Coup d’État médiatique permanent : la meute au secours de Sarkozy


Défense systématique des puissants, écrasement des faibles, menaces contre la justice, désinformation quotidienne : analyse d’une France qui pourrit par ses médias à travers le cas de Nicolas Sarkozy, le mafieux préféré des chiens de garde.


Nicolas Sarkozy grogne accompagné de ses chiens de garde, des petits roquets de plateau télé.

Jeudi 25 septembre, la justice a condamné Nicolas Sarkozy à cinq ans de prison ferme pour «association de malfaiteurs» dans l’affaire des financements libyens. Pour rappel et en résumé, Nicolas Sarkozy s’était allié à Mouammar Kadhafi, dictateur libyen, qu’il avait reçu à l’Élysée en 2007 et convié au défilé du 14 juillet, alors que le tyran était considéré comme un terroriste international et commanditaire de nombreux attentats. Notamment l’explosion du vol UTA 772, qui avait tué 170 passagers dont 142 français.

Cette alliance macabre avait servi à Sarkozy pour financer sa campagne électorale. Puis, comme tout bon mafieux, l’ancien président avait lancé une guerre contre la Libye, qui avait conduit à l’exécution sommaire, sans procès et jamais élucidée, du dictateur Kadhafi. Plus de témoin gênant, plus de problème. Depuis une décennie, la Libye est en proie au chaos de la guerre civile, administrée par des seigneurs de guerre et des factions djihadistes. Cet enchaînement de faits est d’une gravité extrême.

Ainsi, après de longues années de procédure, l’ancien Président a enfin été condamné à de la prison, mais à «effet différé». Un privilège rare : lorsqu’un condamné est placé sous mandat de dépôt, il est quasiment toujours menotté et emmené en prison à la fin de l’audience. Sarkozy devra aussi payer 100.000 euros d’amende et aura une inéligibilité et une interdiction de tout emploi public pendant cinq ans.

La meute au secours d’un mafieux

Cette condamnation paraît plutôt légère vue la gravité des faits. Sarkozy aurait prendre une plus longue peine, et surtout passer des années en détention préventive comme de nombreux détenus. Elle a pourtant provoqué un véritable déchaînement de la meute médiatique. L’intégralité des médias des milliardaires, mais aussi des médias publics, a volé au secours de l’ancien président.

BFM titrait : «La justice va-t-elle trop loin ?» et donnait la parole à Henry Guaino, proche de Sarkozy, qui s’exclamait sans être contredit : «C’est une sorte de coup d’État judiciaire». Sur LCI, le chroniqueur Jean-Michel Aphatie osait : «Il faudrait qu’une autorité, je ne sais pas laquelle, revienne sur l’application immédiate de la peine […] Il est inacceptable qu’il aille en prison […] C’est un scandale absolu». Cnews y allait encore plus franchement, avec un bandeau : «Sarkozy, un procès sous le signe de la haine ?» Le chroniqueur Pascal Praud racontait : «Après le jugement, il est allé dans un restaurant à Paris. Lorsqu’il est rentré, tout le monde s’est levé et a applaudi». Dans les beaux quartier, la bourgeoisie soutient les criminels en col blanc. La caste fait bloc.

Sur RTL, Isabelle Saporta aboyait : «En France, mieux vaut taper un policier, être un multirécidiviste violent que d’avoir été président de la République». Bien sûr. On se souvient qu’au moment de la révolte pour Nahel, des mois de prison ferme ont été distribués à la pelle pour des vols parfois désuets dans des magasins déjà pillés, et cela n’a ému personne à RTL. La meute réclamait alors plus de répression, et fustigeait le «laxisme» de la justice.

Dans la classe politique aussi, un bloc allant du macronisme à l’extrême droite soutient Sarkozy. Les plus virulents se trouvent au RN : «Cette exécution provisoire mériterait d’être revue» s’exclame un communiqué du parti. Un des députés RN, Frédécir Falcon, appelle au meurtre des juges : «Il faut mettre hors d’état de nuire ces juges animés par une vengeance politique». Une campagne lancée par l’extrême droite vise les magistrats. Sébastien Chenu du RN déclare à propos de la juge ayant prononcé la condamnation : «Il est normal que son nom et ses engagements soient publics, j’ai cru comprendre qu’elle était syndiquée». Ah bon ? Alors pourquoi ne donne-t-on jamais les noms et les affiliations politiques des policiers violents ? Bref, le gang des corrompus se serre les coudes.

