Le plus grand incendie depuis 1949 : pénurie de canadairs, orgie d’avions de guerre

Trois images pour illustrer trois chiffres : 17000 hectares partis en fumée dans l'Aude, seulement 11 canadairs disponibles et 42 nouveaux avions de guerre commandés en 2024.

Un «incendie d’une ampleur exceptionnelle», «d’une rare intensité», «le plus important de l’été», «inédit» : les dirigeants multiplient les superlatifs pour désigner l’immense feu qui dévaste le département de l’Aude. Depuis le 5 aout, un incendie ravage le massif des Corbières. Il a englouti dès le premier jour 16.000 hectares de végétation, et même s’il est désormais «fixé» selon les pompiers, la taille de la zone réduite en cendre dépasse les 17.000 hectares et pourrait atteindre deux fois la superficie de Paris. C’est la plus vaste zone détruite en un seul feu depuis le début des relevés en 1973, et même depuis 1949.

Pourtant, les incendies sont nombreux cette année encore. Au début du mois de juillet, les flammes menaçaient la périphérie de la ville de Marseille, avalant 750 hectares, et avaient même détruit plusieurs maisons en bordure de la cité phocéenne. Marseille a été fondée il y a 2500 ans, et rarement sinon jamais les flammes n’avaient menacé d’aussi près la ville. Dans l’Aude déjà, le mois dernier, un feu s’était propagé près de Narbonne. La Bretagne n’est plus épargnée non plus : 120 hectares ont été détruits par le feu dans la mythique forêt de Brocéliande récemment. Un incendie heureusement contenu, mais en 2022, la forêt avait déjà connu un épisode incendiaire, et des flammes avaient dévasté les Monts d’Arrée, du jamais vu sur ce territoire celte.

Cette année là, plus de 62.000 hectares de forêts françaises avaient brulé dans toute la France, dont 30.000 rien que dans les Landes. C’était 6 fois la superficie de Paris.

Après un épisode aussi grave, on aurait pu s’attendre à une réaction du gouvernement. Il n’en a rien été. En octobre 2022, Macron avait pourtant promis le renouvellement des Canadairs et l’achat de quatre avions supplémentaires avant 2028. Nous sommes trois ans après et rien n’a été fait. Un mensonge de plus.

Actuellement, 7 Canadairs sont déployés dans l’Aude, sur les 12 que compte la flotte française. Beaucoup trop peu. En 2024, un rapport parlementaire évoquait «le nombre et l’intensité des feux de forêt, entraînant ainsi une sur-sollicitation des appareils» qui, de plus, subissent une corrosion accélérée par leurs passages en mer. Ces appareils ont en moyenne 30 ans, et le retrait des plus anciens est prévu pour 2025-2030. Dans un autre rapport parlementaire du 2 juillet 2025, l’insuffisance des appareils en eux-mêmes, au-delà de leur nombre, était pointée du doigt : «Leur capacité d’emport de 6 tonnes devient limitée face à l’émergence de méga-feux exigeant des moyens de saturation supérieurs».

En février dernier, le Premier ministre Gabriel Attal a pourtant pris un décret pour réduire de 52,8 millions d’euros les crédits alloués à la sécurité civile. Et ce, alors que le coût unitaire d’un Canadair nouveau modèle tourne autour de 60 millions d’euros. Par ailleurs, «on ne peut pas lutter uniquement avec des Canadair, on combat aussi avec des moyens terrestres», rappelle le représentant des pompiers Eric Brocardi. «L’un ne va pas sans l’autre et c’est la coordination entre les deux» qui compte. Or, les pompiers protestent eux aussi contre le manque de moyens depuis des années.

En janvier 2024, le gouvernement français commandait 42 avions de guerre Rafale supplémentaires, pour la somme de 5 milliards d’euros. Cette machine à tuer, considérée comme un fleuron du progrès, est un avion «multirôle» pouvant transporter 9,5 tonnes de munitions, et coûte 120 millions d’euros pièce. Ce n’est pas tout : la maintenance du Rafale est facturée environ 10% du coût initial de l’appareil chaque année, et chaque heure de vol coûte entre 14.000 et 16.000 euros. Autant dire que la baisse du budget de la sécurité civile, et même l’achat de Canadairs, ne représentent qu’une goute d’eau financière en comparaison de l’achat d’avions de guerre. Le gouvernement fait des choix idéologiques : la guerre plutôt que la protection de sa population.

Des centaines de millions d’euros ont également été débloqués pour aménager une base militaire à Luxeuil-les-Bains, en Haute-Saône, pour accueillir une quarantaine de rafales capables de tirer des bombes nucléaires d’ici 2032.

Enfin, l’argent coule à flot pour la guerre mais aussi pour la répression. Par exemple, le gouvernement a commandé pour plusieurs dizaines de millions d’euros de grenades lacrymogènes et explosives ces dernières années, pour écraser les contestations, et a acheté 90 blindés baptisés Centaure pour la gendarmerie «made in France». Coût total de l’opération : 70 millions d’euros, pour pouvoir envoyer des engins pesant 14,5 tonnes et équipés d’une caméra avec une portée de 9 kilomètres, efficace de jour comme de nuit, de lanceurs de grenades, d’une mitrailleuse et de gadgets en tout genre contre le peuple. Ce blindé est décrit comme un «concentré de technologies et de robustesse». Il est en tout cas plus moderne et sophistiqué que le matériel pour éteindre les flammes.

Les «réductions» de dépense n’existent pas, il n’y a que des arbitrages : nos dirigeants se préparent à la guerre totale et à la guerre sociale, et orientent donc les moyens vers les armes et leurs amis patrons plutôt que pour éteindre les incendies de toutes sortes. Il ne tient qu’à nous d’imposer une redistribution vers ce qui est véritablement essentiel. Rendez-vous le 10 septembre.

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