L’État français protège des néonazis mais utilise des tweets antisémites pour geler l’accueil des réfugié-es de Gaza.

“Je vous écris aujourd’hui alors que je suis affamé, en danger, épuisé et brisé moralement”. Voilà les mots envoyés aux autorités françaises et recueillis par France Info, par Bilal, un étudiant gazaoui de 22 ans. Il devait rejoindre les bancs de la fac de médecine de Paris fin août. Mais la France en a décidé autrement.
La révocation du statut de réfugié et le gel de l’accueil des Palestiniens et Palestiniennes
Vendredi 1er août, le ministre des affaires étrangères Jean-Noël Barrot annonçait la fin de l’accueil des réfugié-es gazaoui-es en France avant qu’il ait vraiment commencé. Ainsi, non contentes d’être un soutien actif de l’entité génocidaire israélienne, les autorités se vautraient dans l’ignominie, en condamnant de fait à la mort le peu de Palestiniens et Palestiniennes qui avaient reçu le sésame d’entrée en France.
Cette décision fait suite au tapage médiatique lancé par l’UNI, syndicat étudiant d’extrême droite, après la découverte de tweets antisémites par une étudiante de 25 ans d’origine gazaouie, Nour Atallah, qui devait intégrer Science Po Lille à la rentrée. Cette dernière aurait notamment appelé à « tuer tous les juifs », et cité Hitler. Le parquet de Lille a annoncé avoir ouvert une enquête pour apologie du terrorisme et apologie de crime contre l’humanité.
La jeune femme a vu son inscription immédiatement annulée, son statut de réfugiée révoqué, et elle a quitté le territoire pour le Qatar le 3 août dernier. Tout cela avant même le début de l’enquête et avant qu’elle n’ait pu être interrogée. Le gouvernement s’est empressé d’instrumentaliser cet événement. “Une étudiante gazaouie tenant des propos antisémites n’a rien à faire en France” s’est exclamé Jean-Noël Barrot. Le fasciste Retailleau s’est bien évidemment empressé d’aboyer à son tour que «les propagandistes du Hamas n’ont rien à faire dans notre pays».
Aussi injustifiables que soient les tweets concernés, ils ne sont le fait que d’une personne. Pourtant, cette condamnation s’étend à tou-tes les réfugié-es palestinien-nes. En effet, Jean-Noël Barrot a déclaré que les personnes déjà arrivées sur le territoire allaient “faire l’objet d’une nouvelle vérification après la faille dans le criblage sécuritaire”. Au moins 600 personnes sont dans le viseur de l’État, leur faisant craindre le pire. Les punitions collectives sont pourtant illégales et profondément injustes.
“Qu’est-ce que la police va chercher ? Ce que j’ai posté ces derniers mois ? Mes messages désespérés ? La liste des membres de ma famille qui sont morts ? Est-ce qu’ils vont regarder avec qui je communique ?” expliquait l’une de ces personnes, sous couvert d’anonymat, à France Info le 7 août. C’est en effet l’arbitraire qui règne. “J’ai décidé de faire le mort et de ne rien poster nulle part en attendant. C’est terrible, car je n’ai rien à me reprocher ! Je deviens parano” expliquait un autre. Il y a de quoi.
Sur quels critères la France peut-elle se baser pour trier les bons réfugiés des mauvais ? La participation à une manifestation en faveur de la Palestine suffirait-elle à se voir expulsé ? La France suivrait en ce sens le chemin des États-Unis de Trump. Ce dernier avait en effet affirmé “Nous allons trouver, arrêter et expulser ces sympathisants terroristes » suite à l’arrestation de Mahmoud Khalil, étudiant palestinien à l’Université de Columbia, pour sa participation à des manifestations de soutien à la Palestine. Il est aujourd’hui menacé d’expulsion.
