Le PS, c’est l’extrême droite avec quelques années de retard


On vous explique pourquoi


Olivier Faure, patron du PS, râle contre la France Insoumise lorsqu'elle fait les mêmes propositions que le PS il y a encore 10 ans.

Nouvelle polémique nationale contre la France Insoumise. Cette fois-ci, elle est lancée par le Parti Socialiste, à propos de la police municipale et de la surveillance.

Ce lundi 7 juillet, sur France Info, Olivier Faure, le patron des socialistes charge avec une violence inouïe la députée Insoumise Mathilde Panot : ses propos seraient «une erreur, et même une aberration».

Le socialiste s’écrie : «Jamais (…) je n’accepterai sur une liste… Je ne me mettrai pas derrière un maire Insoumis qui annoncerait qu’il va supprimer la vidéoprotection ou qu’il va supprimer l’armement des policiers (municipaux), cela n’a aucun sens… Comment peut-on même l’imaginer ?» Il concluait, hors de lui, que «aucun socialiste (n’)aura dans son programme la fin de toute forme de vidéoprotection !»

On a connu Olivier Faure plus timide. Par exemple, quand il fallait s’opposer aux propos d’extrême droite de Bruno Retailleau, ou quand il fallait voter une motion de censure contre le gouvernement illégitime de Bayrou, Olivier avait piscine. Ce qui le révolte, Olivier, c’est la France Insoumise.

Rappelons le crime absolu qui est reproché aux Insoumis : avoir déclaré que «une police municipale de proximité n’a pas besoin d’être armée». Des propos très graves ! Mathilde Panot a aussi dit que les caméras de surveillance «n’ont jamais prouvé leur utilité». Inadmissible ! Il fallait monter au créneau, c’était prioritaire !

Olivier Faure s’excite pour rien

Mathide Panot n’a même pas fait une proposition radicale. Elle a juste rappelé ce que disent tous les criminologues et spécialistes de la police depuis 40 ans : l’armement de la police municipale et la vidéosurveillance n’ont démontré aucun bénéfice.

Concernant les armes à feu : la police lourdement armée aux USA tue beaucoup plus que la police anglaise qui n’a pas d’arme, mais elle n’est pas plus efficace. La délinquance était moins élevée en France avant que les polices municipales ne soient armées. Aucune étude en France n’a montré le bénéfice d’armer la Police Municipale.

Concernant la vidéosurveillance : la résolution d’enquête grâce aux caméras est faible, mais surtout la vidéosurveillance n’a aucun effet ni sur la délinquance, qu’elle ne fait que déplacer, ni sur la récidive, en plus d’être très coûteuse.

Elle permet éventuellement d’agir a posteriori, mais le bénéfice comparé au recul des libertés est nul. Voilà pour les faits. Mais Olivier se moque des faits. D’ailleurs, il faut comme la droite et l’extrême droite, il parle de «vidéoprotection». Un terme publicitaire inventé pour atténuer le caractère liberticide de cette surveillance de masse.

Il faut dire qu’en 2021, lors de la dernière campagne présidentielle, Olivier manifestait aux côtés de l’extrême droite avec le syndicat policier Alliance, devant le Parlement. Le leader du Parti Socialiste déclarait alors que «la police doit avoir un droit de regard sur la justice», ainsi que sur les peines. Autrement dit, mettre fin à la séparation des pouvoirs, fondement des principes démocratiques depuis plus de deux siècles. Une prise de position qui situe désormais le sympathique et modéré Olivier Faure plus à droite que les positions d’un Jean-Marie Le Pen du début des années 2000.

Il y a encore quelques années, le PS s’opposait à la vidéosurveillance

Il y a 15 ans, la vidéosurveillance était réservée aux mairies de droite et d’extrême droite. C’est Nice, gouvernée par Christian Estrosi qui était la ville pionnière. Un centre de «supervision» centralisant les images des caméras était inauguré dès 2010. Aujourd’hui, Nice compte 5000 caméras et Estrosi les a même équipées d’un logiciel d’intelligence artificielle. Utile ? Par vraiment : ses milliers de caméras n’ont même pas permis d’empêcher l’attentat atroce commis sur la Promenade des Anglais en 2016.

En 2009, au début du boom de la vidéosurveillance, le Parti Socialiste dénonçait le projet du gouvernement de tripler le nombre de caméras sur la voie publique. À l’époque, c’était Sarkozy au pouvoir. En 2010, le PS critiquait à nouveau le ministre de l’Intérieur, Brice Hortefeux, qui appelait à développer la vidéosurveillance.

Il y a quelques années encore, le maire de Grenoble, Éric Piolle, écolo allié du PS, annonçait qu’il allait supprimer les caméras dès son élection. «Comment peut-on même l’imaginer» hurle Olivier Faure aujourd’hui. Son propre parti l’imaginait très bien, c’est juste qu’il s’est droitisé.

L’armement de la Police municipale dénoncé par le PS encore récemment

L’existence même de la Police municipale n’a jamais été une évidence non plus : ces unités sont un symbole de la fuite en avant sécuritaire depuis les années 1980. Ce sont des agents qui agissent en plus de la Police nationale, mais qui sont directement sous les ordres du maire : une sorte de milice locale.

