Après des violences policières : enquête, garde à vue et condamnation pour un commentaire


Le tribunal de Nantes préfère traquer les internautes plutôt que poursuivre les policiers auteurs de violences


C’était le 6 avril dernier à Nantes, lors d’une grosse manifestation contre la réforme des retraites. Une horde de forces de l’ordre avaient forcé des milliers de personnes à reculer sur le pont Anne de Bretagne, au-dessus de la Loire. Une situation dangereuse : en cas de mouvement de foule, des dizaines de personnes pouvaient tomber dans le fleuve, comme le soir de la fête de la musique en 2019, avec la noyade de Steve.

Pire, les policiers avaient tiré des grenades lacrymogènes depuis le quai directement sur le cortège, serré et coincé au-dessus du fleuve, avant de nasser la foule, puis de charger et matraquer les personnes présentes. Une personnes étaient restée inanimée au sol, d’autres avaient escaladé les rambardes avant, heureusement, de se raviser. Un drame avait été évité de peu.

Des bateaux de secours avaient été prévus en cas de chute, signalant ainsi que l’opération de nasse au-dessus de la Loire était préméditée par les autorités.

Contre Attaque, média au service des luttes, avait documenté ces violences et diffusé des photos et une vidéo de l’événement. C’est dans ce contexte qu’un lecteur, visiblement ému, avait publié un commentaire énervé contre la police. Sur son compte Twitter suivi par 25 personnes, il avait relayé la vidéo avec un message cinglant appelant à «assassiner les ennemis de la République et du peuple».

Visiblement, alors que les messages racistes et violents se comptent par centaines de milliers, c’est ce commentaire qui a attiré les autorités. Rien de ce qui pourrait chatouiller la police n’est permis. Cet homme, un ingénieur de 37 ans, a été convoqué, placé en garde à vue, et vient d’être condamné à une amende pour ce commentaire. Au procès, il a expliqué regretter son commentaire, publié alors que son père était décédé avant d’atteindre l’âge de la retraite. Selon la procureure, c’était une «injonction directe à commettre un crime».

Mais que dit cette magistrate des innombrables messages d’extrême droite, islamophobes ou sexistes qui pullulent littéralement sous tous les articles de presse ? Que dit-elle des menaces de morts envoyées à de très nombreux soutiens de la Palestine ? Que dit-elle des menaces physiques contre les élus de la France Insoumise sur les plateaux télé ? Que dit-elle des groupes de policiers découverts sur les réseaux sociaux, concentrant des commentaires ouvertement racistes et violents publiés par des agents assermentés ? Rien, évidemment.

Cette affaire s’inscrit dans une traque aux publications et commentaires contre la répression. En mars 2023, une quinquagénaire qui avait eu l’impolitesse de qualifier le président d’«ordure» sur son compte Facebook était arrêtée chez elle et placée en garde à vue. Depuis, on ne compte plus les interpellations et les condamnations pour de simples tweets ou vidéos en ligne, notamment après la mort de Nahel ou pour soutenir la Palestine.

Nous rappelons donc à notre aimable lectorat de bien faire attention : tout ce que vous écrivez peut être lu par les autorités malveillantes… Et les plateformes comme Twitter, Facebook ou Instagram collaborent volontiers avec la police. Enfin, les forces de l’ordre ont visiblement du temps et des moyens pour enquêter sur le moindre petit commentaire de petit compte en ligne.


Être en colère est légitime, mais ne vous mettez pas en danger inutilement


Compte-rendu d’audience dessiné par Ana Pich’ au tribunal de Nantes, le 3 janvier.


Sources : https://nantes.maville.com/actu/actudet_-un-ingenieur-condamne-a-500-e-d-amende-pour-avoir-appele-a-assassiner-des-policiers-_loc-6099340_actu.Htm

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