Et pour les personnes qui vont devoir rester à Gaza alors qu’elles s’apprêtaient à prendre le chemin de l’exil, cette décision est une mise en danger absolue. Le collectif des avocats France-Palestine qui s’occupe depuis 2023 de l’évacuation des Palestinien-nes explique qu’au moins une quarantaine de personnes, dont des familles avec enfants, sont concernées par le gel de l’accueil. Bilal est l’un d’eux. Les vrais criminels sont au gouvernement.
La décision de retirer le statut de réfugiée à Nour Attalah est en soit préoccupante. Selon la Convention de Genève de 1951, ce statut désigne “une personne qui se trouve hors du pays dont elle a la nationalité ou dans lequel elle a sa résidence habituelle, et qui du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social déterminé ou de ses opinions politiques craint avec raison d’être persécutée et ne peut se réclamer de la protection de ce pays ou en raison de ladite crainte ne peut y retourner”. Il existe des conditions de retrait du statut de réfugié : le crime contre la paix, le crime de guerre ou le crime contre l’humanité, le crime grave de droit commun en dehors du pays d’accueil avant d’y être admis comme réfugié, et enfin les agissements contraires aux buts et aux principes des Nations Unies. Retirer le statut de réfugié à Nour Attalah pour des tweets, aussi infâmes soient-ils, constitue un précédent alarmant qui ne rentre dans aucun de ces cas de figure. Elle n’a été condamnée pour aucun crime.
La lutte contre l’antisémitisme, un prétexte au racisme et à l’islamophobie d’État
Faire porter la responsabilité des agissements d’une seule personne sur l’ensemble des ressortissant-es palestinien-nes fait passer un nouveau cap dans la faillite morale de la France. Elle est une énième preuve du racisme et de l’islamophobie matricielle de notre gouvernement qui, non content de faire la chasse aux ressortissants musulmans de son territoire, refuse délibérément d’accueillir des personnes réfugiées affamées, torturées, menacées de mort, parce qu’elles sont arabes et musulmanes.
À l’inverse, recevoir des néonazis ukrainiens ne semble poser aucun problème. Accueillir, et même former au maniement des armes. En effet, Mediapart révélait en mai 2024 que le camp d’entraînement de La Courtine, dans la Creuse, accueillait des militaires ukrainiens appartenant à la 3e brigade d’assaut, l’unité de l’armée ukrainienne héritière du régiment Azov, un régiment nationaliste néonazi.
Aucune équivoque ici, il s’agit clairement de nazis : l’un de ces soldats arborait même le symbole de la SS tatoué sur le visage. Sur leurs réseaux sociaux épluchés par Mediapart, un selfie avec un cache-cou orné d’une croix celtique, des t-shirts ornés de la Totenkopf, un groupe de soldats posant devant une fresque à la gloire d’Hitler ou devant un drapeau à la croix gammée… Une enquête a-t-elle été ouverte par le parquet antiterroriste ? Ont-ils été expulsés de France pour leur antisémitisme affiché ? Bien sûr que non. On leur donne des armes. Les néonazis français sont d’ailleurs plusieurs à avoir intégré ce bataillon pour aller combattre en Ukraine, dont César A., accusé d’avoir participé au passage à tabac d’un attaché parlementaire LFI en 2023. Mais l’antisémitisme, s’il est blanc, est autorisé.
De même, la marche néonazie du “Comité 9 mai” a été autorisée par les autorités une fois de plus cette année, tandis que la marche antifasciste était interdite. Un millier de néo-nazis venu de toute la France et de l’étranger avait ainsi pu parader dans les rues de la capitale. À l’avant du cortège : deux tambours des jeunesses hitlériennes ! Derrière, des croix celtiques, signe des suprémacistes blancs, et des runes issues de l’imagerie nazie. Ce cortège de nostalgiques d’Hitler et de Pétain a été autorisé, il a pu défiler avec des casques, des cagoules, des parapluies et des dizaines de fumigènes. La police y a même joué le rôle d’auxiliaire des néo-nazis : gendarmes mobiles, CRS, Compagnies d’Intervention, BRAV… l’État français avait mis les grands moyens pour protéger des néonazis.
