De l’argent public pour la fête du Medef et autres dépenses provocatrices


Sous la plume de Jean de la Fontaine, ces deux petites histoires pourraient être des fables contemporaines, illustrant l’ignominie de nos dirigeants. Elles pourraient s’appeler le phacochère et le rouge-gorge : le phacochère appellerait le frêle oiseau à se priver de nourriture pendant l’hiver tout en se gavant jusqu’à exploser. Sauf qu’il s’agit d’histoires vraies, en pleine cure d’austérité et d’explosion de la pauvreté le patronat et les dirigeants se gavent d’argent public.


Oncle Picsou se baigne dans ses pièces d'or à l'image du patronat et des élites qui dilapident l'argent public.

Le patronat subventionné

À la fin du mois d’août, le patronat français réuni au sein de son lobby, le Medef, organisait son université d’été intitulée «la Rencontre des entrepreneurs de France». Réunis dans le très chic Stade de Roland-Garros, les patrons se sont déchaînés, réclamant des mesures toujours plus violentes : 1,5 million de fonctionnaires en moins, la retraite par capitalisation, 20.000 communes supprimées, de nouvelles baisses d’impôts pour les riches… Puisque le gouvernement est à leurs pieds, autant y aller à fond.

Le président du Medef, Patrick Martin, a naturellement félicité les mesures de François Bayrou, en évoquant la dette et la nécessité de réduire les dépenses de l’État, et en dénonçant la «gestion défaillante des finances publiques». Il a aussi reçu des responsables du RN et du camp macroniste, qui sont allé dans le même sens.

Ce que le Medef a oublié de préciser, c’est qu’il a touché une généreuse aide de l’État pour organiser sa petite fête. Sur ses plaquettes publicitaires que s’est procuré le Canard Enchainé, le Medef indique la liste de ses «partenaires» : les organisations qui ont payé des prestations auprès de l’entreprise Publicis pour soutenir l’université d’été patronale. On y trouve une quinzaine de ministères, établissements publics, régions et autres organismes publics, notamment l’Urssaf, Bpifrance, France Travail… En tout, 250.000 euros d’argent public ont arrosé les patrons pour qu’ils puissent manger des petits fours et se réunir entre eux dans un lieu huppé pour cogner sur les pauvres.

250.000 euros c’est peu, mais significatif, quand on sait que des associations d’aide alimentaire ou humanitaire manquent de fonds pour sauver des vies. Et surtout, c’est une petite partie des 211 milliards d’euros versés chaque année au patronat sous forme «d’aides aux entreprises».

Les trains de vie des élites

Deuxième histoire : celle du bureau de Bayrou. Le Premier ministre est aussi maire de la ville de Pau, un poste qu’il refuse de quitter malgré l’interdiction du cumul des mandats, car il sait qu’il est sur un siège éjectable à Matignon et veut garder de côté cette petite place confortable.

La mairie de Pau prévoit de dépenser près de 40.000 euros pour rénover le bureau de Bayrou, dans un arrêté signé du 28 juillet, soit quelques jours seulement après l’annonce du plan d’austérité XXL par le même Bayrou. Une dépense destinée à «redonner la splendeur d’origine» à la pièce, évidemment financée par de l’argent public. Un choix étonnant alors que le politicien réclame que les collectivités locales et services publics réduisent leurs dépenses et que le monde associatif subit de plein fouet les coupes budgétaires. Les élus de l’opposition à Pau dénoncent un «scandale» et une «indécence».

Plus amusant encore, Bayrou a fait exploser la dette de sa propre commune. En 2014, elle s’élevait à 60,2 millions d’euros, alors qu’elle montait à 110,9 millions en 2023, un quasi-doublement en une décennie. Bayrou déclarait pourtant le 15 juillet que les collectivités devaient «montrer l’exemple» en réduisant leur «train de vie».

Ce petit caprice rappelle les rénovations et dépenses de l’Élysée. Le budget de l’Élysée a explosé sous Macron, et s’élève désormais à 125,7 millions d’euros par an. Des dépenses qui comprennent la cuisine gastronomique, les chauffeurs, les fleurs, les décorations, fournitures et réceptions du couple Macron… Avant l’arrivée au pouvoir de Macron en 2017, le budget de l’Élysée était de «seulement» 102 millions d’euros, ce qui était déjà scandaleux. Parmi les dépenses, un budget de fleurs en 2020 s’élevant à 600.000 euros, en pleine crise sanitaire. En 2019, le «salon doré de l’Élysée» datant du Second Empire avait été recouvert de 15.000 feuilles d’or pour 930.000 €.


Nos dirigeants vont tellement loin dans la provocation qu’on peut se demander s’il ne s’agit pas d’une expérience politique, d’un test à l’échelle d’un pays entier : voir jusqu’où ils peuvent aller sans provoquer un embrasement généralisé.


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