La France est tellement à droite qu’il suffit de dire une horreur raciste ou misogyne pour se voir ouvrir l’accès à tous les plateaux télés
Il y a quelques mois, Grégoire de Fournas était un obscur petit patron du Sud-Ouest de la France, auteur de nombreuses publications racistes sur les réseaux sociaux, encarté dans le parti de Marine Le Pen. En juin 2022, il devenait député grâce à LREM : la candidate macroniste de sa circonscription avait appelé à ne pas faire barrage à l’extrême droite, permettant la victoire du RN. En novembre, Grégoire de Fournas hurlait «qu’il retourne en Afrique» lors d’une intervention du député Carlos Bilongo, noir, alors qu’il intervenait pour parler des noyades de réfugié-es en Méditerranée.
Que s’est-il passé depuis ? Ce député raciste a-t-il été boycotté par les médias ? Non, c’est tout l’inverse : malgré une petite tape sur les doigts au parlement, on ne l’a jamais autant entendu. Quelques minutes seulement après son cri raciste, il était interviewé en direct sur BFM TV, sans contradiction. Puis c’était la tournée de tous les plateaux télé. Le député a pu dérouler non-stop ses éléments de langage : qu’il ne s’excuserait pas, qu’il était victime d’un coup monté et même que sa victime, le député Bilongo, mettait en scène une «victimisation communautaire» ! Oui, les fascistes osent tout. Et la victime ? On ne l’a quasiment pas entendue, ou alors pour dire qu’elle était née en France. L’histoire a malheureusement montré que l’extrême droite se combat par la force, pas par des explications timides.
En fait, la France est tellement à droite qu’il suffit de dire quelque chose de raciste ou misogyne pour se voir ouvrir l’accès à tous les plateaux télés. Plutôt que d’être sanctionné, Grégoire de Fournas est, en réalité, récompensé ! Il est désormais célèbre, il a plus d’abonnés qu’avant sur les réseaux sociaux, il a pu diffuser ses idées comme jamais.
Une enquête réalisée en janvier 2022, pendant la campagne présidentielle, révélait que la droite et l’extrême-droite sont infiniment plus cités que les candidat-es des mouvements de gauche au sens large dans les médias. Par exemple, dans les Journaux Télévisés du soir – TF1, France 2, France 3 et M6 – le chercheur Nicolas Hervé mesurait que les candidats de droite et d’extrême droite – de Macron à Zemmour – occupaient 75% des places. En ce qui concerne la gauche ou ce qu’il en reste – France Insoumise, PCF, NPA et LO – c’était seulement entre 5 et 6% ! Et encore, quand ces candidat-es étaient cité-es, c’était généralement pour être critiqué-es.
Pour les chaînes d’info en continu, c’est encore pire : entre 80 et 90% pour la droite et l’extrême droite. Autant dire que les idées anticapitalistes, contre le racisme, contre le sexisme, pour l’égalité… sont littéralement ABSENTES des médias dominants. Même en période électorale.
En juin 2021, une enquête sur les matinales des télévisions et radios françaises mesurait que plus de 75% du temps d’antenne allait aux trois partis LR, LREM et RN. L’espace médiatique est saturé par les idées, les thématiques et les mots de l’extrême droite. À ce stade, il n’est pas exagéré de parler de lavage de cerveaux.
Le FN vient d’avoir 50 ans. À sa création en 1972, il réunissait 70 personnes. C’était un groupuscule confidentiel réunissant des néo-nazis, d’anciens collaborationnistes, des SS, des colonialistes et des criminels de guerre. Parmi les fondateurs, Pierre Bousquet, ancien de la division SS Charlemagne, François Duprat, «Nationaliste révolutionnaire» ancien du groupe fasciste Ordre nouveau, et bien sûr Jean-Marie Le Pen, qu’on ne présente pas.
En 1981, le Front National comptait moins de 300 adhérents et recueillait 0,18% des suffrages. Dans les années 1980, le président François Mitterand demandait à la chaîne Antenne 2 de donner la parole à Jean-Marie Le Pen, que personne ne connaissait, dans le but de «diviser» la droite. Les médias commencent aussi à parler en permanence «d’insécurité» et d’immigration. En 1988, Jean-Marie Le Pen fait 14,38% des voix.
Ce pays pourrit par ses élites. Avant de considérer que la population est raciste, rappelons que les premiers responsables sont les médias qui banalisent et surexposent la parole raciste et les idées d’extrême droite depuis des années.