On pourrait souligner que la droite et l’extrême droite passent leur temps à répéter que la prison serait un «club Med» et que les délinquants y seraient choyés, mais trouve cela absolument insoutenable pour Sarkozy, qui disposera pourtant d’une cellule VIP tout confort réservée aux célébrités. Il faudrait savoir !

La troisième condamnation de Sarkozy

Ces médias ne disent pas qu’il a fallu pas moins d’une centaine de magistrats pour se prononcer dans l’affaire des financements libyens, en raison des recours de la défense. Sarkozy dispose d’importants moyens et il est avocat lui même, il a usé toutes les possibilités pour éviter la condamnation. Il y a eu 22 décisions en appel et 15 en cassation pour arriver à ce délibéré. On est très loin des procès expéditifs en comparution immédiate, où l’on envoie des pauvres derrière les verrous sans le début d’une preuve ou d’un recours.

Ces médias ne disent pas non plus que c’est la troisième condamnation de Sarkozy dans des affaires distinctes, et que d’autres procédures sont toujours en attente de jugement. Ainsi, dans l’affaire Sarkozy-Kadhafi, Nicolas Sarkozy est reconnu coupable d’association de malfaiteurs. Il y a aussi l’affaire des écoutes : Nicolas Sarkozy a été définitivement condamné pour corruption et trafic d’influence à 1 an de prison ferme au début de l’année : il a porté un bracelet électronique à partir du 7 février 2025, avant d’être libéré le 14 mai dans le cadre d’une libération conditionnelle.

Dans le cadre de l’affaire Bygmalion, Nicolas Sarkozy a été condamné en appel pour financement illégal de sa campagne présidentielle de 2012, avec la dissimulation aux autorités d’un dépassement de 20 millions d’euros grâce à un système de fausses factures.

Enfin, des dossiers sont toujours en cours : l’affaire russe «Reso Garantia», pour trafic d’influence et blanchiment, concernant ses activités de conseil en Russie. L’affaire du «Qatargate», concernant un pacte de corruption pour l’attribution de la Coupe du monde au Qatar. Sarkozy avait organisé un dîner avec Platini, président de l’UEFA, pour favoriser la monarchie gazière.

Il y a aussi une enquête autour de la rétractation de Ziad Takieddine : une fausse interview présumée, relayée par BFMTV et Paris Match. Nicolas Sarkozy est mis en examen depuis octobre 2023 pour recel de subornation de témoin et participation à une association de malfaiteurs en vue de préparer des escroqueries au jugement en bande organisée. Takieddine vient justement de mourir, ce qui va arranger les affaires du clan Sarkozy.

Une défense systématique des puissants

En mars dernier, après la condamnation des cadres dirigeants du RN pour avoir organisé un gigantesque système de détournement de fonds publics, un vol de près de 4,5 millions d’euros sur plusieurs années, les médias et certains ministres avaient décidé de frapper de toutes leurs forces… sur les juges.

Le journal d’extrême droite Frontières avait lancé une campagne diffamatoire contre la juge en charge du dossier, et avait été suivi par les grands médias. TF1, la chaîne de Martin Bouygues, avait affiché la photo de la magistrate pour illustrer un reportage. BFM avait titré un de ses sujets : «Qui est la juge ?» et raconté sa vie, disant qu’elle avait 63 ans, un «parcours atypique», évoqué son mari. La Dépêche, Sud Ouest, Ouest-France, Le Figaro, 20 Minutes… tous ont titré au moins un article sur la personnalité de cette juge, avec son nom complet et des détails sur sa vie. Ce qui avait provoqué de nombreuses menaces de mort à son égard.

