Il tranche la gorge d’un jardinier franco-algérien : la justice le relâche et écarte le mobile raciste

Capture d'écran de l'agresseur brandissant un cutter

Nous en parlions dans un précédent article : dans le Val-de-Marne, vendredi 17 novembre, un retraité a attaqué un jardinier franco-algérien qui nettoyait des branches chez une cliente. L’homme a proféré des cris racistes avant de planter un coup de cutter dans la gorge de Mourad, causant une plaie très profonde au cou. Si la victime n’avait pas eu le réflexe d’esquiver le cutter, sa jugulaire aurait été tranchée, il serait mort en quelques instants.

Cette attaque extrêmement choquante est suivie d’un deuxième choc. Ce lundi après-midi, le tribunal judiciaire de Créteil a relâché l’égorgeur raciste. La justice a renvoyé l’affaire au 26 mai 2024, dans 6 mois. D’ici là, l’agresseur est en liberté et bénéficie d’une clémence hallucinante de la justice.

D’abord, le parquet n’a pas retenu la tentative d’homicide, alors que Mourad présente un énorme bandage au niveau de la gorge et qu’il a filmé l’intégralité de l’attaque, qui ne laisse aucun doute : le raciste est allé chercher son cutter dans sa voiture, l’a brandi à plusieurs reprises avant de frapper au niveau d’une partie vitale.

L’assaillant ne sera jugé que pour «violences volontaires avec armes» et «injures à caractère racial». Et d’ici son procès, il a seulement l’obligation de pointer toutes les deux semaines au commissariat de police. Il n’a ni interdiction de port d’arme, ni interdiction de paraître sur les lieux de l’agression.

Ce contrôle judiciaire est infiniment plus léger que pour n’importe quel manifestant arrêté lors des dernières mobilisations, ou que pour la jeunesse qui s’est révoltée après la mort de Nahel. La justice envoyait alors derrière les barreaux sans aucun complexe, lors de procès expéditifs basés sur des dossier sans autre élément que la parole de policiers.

Ici, redisons-le, tout est filmé, prouvé, avéré, et les blessures sont gravissimes : la justice protège l’agresseur sans même se cacher. Rappelons aussi que les policiers avaient d’abord refusé de prendre la plainte de Rajaa, la cliente de Mourad qui lui avait porté secours.

Mourad «n’en revient toujours pas», écrit Mediapart. Rajaa, d’origine marocaine, explique : «J’ai vu un vieux qui criait “bougnoule” mais je n’ai pas tout de suite réagi car, tristement, j’ai un peu l’habitude de ça. J’ai ensuite ouvert la fenêtre et j’ai vu l’altercation puis Mourad revenir en sang. L’agresseur, qui est le père de ma voisine, est retourné très tranquillement vers sa voiture et est reparti pour prendre la fuite». Le retraité raciste a déclaré en garde à vue avoir fait la guerre d’Algérie et a tenté d’accuser la victime.

La justice est complice des violences d’extrême droite. «Si j’avais tailladé la gorge de cet homme, je ne serais pas là à vous parler. Je serais incarcéré et ma tête serait déjà sur BFMTV et CNews», explique Mourad à Médiapart. Impossible de lui donner tort.


Le 9 décembre 2022, un retraité raciste abattait son voisin, Mahamadou Cissé, d’une balle de fusil à Charleville-Mézières. Le Procureur en personne avait qualifié ce crime raciste de «meurtre par exaspération» et le tueur avait été remis en liberté. L’accusé, un ancien militaire, était membre des commandos marines et avait participé à la Guerre d’Algérie.

Le 5 février 2022 dans les Pyrénées-orientales, Yanis, 8 ans, était percuté par un véhicule qui traîne son corps sur 22 mètres en roulant à très vive allure. La conductrice est la mère de deux gendarmes. L’enquête a été confiée à la gendarmerie, qui ne l’a même pas placée en garde à vue. Elle avait d’abord déclaré s’être rendu compte qu’elle avait percuté l’enfant avant de modifier sa version. La famille réclamait une vraie enquête, ce que la justice a refusé. La chauffarde a bénéficié d’une peine avec sursis en septembre 2022. «C’est comme si on exécutait une deuxième fois Yanis» a déclaré le père du petit garçon défunt après le verdict.

Le 26 décembre 2022 à Évry, en banlieue parisienne, un homme de 61 ans tirait sur une jeune fille de 13 ans maghrébine qui rentrait chez elle. Le forcené armé avait été arrêté tout en douceur. En garde à vue, il avait affirmé qu’il voulait rendre hommage à l’homme qui avait assassiné par balles trois militants kurdes deux jours plus tôt. Les services de renseignement avaient aussi relevé des «propos tenus sur une ”voisine bougnoule” à laquelle il voulait s’en prendre», et que le retraité dénonçait son quartier comme étant «progressivement transformé en “califat”». Là encore, malgré tous ces éléments, le tireur n’avait pas été poursuivi pour racisme !

D’un côté, les institutions répriment et enferment avec une extrême sévérité les personnes non-blanches et les opposant-es politiques. De l’autre, elles relâchent la même semaine le policier qui a tué Nahel et le vieillard raciste qui a égorgé Mourad. En envoyant le message que la vie des arabes et des noirs ne compte pas, les autorités mettent en danger des millions de personnes dans ce pays.


Qui peut encore nier le racisme d’État ?
Comment ne pas envisager l’autodéfense ?


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