
La fuite en avant dictatoriale d’Erdogan en Turquie se poursuit. Ce samedi 5 juillet, les autorités ont arrêté trois maires de grandes villes, membres du principal parti d’opposition en Turquie, le Parti républicain du peuple – CHP. Ils étaient élus à la tête des villes d’Adana – 1,5 million d’habitants –, d’Antalya – 3 millions d’habitants – et d’Adiyaman – 180.000 habitants. Ces arrestations sont extrêmement inquiétantes, imaginez que le gouvernement français fasse écrouer les maires de grandes métropoles comme Lyon, Marseille ou Toulouse parce qu’ils n’appartiennent pas au même bord politique.
En début de semaine, la police turque arrêtait déjà 137 personnes à Izmir, troisième ville du pays et bastion hostile au gouvernement. Une véritable rafle contre des opposant-es politiques. Ces arrestations massives ont lieu au prétexte d’une enquête pour des «crimes organisés» qui vise toujours le même parti, le CHP, seule force politique à pouvoir concurrencer Erdogan lors des prochaines élections.
Le 19 mars dernier, c’était le maire d’Istanbul, Ekrem Imamoğlu, très populaire et à la tête de la ville la plus peuplée de Turquie, qui était arrêté. Son interpellation avait déclenché une immense mobilisation populaire, avec 2 millions de personnes dans les rues et des affrontements. Mais là encore, Erdogan avait répondu d’une main de fer, en arrêtant des milliers de protestataires et en ordonnant une violence policière très dure. Le maire d’Istanbul est toujours emprisonné à ce jour.
Le 26 avril, une cinquantaine de personnes appartenant à l’entourage de Ekrem İmamoğlu étaient raflées à leur tour. Puis le 1er juin, 28 membres de la municipalité d’Istanbul étaient arrêté-es et des dizaines d’autres placé-es sous mandats d’arrêt.
Erdogan ne cesse de consolider son pouvoir. Des dizaines de milliers de personnes suspectées d’appartenir à l’opposition ont été enfermées ou assignées à résidence ces dernières années, et l’administration a été purgée.
En parallèle, le régime continue à persécuter la minorité Kurde. Pourtant, au mois de mai, le Parti des travailleurs du Kurdistan – PKK – déclarait un cessez-le-feu et annonçait son autodissolution. Cet événement faisait suite à l’appel d’Abdullah Öcalan, lancé le 1er mars par le leader du parti emprisonné depuis plus de 20 ans. Une décision surprenante, puisque le PKK n’avait semble-t-il obtenu aucune contrepartie du gouvernement turc, qui se présentait donc comme le grand gagnant de cette opération. Il s’agissait d’un pari pour permettre un processus démocratique en Turquie.
Pour autant, l’autodissolution du PKK n’a, pour le moment, pas calmé la férocité d’Erdogan. L’armée turque a mené pas moins de 11.585 attaques terrestres et aériennes contre les forces kurdes au mois de mars. Entre le 29 mai et le 4 juin, des centaines de bombardements terrestres et aériens, notamment par drones, ont frappé les positions des HPG – les Forces de défense du peuple, branche militaire du parti Kurde. L’armée turque a aussi attaqué les tunnels des HPG au moyens de bulldozers blindés, de foreuses et d’explosifs et exige une reddition sans condition des combattant-es kurdes.
En parallèle, les conditions de détention des prisonnier-es kurdes dans les prisons turques se sont durcies. En juin, des fouilles à nu ont été imposées aux proches des prisonnier-es politiques kurdes, lors des visites dans la ville d’Urfa. À la prison de Silivri située à Istanbul, des prisonnier-es déclarent être victimes d’attaques, d’insultes, d’intimidations et de pressions de la part des agents pénitentiaires depuis l’appel à la paix d’Öcalan.
Fin mai, deux élus de la ville de Hakkari, située dans la province kurde du pays, à l’est de la Turquie, étaient arrêtés et démis de leur fonction. Accusés de terrorisme et de participation à des manifestations, les deux co-maires ont été condamnés à de lourdes peine de prison.
Néanmoins, une délégation kurde vient d’être autorisée à visiter Öcalan avant une rencontre avec Erdogan. Un véritable pas en avant ou une énième fourberie du président turc pour gagner du temps pendant qu’il bâillonne le grand parti d’opposition ?
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