Encore plus fou : le syndicat UNI, celui qui a lancé l’offensive contre l’étudiante palestinienne, est un habitué des saluts nazis. Au mois de janvier dernier, au moins «cinq faits notables d’antisémitisme ont été relevés sur des campus universitaires» expliquait le quotidien Le Monde, avec plusieurs saluts nazis photographiés. Ces gestes hitlériens ont eu lieu à Lille, à Caen et à Strasbourg et sont le fait de militants… de l’UNI. Côté pile ce groupuscule affiche des idées et des gestes nazis, côté face il prétend condamner des tweets antisémites lorsqu’ils viennent d’une palestinienne.
Le collectif juif décolonial Tsedek ! rappelait, dans un communiqué du 5 août dernier, le deux poids deux mesures de la lutte contre l’antisémitisme à la française. D’un côté on expulse une étudiante gazaouie pour des tweets antisémites, mais de l’autre Emmanuel Macron peut rendre hommage au maréchal Pétain, saluant le “grand soldat pendant la Première Guerre mondiale” sans un mot pour les 76.000 Juif-ves français-es déporté-es, ou bien l’éloge que Darmanin avait fait de Napoléon pour “avoir su mettre un terme à l’ordre public qu’auraient provoqués les Juifs-ves par leur pratique de l’usure”. Les vrais antisémites sont au gouvernement.
L’impunité de l’apologie du terrorisme et des crimes de guerre contre les Palestiniens
L’armée israélienne compte dans ses rangs plus de 4000 soldats de nationalité française. On est en droit de se demander : qu’en est-il de ces ressortissants français servant dans l’armée de Tsahal et ayant assassinés des Gazaouis ? Verront-ils leur nationalité française retirée ? Seront-ils expulsés ? Se verront-ils poursuivis pour leurs crimes ? Début juillet, on apprenait que la Fédération internationale pour les droits humains et plusieurs ONG portaient plainte contre deux soldats franco-israéliens pour «crimes de guerre», «crimes contre l’humanité» et «génocide». Fin 2024, une plainte avait aussi été déposée suite à la diffusion d’une vidéo montrant une personne identifiée comme Yoel O., soldat franco-israélien, qui filmait des prisonniers palestiniens, les humiliant et se réjouissant de leur torture. À l’heure actuelle, aucun n’a été condamné.
Et qu’en est-il des appels répétés à massacrer des Palestinien-nes proférés en prime time ou sur twitter par des éditorialistes de tout poil ? Louis Sarkozy, nouveau chouchou des médias, déclarait par exemple en septembre 2024, lors d’une interview sur LCI, à propos des Palestinien-nes assassiné-es par Israël : « Qu’ils crèvent tous ». Où est l’enquête pour apologie de génocide ? L’avocate Nili Kupfer-Naouri, présidente de l’association Israel Is Forever, affirmait quant à elle qu’il “n’y a[vait] pas de population civile innocente à Gaza”, que “l’enfer que Trump nous avait proposé de faire sur Gaza n’a malheureusement pas eu lieu” et avait participé au blocage de convois humanitaires pour Gaza entre janvier et mai 2024. Elle est toujours libre d’aller et venir en France, bien qu’une enquête ait été lancée suite à une plainte déposée pour complicité de génocide en novembre dernier. Pas de menace d’expulsion, pas de tribunal médiatique contre elle.
Soyons clair : aucune forme d’antisémitisme et aucun révisionnisme ne saurait être justifié, sous aucune forme. C’est justement pour cela qu’il faut dénoncer le deux poids deux mesures scandaleux de l’État français, car il laisse penser que certaines formes d’antisémitismes valent mieux que d’autres, et que l’antisémitisme n’est pas un sujet sérieux mais un prétexte politique. Et pendant ce temps, les gazaoui-es continuent de mourir de faim, de soif, de maladie. Des personnes innocentes continuent de mourir sous les balles et les bombes israéliennes.
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