Entretien avec le comité de soutien des inculpés 1312, à propos de la situation à Nancy et des complicités des autorités avec l’extrême droite.
Après la dissolution de l’Assemblée Nationale, une manifestation contre l’extrême droite avait lieu le 11 juin dernier à Nancy comme dans de nombreuses villes de France. Des milliers de personnes manifestaient alors que le risque d’une arrivée au pouvoir du RN était plus fort que jamais. Dans la ville de Lorraine, des néo-nazis étaient venus provoquer et agresser la manifestation. Six mois plus tard, ce sont pourtant trois antifascistes qui ont été inculpé-es. Leurs procès se tient le 13 décembre 2024 au tribunal de Nancy. Le Comité de Soutien aux Inculpé-es (CSI) du 1312 a accepté de répondre à nos questions et de revenir sur ces évènements.
CA : Est-ce que vous pouvez rappeler les faits qui se sont déroulés le mardi 11 juin ?
CSI : La manifestation a démarré vers 20h, après 20 minutes, des néo-nazis cagoulés et armés de ceinturon, nous sont tombés dessus. Leur objectif était clair, nous passer à tabac. L’un des manifestant a été gravement blessé à l’arcade et a du être pris en charge par les médics sur place. La police était présente et protégeait les fascistes en chargeant à leur côté, boucliers tournés vers nous, des lacrymos ont été envoyés sur les manifestants.
Le cortège est reparti et après environ une heure, suite à plusieurs signalements, deux individus d’extrême droite qui harcelaient le cortège à coup de «Vive Bardella» ont été identifiés et plusieurs manifestants leur ont demandé de dégager. Mais ces deux individus ont poursuivi leur provocation en criant «C’est vous les fascistes». Ils avaient une vingtaine d’années et avaient clairement les arguments d’inversion du réel classique de l’extrême droite. Cet évènement a duré 5 minutes et c’était fini, le cortège repartait. La manifestation s’est terminée peu après.
CA : Ces deux individus étaient-ils liés aux néo-nazis qui ont attaqué la manifestation ?
CSI : Non c’est vraiment juste deux jeunes qui ont été signalés à plusieurs reprises comme provoquant le cortège en criant «Vive Bardella».
CA : Il n’y a eu aucune arrestation ce soir là ?
CSI : Non aucune. Mais quelques jours plus tard, 3 personnes ont été convoqué-es sous le régime de la garde-à-vue, une première fois au commissariat, le 25 juin. C’est là qu’iels ont découvert avec stupéfaction que les deux supporters de Bardella avaient porté plainte. Là encore, C’est des stratégie d’extrême droite : provoquer pendant les manifestations puis se victimiser derrière. Même la police au commissariat le reconnait à demi-mot, en qualifiant cet évènement de «petit truc de merde». Les inculpé-es ont été libérées dans la journée avec une nouvelle convocation le 28 juin.
Lors de la deuxième garde-à-vue, les personnes convoquées apprennent qu’il y a 0 et 1 jours d’ITT pour ces deux individus. Les trois gardé-es à vue ont été déferré-es en milieu d’après-midi. Lors du passage devant le substitut du procureur, il a été demandé une interdiction de paraitre à Nancy alors que les 3 inculpé-es travaillent à Nancy. Face au juge des libertés, la juge constate l’impossibilité de l’interdiction de paraître en raison des emplois et fini par ordonner de ne pas entrer en contact avec les deux personnes qui ont porté plainte.
CA : Et les néo-nazis ont été inquiétés par les forces de l’ordre ?
CSI : Non pas du tout, c’est le plus choquant. Il y a des vidéos de leurs agressions, ils fracassent une personne qui fini en sang. et il n’y a eu aucune poursuite pour ces agressions. Des gens ont demandé au commissariat après avoir mené leur enquête. Il n’y aurait eu qu’un contrôle d’identité ce soir là. Alors que toujours dans la même journée il y a eu des agressions racistes après la manifestation. Ils cherchaient des personnes qui étaient à la manifestation, des personnes racisées ou des personnes issues de la communauté LGBT. Plusieurs personnes en ont été victimes. Depuis la victoire aux élections européennes de Bardella, le nombre de signalements de violences racistes sur Nancy a explosé. Les fascistes ont pris la confiance.
CA : Ces provocations et violences ignorées voire protégées par la police sont-elles des cas isolés à Nancy ?
CSI : Depuis les élections européennes ça a a donné un coup de boost aux nervis d’extrême droite. Jusqu’au second tour des législatives et même après, ils n’ont pas arrêté d’essayer de venir dans les cortèges antifascistes en criant «Vive Bardella» pour pouvoir après raconter leurs histoires sur les antifascistes ultra-violents, etc. Il y a un mois, Raphaël Arnault est venu pour une conférence antifasciste, il y avait 500 personnes à la fac, un gros truc. Après la conférence, il y avait une quinzaine de fascistes qui tournaient pour chercher les personnes isolés dans les rues annexes.
Heureusement, il y avait des guetteurs pour éviter que des personnes isolées soient passées à tabac. Mais ces fascistes n’ont même pas été contrôlés par la police, les mecs sont passés plusieurs fois à côté des keufs, cagoulés, et tout se passe bien pour eux.
Avant ça, le 26 avril 2023, lors de la venue de Zemmour dans une librairie qui était un lieu de convergence de l’extrême droite nancéienne, – fermée depuis grâce au travail militant -, le cortège de manifestant s’est retrouvé dans la même situation. Les boucliers de la police étaient tournés contre le cortège et les pétainiste protégés chantant «Maréchal nous voilà». Les journalistes, le cortège, tout le monde s’est fait arroser de gaz. L’objectif était d’empêcher que ces moments où la police défend des nostalgiques du génocide ne soient pas filmés.
