Une nouvelle étape sur le point d’être franchie

Tout commence sur le plateau du média Sud Radio le 27 février, où intervient la juriste et eurodéputée Rima Hassan. Cuisinée à propos de la Palestine, comme si elle était en garde à vue comme à chaque fois, l’élue répond calmement : «Moi, je parle la langue du droit international, le Hamas a une action légitime du point de vue international», explique-t-elle. Une position que personne ne rappelle jamais dans les média, mais qui est un fait juridique.
Le journaliste l’interroge : Le Hamas est-il «un mouvement de résistance ?» «Non», répond Rima Hassan, «parce que la ‘résistance’ ça peut être sujet à interprétation. […] La question du droit international, c’est une boussole, tout le monde doit se tenir à cette boussole : la légitimité de la lutte armée dans un contexte de colonisation, elle est extrêmement claire». Elle poursuit : «Ce n’est pas parce que les résolutions des Nations Unies sont extrêmement claires sur le droit des peuples colonisés à avoir recours à la lutte armée que les procédés de la lutte armée justifient tout. Vous n’avez pas le droit de prendre en otage des civils, vous n’avez pas le droit de commettre un certain nombre des exactions telles qu’elles ont été commises».
Voilà, une position de juriste, conforme au droit international, qui rappelle que le peuple palestinien victime de colonisation illégale et de massacres depuis des décennies a le droit de se défendre, mais que cela ne justifie en rien de s’en prendre à une population civile. C’est sur cette base que devrait avoir lieu le débat public en France sur la Palestine. Pourtant, cette simple prise de parole est criminalisée comme jamais.
L’extrême droite a lancé la charge, immédiatement rejointe par des membres du gouvernement. Marion Maréchal Le Pen a publié une pétition demandant la «déchéance de nationalité» de l’eurodéputée. Bruno Retailleau a annoncé saisir le procureur de la République pour «apologie du terrorisme». Tous les pires qualificatifs se sont étalés dans la presse contre Rima Hassan.
Et plus grave encore, vendredi 28 février, Jean-Noël Buffet, ministre d’État auprès du ministre de l’Intérieur, a expliqué au micro d’une radio de Bolloré qu’il envisageait la déchéance de nationalité pour Rima Hassan : «La nationalité française ne peut pas être conservée par quelqu’un qui au quotidien conteste la réalité des faits».
Cette mesure, réclamée par l’extrême droite et relayée par un Ministre de Macron, est absolument gravissime. Elle constituerait un basculement du droit si elle était appliquée. En effet, c’est une mesure pétainiste. Littéralement.
Historiquement en France, au siècle dernier, dans un contexte de guerre, on pouvait supprimer la nationalité française à des personnes œuvrant pour le compte de pays hostiles. Mais c’est le régime de Vichy qui a utilisé la déchéance de nationalité de façon massive dans le cadre de ses politiques antisémites. En juin 1940, Pétain étend la procédure de déchéance et organise le retrait de la nationalité de 15.154 français et françaises, dont 7.000 Juif-ves environ. En les rendant «apatrides», il facilite leur déportation et leur extermination par les nazis. En Algérie, qui est alors française, 110.000 Juif-ves perdent collectivement la citoyenneté française, en octobre 1940.
Sous le régime de Vichy, des centaines d’autres français-es perdent leur nationalité pour des faits de résistance, et parmi eux… un certain De Gaulle.
Cette mesure est donc symboliquement très chargée et controversée. En 2010, Sarkozy envisage la déchéance de nationalité pour «toute personne d’origine étrangère qui aurait volontairement porté atteinte à la vie d’un policier, d’un gendarme ou de toute personne dépositaire de l’autorité publique», sans y parvenir. À l’époque, le parallèle avec le pétainisme est largement souligné dans la presse.
Le Parti Socialiste lance une nouvelle offensive après les attentats du 13 novembre 2015, dans un contexte d’État d’urgence. François Hollande dit vouloir étendre la déchéance de la nationalité française aux binationaux nés français, dans les cas d’affaires terroristes. Le Conseil d’État pointe un risque d’inconstitutionnalité, et l’idée est abandonnée. Cette proposition provoque une énorme controverse au sein même du PS, qui accuse Hollande de s’aligner sur l’extrême droite.
