«Terrorisme» : Vous avez dit «ultra-gauche» ?


Depuis quelques jours, les médias mettent en scène une affaire de «terrorisme» qualifiée «d’ultra gauche». Mardi 8 décembre au petit matin, juste après un week-end marqué par une très forte mobilisation contre la «loi de sécurité globale», 7 personnes étaient arrêtées dans plusieurs villes, et 5 incarcérées après 4 jours de garde à vue sous régime «anti-terroriste», pour un «projet d’action violente».


Illustration : Itvan K.

Deux jours plus tôt, Macron avait appelé à « casser les black blocs » par tous les moyens nécessaires. Peu après, un député En Marche saluait «le professionnalisme des policiers et des équipes de la DGSI» et ajoutait «tous les terrorismes doivent être combattus avec la même vigueur. Celui issu de l’idéologie islamiste comme celui issu de la mouvance d’ultra-gauche». Un beau spectacle, bien organisé, visant à légitimer la répression. Et à rallumer un épouvantail «d’ultra-gauche».

Quelques précisions :

L’ultra gauche c’est quoi ?

Aujourd’hui, ce terme est utilisé à toutes les sauces, mais en réalité il désigne un courant politique précis. Il s’agit de mouvements communistes opposés au léninisme, parmi lesquels, notamment, les héritiers de la célèbre révolutionnaire allemande Rosa Luxembourg. Bref, un contexte singulier, mais le mot ne veut plus rien dire : pour le pouvoir, c’est surtout un terme «marketing» qui sert à désigner celles et ceux qui contestent le gouvernement. Le préfixe «ultra» sert à marquer les esprits, à faire peur, à insinuer qu’il s’agit d’une infime minorité dangereuse. En réalité, ce n’est pas «l’ultra-gauche», mais une part de plus en plus grande de la population qui n’en peut plus et veut se révolter.

Quelles sont les accusations ?

Inexistantes, ou presque. La presse n’a pas d’élément à se mettre sous la dent. Au pire, «des produits pouvant entrer dans la composition d’un explosif, le TATP». Notez le conditionnel. Car il suffit d’avoir de l’acétone ou de l’eau oxygénée, des produits courants, pour être accusé de posséder ces éléments. Une perquisition sous n’importe quel évier de France permettrait de trouver une telle «cache d’armes». Le Monde évoque un «fusil de chasse» récupéré lors d’une des perquisitions. Inutilisable pour «commettre un attentat». Du reste, il y en a des millions en circulation légalement en France, et Macron lui-même est proche du lobby des chasseurs.

Les autorités le reconnaissent : «aucun projet précis de passage à l’acte n’a été identifié à ce stade». Mais cinq personnes sont tout de même en taule car elles sont «soupçonnées d’avoir envisagé» un «éventuel» projet d’action violente. Le nombre de supposition écrit dans la presse donne le tournis. A ce niveau de contorsion, on est carrément dans la superstition. En attendant, des personnes sont jetées en prison sur des hypothèses et des intentions.

Même l’opération médiatique visant à balancer les «profils» des pseudos-terroristes est douteuse. La presse évoque une «sans-emploi rennaise de 30 ans» qui a fait, une fois, «l’objet d’une condamnation pour conduite sous l’emprise de stupéfiants» et «participé à des manifestations et des actions de solidarité». Elle est même décrite comme une «boy-scout bisounours» par ses voisins. Quant au «leader», le trait sensé effrayer le public est qu’il aurait «combattu au Rojava». Donc contre les terroristes de DAESH.

Quel est l’objectif réel de cette opération ?

Ces arrestations interviennent dans un contexte ultra répressif contre les luttes sociales depuis quelques années : arrestations arbitraires avec un grand nombre de mensonges d’État, maquillage du nombre d’interpellations à Paris, multiplication des procédures pour «association de malfaiteurs» pour des banderoles, de la peinture ou des parapluies, perquisitions et arrestations contre des créateurs d’événements Facebook… Cela fait un certain temps que le pouvoir voudrait faire croire que résister au monde tel qu’il est relève du «terrorisme». À Biarritz en août 2019 déjà, 3 jeunes allemands de 18 ans avaient été jetés en prison pour des cagoules et des livres militants dans leur voiture. À Rennes, deux personnes ont été interpellées par le RAID pour une redoutable histoire de… caméra esquintée pendant une manifestation. L’opération «anti-terroriste» du 8 décembre est donc d’abord cosmétique : diaboliser des opposants, les faire passer pour des personnes dangereuses, les couper d’une population dans laquelle la colère monte…

Cette opération médiatique sonne comme un triste rappel de l’affaire Tarnac. En 2008, le gouvernement avait arrêté des militants pour « terrorisme » sans preuve tangible. Quasiment 10 ans après, ils étaient relaxés, après avoir fait de la prison, subi une accusation extrêmement lourde, vu leurs noms et leurs vies privées jetés en pâture. Après ce fiasco, le gouvernement relance la machine antiterroriste contre certains révolutionnaires.

Comme pour faire oublier que ces dernières semaines, les groupes armés qui font réellement régner la terreur dans les rues portent un uniforme.

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