictature est ressentie.