Féodalisme : Macron refuse de retirer la Légion d’Honneur de Sarkozy, malgré sa condamnation

Un bracelet électronique à la cheville de Sarkozy : un élément de décoration qui ne l'empêchera pas de conserver sa Légion d'Honneur.

Nicolas Sarkozy aime se montrer. Depuis sa condamnation à une peine de prison ferme, il a organisé une mise en scène ridicule devant les médias. Il s’est fait filmer en train de faire son jogging dans les beaux quartiers de Paris entouré de gardes du corps, son bracelet électronique à la cheville. Visiblement sa détention se passe plutôt bien. Et il pourra même conserver ses médailles.

Napoléon Bonaparte a créé la légion d’Honneur il y a deux siècles : une décoration visant à récompenser les individus ayant rendu des «services éminents à la Nation». En réalité, cette distinction est offerte par les dirigeants successifs à leurs vassaux comme on donnerait du sucre aux chiens obéissants. Parmi les décorés des dernières années pour avoir rendu des «services éminents à la Nation», on trouve d’autres personnalités de grande valeur comme le préfet Didier Lallement, le patron d’Amazon Jeff Bezos, le boss de BlackRock, le PDG de Total Patrick Pouyanné, les anciennes ministres Marlène Schiappa et Amélie Oudéa-Castera ou l’asticot qui a imposé la réforme des retraites Olivier Dussopt… Que des amis du genre humain.

On se demande d’ailleurs quels services a rendu Sarkozy : dévaster les services publics ? Gouverner comme un chef de gang ? Militariser la police ? Accélérer la droitisation extrême qui se poursuit aujourd’hui ?

Quoiqu’il en soit, l’ancien président a été définitivement condamné, le 18 décembre 2024, à trois ans d’emprisonnement, dont un an ferme, pour corruption et trafic d’influence dans l’affaire dite «des écoutes». Selon la règle, la légion d’Honneur est retirée automatiquement à ceux qui ont été sanctionnés : «Est exclue toute personne condamnée pour un crime ou condamnée à une peine définitive de prison ferme d’un an minimum», prévoit le code de la Légion d’honneur. Le 4 mars dernier, le général Lecointre, grand chancelier de la Légion d’honneur avait déclaré qu’il ne pouvait pas «imaginer que la loi ne s’applique pas» à Sarkozy.

Pourtant, Macron vient d’annoncer ce jeudi 24 avril qu’il «ne prendra aucune décision» pour retirer sa médaille à Sarkozy. «De mon point de vue, de là où je suis, je pense que ce ne serait pas une bonne décision» de déchoir Nicolas Sarkozy a jugé Emmanuel Macron. Un fait du Prince.

L’actuel président est allé plus loin, déclarant que Sarkozy «mérite le respect» car «c’est quelque chose d’avoir été président de la France». Celui-ci «a été élu par le peuple souverain. Il a mon respect, et je crois qu’il a le respect du peuple français». Venant d’un dirigeant qui appelle, comme ses prédécesseurs, à toujours plus de sévérité, d’ordre et de répression, ces propos peuvent faire rire.

D’autant plus que Sarkozy est visé par d’autres procès en cours, notamment la scandaleuse et gigantesque affaire Sarkozy-Kadhafi, dont le jugement doit être rendu le 25 septembre. L’ancien président risque 7 ans de prison pour un dossier accablant de financement de sa campagne électorale par une dictature terroriste. Les procureurs en charge du procès ont évoqué un «pacte de corruption inconcevable, inouï, indécent» noué avec l’ex-dictateur lybien.

Peu importe, la légion d’Honneur est un bibelot qu’on se refile entre copains. Et Macron consulte régulièrement Sarkozy pour orienter ses choix politiques. C’était le cas l’été dernier : il a invité Sarkozy après la dissolution de l’Assemblée Nationale. Notons que Sarkozy ne fait pas que recevoir des médailles, il en distribue aussi. En 2023, il avait été invité à l’Élysée pour offrir une légion d’Honneur au présentateur agresseur et pro-israélien Arthur.

Sarkozy dispose aussi des médias pour assurer sa plaidoirie au grand public. Lors de son procès, résultat de 10 ans d’instruction, des tonnes de procédures contradictoires, d’investigations, de confrontations et d’audiences avec les meilleurs avocats, il avait été défendu en chœur par les chiens de garde. «Un réquisitoire excessif» avait déclaré Christophe Barbier alors que Pascal Praud osait sur CNews «il n’y a pas de preuve», sans rien connaître de la procédure. «Une disproportion évidente» estimait l’indéboulonnable Alain Duhamel, et Eric Ciotti évoquant sa «tristesse» à la télé. TF1, la chaîne du milliardaire Martin Bouygues, ami de Sarkozy, avait carrément reçu en Prime Time l’ancien président pour dérouler ses éléments de langage sans contradiction.

Dans le cadre de l’affaire Kadhafi, c’est son fils, Louis Sarkozy, qui défend le clan et déclarait le 29 mars : «Je sais avec toute la certitude du monde que mon père est innocent (…) Je n’ai jamais été aussi fier d’être son fils». Retour au temps des dynasties, mais avec une mise en scène familiale retransmise en direct dans des dizaines de millions de foyers.

Cette histoire de légion d’Honneur maintenue par Macron n’a finalement rien d’étonnant. Dernièrement, le gouvernement a même volé au secours de Marine Le Pen, condamnée pour avoir détourné plus de 4 millions d’argent public. La justice, c’est pour les pauvres, pas pour les copains.

Quand il déclare que «c’est quelque chose d’avoir été président de la France» pour protéger Sarkozy, Macron parle de lui. Il entérine le fait que les élus doivent être au-dessus des règles et des lois pour le restant de leur vie, et que le fait de gagner une élection protège de tout.

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