Il y avait 5000 policiers municipaux en 1984, uniquement dans les villes de droite. Il y en a presque 30.000 aujourd’hui, dans quasiment toutes les communes.

Armer ces policiers encore moins compétents que les «vrais» policiers n’allait pas de soi. Il s’agit à la base de sous-policiers chargés de missions simples et tranquilles, consistant essentiellement à se montrer dans l’espace public et à regarder passer les voitures.

En 2008, le gouvernement Fillon, sous Sarkozy, promulguait un décret autorisant la police municipale à être dotée de Taser. À l’époque, cette décision avait fait scandale à gauche.

En 2015, la mairie d’extrême droite de Béziers décidait d’armer sa police municipale et l’annonçait avec des affiches dans sa ville. Devinez la réaction du PS à l’époque ? Le député socialiste de l’Hérault dénonçait : «Inadmissible et irresponsable», celui du Nord : «Le maire se prend pour un shérif et sème la terreur dans la ville. Lamentable pour un élu de la République». Même Bernard Cazeneuve, l’aile droite du PS à l’époque, dénonçait «la tonalité délibérément provocatrice de la campagne». On rappelle qu’en 2016, moins de la moitié des policiers municipaux étaient armés, et toujours dans des villes de droite.

Encore plus rigolo : pendant la campagne présidentielle de 2012, «le secrétaire national du PS chargé de la sécurité, Jean-Jacques Urvoas, n’a pas hésité à déclarer qu’il fallait retirer aux municipaux leur armement, voire l’uniforme bleu qu’ils portent pour éviter toute confusion avec les policiers nationaux» écrivait le Figaro. Et pourtant, Urvoas appartenait aussi à l’aile droite du parti.

Olivier Faure a vraiment la mémoire courte quand il s’étrangle contre Mathilde Panot, qui tient littéralement… la même position que le PS d’il y a 10 ans. Ou alors il se fout de la gueule du monde, au choix.

Retournage de veste

Le vrai scandale, c’est que le le PS s’est aligné sur les mairies les plus à droite en quelques années. La ville de Saint-Denis est dirigée depuis 2020 par un autre socialiste, Mathieu Hanotin, ancien directeur de campagne de Benoit Hamon. Il a doublé les effectifs de la police et équipé ses fonctionnaires de pistolets automatiques 9mm. Dans une ville confrontée à de grandes difficultés sociales, il a augmenté le budget de la sécurité de près de trois millions d’euros.

À Saint-Denis, les violences policières ont explosé. Le média Street Press évoque par exemple l’affaire de Kadi Sanogo, une cuisinière qui vendait de la street food, agressée par des policiers municipaux qui ont donné «des coups de pied» dans son stand, ont volontairement renversé de la sauce sur elle avant de la frapper et de la mettre à terre. Ils ont ensuite gazé la fille, enceinte, de cette cuisinière. Et Street Press a repéré que des agents affichaient des symboles d’extrême droite.

À Nantes, la gauche qui dénonçait hier la vidéosurveillance a désormais installé 330 caméras qui fliquent l’espace public. 20 millions d’euros de facture en vidéosurveillance. Ces images sont essentiellement utilisées pour traquer les manifestant-es.

À Saint-Nazaire, le maire PS a créé une Police Municipale dans sa ville, puis a doublé le nombre d’agents et les a équipés de caméras-piéton. Il vient d’annoncer qu’il allait offrir à sa police municipale des armes à feu létales.

En Loire-Atlantique, même chose dans les petites villes. Les maires de Donges et Montoir-de-Bretagne ont distribué des flingues à leurs quelques policiers. Encore plus ridicule, les stations balnéaires bourgeoises du Croisic, de La Baule et de Pornichet ont fait de même, alors que ce sont des communes peuplées de retraités de droite où il ne se passe rien.

Une machine à droitiser

Bref, l’indignation médiatique d’Olivier Faure est du cinéma, un spectacle lamentable. La déclaration de la France Insoumise n’est absolument pas anormale. C’est la position classique de la gauche modérée depuis toujours. En revanche le PS s’aligne, avec quelques années de retard, sur le RN. Comme sur tous les sujets.

On pourrait dire la même chose sur la Palestine. Depuis 2023, la FI n’a fait que répéter ce qui était la position classique de la gauche sociale-démocrate depuis des décennies. Mais l’échiquier politique français s’est tellement droitisé que même au PS ou à EELV, évoquer les crimes colonialistes, soutenir les Palestiniens et rappeler le droit international est vu comme terriblement radical, quasiment terroriste.

Le PS joue un rôle plus néfaste que le RN. L’extrême droite joue sa partition, c’est normal. Le PS, en s’alignant sur ses idées, légitime les idées les plus réactionnaires et rend les propos classiquement de gauche inaudibles. Au niveau national comme au niveau local, le Parti Socialiste est donc une machine à droitiser le paysage politique, détruisant toute possibilité d’alternative sociale, écologique et libertaire.

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