En 2023 enfin, lors des débats sur la «Loi immigration» de Darmanin, des sénateurs Les Républicains présentent un amendement pour déchoir la nationalité d’un binational ayant commis «un acte qualifié d’homicide ou de tentative d’homicide» sur «toute autre personne dépositaire de l’autorité publique». La tentative n’est pas validée. Peu à peu, un glissement s’opère : un français pourrait perdre sa citoyenneté pour des faits de droit commun.
En 2025, proposer une mesure aussi grave contre une eurodéputée parce qu’elle soutient la Palestine est donc un vrai tournant. Même si la mesure serait, en l’état, inapplicable, c’est un saut symbolique dans la criminalisation du soutien à la Palestine. Et cela vient prolonger l’infraction «d’apologie du terrorisme» qui a été utilisée ces derniers mois pour arrêter des opposant-es et pro-palestinien-nes avec un arsenal juridique extrême. Au sein même du gouvernement, on veut désormais créer un «crime d’opinion» qui irait jusqu’à la perte de nationalité française, et donc l’expulsion.
Cette position est d’autant plus choquante que des propos génocidaires pro-israéliens sont tenus quotidiennement dans les médias sans jamais être inquiétés. Prenons la chroniqueuse qui passe constamment sur RMC et BFM, Barbara Lefebvre. Lundi 24 février, elle déclarait que «les civils à Gaza [sont] aussi responsables [des prises d’otages] que les membres du Hamas et du djihad islamique. Cela devra être payé au prix fort. On ne peut que soutenir le plan Trump et décider une bonne fois pour toutes que la bande de Gaza doit devenir une zone vierge». Un désir d’extermination, donc.
Ces propos ayant provoqué l’indignation sur les réseaux sociaux, la direction du média qui l’emploie l’a «rappelée à l’ordre». C’est-à-dire aucune sanction. Cette dame, qui est en réalité militante en faveur de François Fillon, obsessionnelle sur l’Islam, est rémunérée pour hurler sur les chaînes du groupe BFM depuis de trop longes années. Pendant les législatives, elle s’exclamait que «LFI est l’ennemi mortel de la démocratie» et que ce mouvement est «la plus grande force de trouble à l’ordre public de ce pays !»
Autre exemple : la Franco-Israélienne Nili Naouri. Lobbyiste pro-Netanyahou en France, organisatrice d’un gala génocidaire, elle vient de lâcher : «Nous devons réclamer l’enfer à gaza. Nous devons arrêter les camions humanitaires, nous devons arrêter l’alimentation en eau, en électricité, jusqu’à ce que le Hamas mette le genoux à terre. […] Le peuple juif doit apprendre à être fier, noble et cruel».
Nili Kupfer-Naouri a personnellement bloqué des convois humanitaires à l’entrée de Gaza lors de manifestations de colons fascistes l’année dernière, et elle tient régulièrement des propos allant clairement à l’encontre du droit national et international. Fervente soutien de Trump, elle plaide depuis des années pour la destruction totale de Gaza qui devrait, selon elle, être «rasée très rapidement». Elle avait dit sur Cnews dès octobre 2023 : «Il n’y a pas de population civile innocente à Gaza».
Dans la France de 2025, un rappel élémentaire du droit international par une eurodéputée expose à une déchéance de nationalité, mais appeler à l’élimination d’un peuple colonisé dans des médias de masse est récompensé. Pétain est au pouvoir.
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3 réflexions au sujet de « Déchéance de nationalité pour avoir soutenu la Palestine ? Le pétainisme est au pouvoir »
« La nationalité française ne peut pas être conservée par quelqu’un qui au quotidien conteste la réalité des faits ». Cynisme, mensonges et manipulations, ou simple déclaration d’abruti? Perso je penche pour la dernière hypothèse. Quoi qu’il en soit, l’ensemble des gouvernants, la majorité des animateurs et commentateurs télé, et Christelle que tout le monde emmerde, vont donc perdre la nationalité française?
Maréchal, nous voilà, devant toi le sauveur de la rance… 80 ans plus tard rien n’a changé, c’est comme si la Libération n’avait pas eu lieu, les bourdin (quelle drôle d’idée d’aller dans l’antre de cette canaille ) philippe ont ressuscité ou quoi ?
Il est impossible de retirer la nationalité française à Rima Hassan car cela ferai d’elle une apatride