Au Togo : une répression Made In France


Le Togo, petit pays d’Afrique de l’Ouest comptant près de 10 millions d’habitants, est une ancienne colonie de l’empire français qui continue de subir la dictature et l’influence tricolore jusqu’à aujourd’hui.


Au Togo, la police et l'armée utilisent des armes de maintien de l'ordre fabriquées en France.

Au Togo, la population se révolte actuellement contre le gouvernement en place qui s’accapare le pouvoir depuis quasiment 60 ans. Oui, vous avez bien lu : c’est une véritable dynastie autocratique qui gouverne le pays depuis la décolonisation. Le président Faure Gnassingbé, qui est à la tête du Togo depuis deux décennies, vient de faire modifier la Constitution pour se maintenir indéfiniment à la tête de l’État. Il est le fils d’Étienne Eyadéma, qui s’était imposé par un coup d’État en 1963 et avait définitivement pris le poste de président de la République en 1967. Ce coup d’État avait renversé et assassiné Sylvanus Olympio, premier président élu après l’indépendance, qui voulait s’émanciper de la France. Ce dernier n’est donc resté au pouvoir que 3 ans, refermant la parenthèse démocratique et post-coloniale.

Depuis 6 décennies, le Togo est donc sous le joug d’une lignée d’autocrates qui se maintient au pouvoir avec le soutien français. Dès 1963, le nouveau régime avait signé un partenariat de défense avec la France, qui forme et arme ses forces militaires et policières depuis. L’armée togolaise est, de fait, une émanation d’officiers français qui la structurent, l’encadrent, l’entraînent.

Revenons à la révolte en cours. Depuis le début du mois de juin, la jeunesse togolaise est dans la rue contre la récente réforme constitutionnelle. À Lomé, la capitale, de grandes manifestations ont eu lieu les 26, 27 et 28 juin. Les forces de l’ordre les ont réprimées avec une extrême brutalité, avec l’appui de miliciens du régime, causant la mort de 7 personnes, des centaines blessées et de nombreuses arrestations. Des images montrent des passages à tabac très violents dans les rues.

Lors d’une précédente mobilisation les 6 et 7 Juin, des agents auraient fait usage de torture sur les opposant-es. Un rappeur célèbre, Aamron, qui est aussi une figure de l’opposition, a été arrêté et interné de force en hôpital psychiatrique, avant d’être forcé à faire une vidéo d’excuse au président. Les autorités qualifient le mouvement de «tentatives de déstabilisation» et de «terrorisme».

Cette machine autoritaire réprime avec des outils «made in France». Non seulement notre pays forme l’appareil policier de Faure Gnassingbé, mais une partie des armes de maintien de l’ordre sont fournie par des entreprises française : Nobel Sécurité pour les grenades lacrymogènes et Alsetex pour des cartouches de chevrotine calibre 12. Des images prises par des manifestant-es montrent en effet des munitions turques, coréennes, mais aussi des cartouches de grenades bien connues, grises avec un liseré rouge, que nous voyons utilisées dans les rues françaises et qui sont fabriquées par des firmes hexagonales.

Le journaliste Thomas Dietrich, auteur d’une enquête sur cette collaboration, a identifié des grenades lacrymogènes de Nobel Sport et d’Alsetex. Il dévoile également un appel d’offre publié en octobre 2024 pour la fourniture de pick-ups et de véhicules blindés à l’armée togolaise.

En février 2024 au Sénégal, lors de la grande révolte contre le président autoritaire Macky Sall, la police locale utilisait déjà des armes fabriquées en France. Sur les images qui circulaient, on voyait distinctement l’usage de lanceurs «cougar» utilisés pour envoyer des grenades sur les manifestant-es. On voyait aussi des grenades manuelles jetées par les policiers : des munitions lacrymogènes et explosives fabriquées par Alsetex, dans la Sarthe.

La France est l’un des premiers pays exportateurs d’armes du monde, non seulement d’armes militaires mais aussi d’armes de maintien de l’ordre. Les munitions du concepteur français du Flash-Ball ont été vendues au Portugal, en Slovaquie, au Maroc, au Sénégal ou en Indonésie. Durant la vague d’insurrections qui s’est emparée du monde arabe en 2011, les policiers du Bahreïn, un petit royaume du Golfe, ont asphyxié des dizaines de personnes en tirant des grenades lacrymogènes directement dans leurs domiciles. Des grenades de chez Alsetex.

En juin 2013, le peuple d’Istanbul prend la rue contre le président autoritaire Erdogan. La police turque tire systématiquement ses lacrymogènes en tir tendu. Plusieurs manifestants sont tués, notamment Berkin, 15 ans, après avoir reçu une grenade dans la tête. Deux ans plus tôt, le ministre de l’Intérieur français avait signé avec le gouvernement turc un «accord de coopération dans le domaine de la sécurité intérieure».

À l’automne 2014, au Burkina Faso, une série d’émeutes chassent le chef d’État. Il y a plusieurs morts et des blessés. Les manifestants ramassent les cartouches tirées : des grenades françaises.

Lors des révoltes libanaises de 2020, la France a fourni des grenades lacrymogènes et des munitions «non létales» pour réprimer les manifestations. De même, des canons à eau français étaient utilisés contre les protestataires de Hong Kong en 2019.

Pendant l’insurrection chilienne de la même année, le gouvernement chilien sollicitait la police française pour des formations. En 2022, au Qatar, la France a envoyé des policiers et des gendarmes pour superviser la sécurité de la coupe du Monde de cette monarchie gazière. L’expertise de la police française dans la barbarie répressive est reconnue mondialement.


Au Togo, de nouvelles mobilisations sont prévues ces prochains jours, pour réclamer un processus démocratique. Ces revendications seront-elles étouffées par du gaz made in France ?


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