En parallèle, RMC avait lancé un débat autour de la question : «Faut-il supprimer le syndicat de la magistrature ?» Bruno Retailleau, ministre de l’Intérieur, dont la fonction est en principe de faire appliquer la loi, avait attaqué la justice en parlant de «juges rouges». Une expression fasciste. C’était une gigantesque opération d’intimidation de la justice pour avoir simplement fait son travail.

Lorsque Nicolas Sarkozy a été condamné dans l’affaire Bismuth, l’ensemble des chiens de garde médiatiques avaient déjà hurlé à un procès expéditif. Toute la crème des éditorialistes français, du Figaro à Europe 1, des plateaux télés aux colonnes de journaux, prenait la défense de l’ancien président mafieux. Un chroniqueur d’Europe 1 osait : «Il semblerait que toutes les règles de droit aient été contournées, détournées, tordues, dans le seul but d’arriver à la condamnation la plus lourde et la plus infamante possible pour Nicolas Sarkozy».

«Un réquisitoire excessif» déclarait Christophe Barbier, alors que Pascal Praud disait déjà sur CNews «il n’y a pas de preuve», sans rien connaître de la procédure. Décidément, la justice se trompe souvent sur le cas Sarkozy. L’indéboulonnable et sénile Alain Duhamel parlait d’une «disproportion évidente», et Le Journal Du Dimanche allait encore plus loin dans son offensive, et balançait : «La juge qui a condamné Nicolas Sarkozy était en désaccord avec sa réforme de la justice».

Vu de l’étranger : une condamnation logique et une corruption choquante

En France, 80% des médias de masse sont possédés par des milliardaires, et les chaînes publiques sont contrôlées par des proches du clan Macron et ne valent guère mieux. Mais dans les pays voisins, le paysage médiatique est moins pourri, et se montre moins complaisant sur la condamnation de l’ancien président français.

En Allemagne, le Süddeutsche Zeitung évoque «un moment historique». Le quotidien suisse Blick souligne le chef d’accusation retenu : association de malfaiteurs, et reprend les synonymes dans le langage courant : «Délinquant, criminel ou truand». En Espagne, El Mundo rappelle, contrairement aux grands médias français, qu’il s’agit de la troisième condamnation de Nicolas Sarkozy. En Belgique, La Libre met l’accent sur l’attitude de Carla Bruni, qui a «arraché la bonnette du micro de Mediapart avant de la jeter au sol» à la sortie du tribunal, et décrit la compagne de Sarkozy à «la mine hautaine, s’en prenant au média qui a révélé l’affaire».

En Italie, La Repubblica s’étonne à juste titre que Sarkozy, le «multicondamné», continue de conseiller les responsables politiques français, comme Emmanuel Macron ou le Premier ministre Sébastien Lecornu, «malgré le poids des peines judiciaires». En effet, les cercles de pouvoir continuent d’écouter Sarkozy comme s’il était un brillant oracle. Sachant que l’ancien président tient des propos de plus en plus fascisant, et ne cache plus son intention de faire gagner une coalition d’extrême droite.

Le quotidien anglais Daily Telegraph insiste sur le caractère inédit de cette condamnation : «C’est la première fois depuis la Seconde Guerre mondiale qu’un ancien président est reconnu coupable d’association de malfaiteurs en lien avec un gouvernement étranger». Le New York Times estime qu’il s’agit «peut-être du coup le plus dur et le plus dommageable porté à l’héritage de Nicolas Sarkozy». Par ailleurs, en évoquant la situation française, la presse étrangère fait son travail, et rappelle le climat de corruption généralisé au sein de la classe politique.

La classe politique et médiatique française a atteint un degré de putréfaction qui n’a probablement pas d’équivalent en Europe. La colère gronde, le régime est en crise, mais les médias ont une force d’intoxication telle que les révoltes sont désamorcées, salies, diffamées. On l’a encore vu avec le mouvement «Bloquons tout» : si la population avait eu accès aux revendications du mouvement, à la parole des manifestant-es, si le public avait vu le niveau délirant de violences policières, la situation aurait été très différente.


Rien ne sera possible tant que le Parti des Médias et sa meute de propagandistes ne sera pas désarmée.


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