Et ça ne s’arrêtera pas là, sur Metz, un groupe violent, Aurora, qui organise des stages de boxes d’autodéfense, a appelé à une manifestation fasciste le 5 janvier 2025 à Nancy. C’est une marche au flambeau pour commémorer l’indépendance de la Lorraine. Tous les 5 janvier, il y a un rassemblement de régionaliste et Aurora veut organiser une déambulation à l’ancienne comme ça se voyait à Rome à l’époque du fascisme. Il y a bien entendu un appel large à gauche à se mobiliser ce jour là.
CA : Comment expliquer cette collaboration entre la police et les fascistes ?
CSI : C’est historique déjà. On sait que majoritairement les flics votent à l’extrême droite, c’est un secret pour personne. Les cas de racisme dans le police à Nancy, ça a défrayé la chronique. Des nazis à la BAC de nuit, qui ont été radiés depuis, étaient défendus par le commandant de police de nuit qui disait que «bougnoule» c’est pas une insulte mais que «sale bougnoule» ça pourrait l’être. C’est complètement fou d’entendre ça.
Et puis ces mecs fréquentent les mêmes salles de sport, les mêmes club de MMA. Donc ils se connaissent, ce côté viriliste ressort beaucoup. Dans les tribunes du Saturday FC [Les ultras de Nancy] certains policiers côtoient le groupe de hooligan de Nancy, Brisak. Il y a des anciens militaires dans le lot aussi, qui sont parfois reconvertis en policier. En revanche, il n’y a presque pas de flics qui sont d’ancien journaliste ou d’ancien prof. Donc forcément, il y a des réseaux culturels, sportifs, qui expliquent leur proximité en plus des idéologies qu’ils partagent.
CA : Pour revenir aux procès du 1312, c’est l’affaire avec les deux supporters de Bardella, qui est anecdotique par rapport à la violence des néo-nazis ce soir là, qui est reprochée aux inculpé-es. Que risquent les inculpé-es ?
CSI : L’infraction reprochée c’est violences volontaires en réunion n’ayant pas entrainé d’ITT. Pour cette infraction les inculpé-es risquent jusqu’à 100 000€ d’amende et 7 ans de prison. Encore une fois, ce qui choque, c’est le risque encouru par ces trois militants alors que les agressions menées par les néo-nazis cette nuit là, ne donnent lieu à aucune poursuite. Et puis pour ces cas d’accrochage, habituellement, c’est un rappel à la loi.
CA : Ce procès montre un durcissement de la justice selon vous ?
CSI : Clairement. En particulier sur le secteur, récemment pour une chanson «Les Darmanines» [qui dénonçait le Ministre de l’Intérieur], un militant écologiste de Nancy a subi un procès. Des journalistes ont été convoqués au tribunal pour incitation à la haine pour quelques secondes dans une vidéo de récit de manif qui mentionnait la dissolution de Darmanin. Dans des manifestations déclarées où les gens marchent sur la route et non sur le trottoir, les organisateurs ont été placés en garde-à-vue pour entrave à la circulation. En réalité, depuis le confinement, les règles de ports du masque, ont aussi permis de mettre des amendes injustifiées. C’est des formes de répressions pures et dures. Les tribunaux mais aussi la police durcissent la répression contre les militants de gauche.
CA : Comment les trois inculpé-es abordent-ils le procès ?
CSI : C’est très dur pour eux d’accepter le procès quand on sait ce qui s’est passé ce soir là. Il y a des enjeux pour leur travail, leur vie perso. C’est vraiment ce deux poids deux mesures qui est insupportable. Heureusement, il y a un fort soutien qui s’est mis en place. Une trentaine d’organisations ont signé une tribune de soutien, y compris certains partis politiques comme le comité local du NFP qui se rend bien compte de l’ampleur de ce qui ce passe sur le secteur en ce moment.
CA : Justement, comment soutenir les trois inculpé-es pour ce procès ?
CSI : Localement, il y a un appel à se réunir devant le Tribunal Judiciaire de Nancy le 13 décembre à 8h, c’est important de donner de la force aux camarades avant le procès. Et puis pour couvrir les frais de procès, il y a une cagnotte Helloasso [https://www.helloasso.com/associations/association-d-aide-aux-personnes-en-difficulte-dans-l-agglomeration-de-nancy-et-ses-environs/collectes/soutien-a-trois-camarades-en-proces].
AIDEZ CONTRE ATTAQUE
Depuis 2012, nous vous offrons une information de qualité, libre et gratuite. Pour continuer ce travail essentiel nous avons besoin de votre aide.
Faites un don à Contre Attaque, chaque euro compte.
3 réflexions au sujet de « Nancy : des fascistes attaquent une manifestation, les antifascistes sont poursuivis »
Dans les vidéos des évènements du 11 juin, on pouvait voir clairement les néonazis venir se regrouper derrière les policiers après chaque agression sur les manifestants. Un regroupement méthodologique, comme s’ils avaient eu un entrainement spécifique pour cela.
De là à dire que les-dits néonazis en question sont des membres de la police en civil qui se réfugient derrière leurs collègues en tenue, il n’y a qu’un pas que je ne franchirai évidemment pas, vu que les commentaires sont également lus par la dgsi (Emma S. en sait quelque chose).
Tiens, faudra que je vérifie s’il n’y a pas une balise gps sous ma voiture…
Aujourd’hui c’est le ACAB DAY alors joyeux ACAB DAY à tou. Te. s. Et oui, aujourd’hui nous sommes le 13 /12 et selon l’ordre des lettres dans l’alphabet :ACAB=1.3.1.2
Bien vu!
All Cats Are Beautifull!