Contrôle d’Internet : le Conseil Constitutionnel a changé d’avis, le gouvernement pourra censurer des contenus en moins d’une heure.
En mai 2019, alors que le mouvement des Gilets Jaunes crépitait encore, Mark Zuckerberg était invité par Macron afin d’élaborer avec le géant américain «une stratégie de régulation d’Internet». Il était notamment question de lutter contre «les contenus haineux». Dans la foulée, la députée LREM Laetitia Avia annonçait une loi pour supprimer sous 24 heures les «contenus haineux» et punir les «acteurs numériques qui refusent de collaborer avec la justice française».
L’année suivante, le Conseil Constitutionnel jugeait que la loi Avia était contraire à la Constitution, notamment parce que le texte portait «une atteinte disproportionnée à la liberté d’expression». Il ne s’agissait que d’une «victoire» provisoire face au rouleau compresseur macroniste. En matière de répression, la bourgeoisie ne recule jamais. Par exemple, l’usage des drones a été suspendu puis ré-autorisé. De même pour les mesures liberticides «temporaires» au nom de l’état d’urgence sanitaire ou du terrorisme, qui finissent pas entrer dans le droit commun.
Le 13 août 2022, le Conseil constitutionnel vient de valider une loi qui permet à la police – en l’occurrence l’Office Central de Lutte contre la Criminalité liée aux Technologies de l’Information et de la Communication – d’ordonner à tout hébergeur de retirer en une heure un contenu qu’elle aura identifié comme à caractère «terroriste». Une décision importante qui tombe au creux de l’été, dans une grande indifférence médiatique.
Cette décision est un revirement : les magistrats prétendent qu’il s’agit d’appliquer le droit de l’Union Européenne. Et le juge constitutionnel justifie sa décision en évoquant la possibilité de recours devant le juge administratif. Un bien maigre garde-fou. Car c’est la police qui décide du caractère «terroriste» ou non d’un contenu et qui peut le faire supprimer en un temps record. Alors qu’un recours administratif peut prendre du temps et coûter de l’argent, la censure aura déjà gagné entre temps. «Il est évident que cet outil policier conduira à des dérives notamment contre les contenus militants subversifs» souligne l’avocat Alexis Baudelin.
La Quadrature du Net, association spécialisée dans la défense des libertés sur internet, a déjà expliqué que le gouvernement instrumentalise le concept de terrorisme. Nous l’avons vu avec les dissolutions d’associations musulmanes, anti-colonialistes ou antifascistes, ou même avec la tentative de dissoudre Nantes Révoltée. Le pouvoir assimile régulièrement les critiques de la police et les mobilisations anticapitalistes à du «terrorisme» ou du «séparatisme». De même, Donald Trump qualifiait les manifestant-es contre le racisme et l’extrême droite de «terroristes». Les régimes autoritaires ont pour habitude de désigner les opposant-es comme terroristes, de la Russie de Poutine à la Turquie d’Erdogan. Et de plus en plus souvent dans les médias et les cercles de pouvoir en France. Le leader de la droite qualifiait d’ailleurs les Black Bloc comme une «association de malfaiteurs à visée terroriste» dès 2019.
Ces dernières années, de très nombreux articles contestant la police, dénonçant le gouvernement ou appelant à des actions politiques ont déjà été censurés par Facebook. Des contributeurs ont même été poursuivis. Facebook a également restreint l’audience de nombreuses pages engagées, comme Cerveaux Non Disponibles, Nantes Révoltée, Lille Insurgée… Cette mesure est donc un nouveau signal inquiétant pour la liberté d’expression et une menace pour les médias indépendants, qui sont aujourd’hui les derniers contre-pouvoirs au rouleau compresseur néolibéral et autoritaire. Les rares voix audibles face à l’alliance Macron-Le Pen qui règne et domine les médias.
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